Quoi! ici aussi? s’étonne l’Adrienne en voyant dans le sol devant la cathédrale de Speyer la très reconnaissable coquille Saint-Jacques cuivrée qui orne tous les lieux de passage du célèbre pèlerinage.
Si vous cliquez sur le petit point de la carte où se trouve Speyer, vous voyez que selon la suite du parcours choisi, il vous reste entre 2302 et 2317 km à faire avant d’atteindre le but de votre voyage.
Estimez-vous heureux que vous ne partiez pas de Kaunas (Lituanie, 4209 km) ou que vous ne voyagiez pas avec l’Adrienne comme guide 😉
En visitant Heidelberg, l’Adrienne s’est demandé si les guides adaptaient leur discours quand ils font visiter le Palatinat à des touristes français, vu que Louis XIV et ses idées expansionnistes sont la sources de tous les maux qui ont accablé cette région au cours du 17e siècle.
Bref, en haut des ruines du château de Heidelberg, un couple d’Américains et leurs deux petits garçons lui ont demandé si elle voulait les prendre tous quatre en photo à cette même fenêtre, pour pouvoir montrer chez eux « beautiful Germany« .
L’Adrienne a eu très envie de leur répondre qu’elle était de beautiful Belgium, mais elle n’a pas voulu gâcher leur joie de rencontrer une « Allemande » serviable et souriante 😉
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Non non rassurez-vous, dans ce coin-là les gens ne sont pas comme à Berlin, d’ailleurs un Allemand a dit à l’Adrienne que « Berlin, ce n’est pas l’Allemagne ». Et elle n’a pas demandé de précisions, elle a fait celle qui comprend 😉
Pour ceux que l’histoire intéresse et qui lisent le néerlandais, voir ici.
Quand dans la seconde moitié des années 1870 Van Gogh est pris de zèle religieux et se sent une vocation de prédicateur, il va de déception en déception: les études de théologie ne lui conviennent pas, ne l’intéressent pas, ni à Amsterdam, ni ensuite à Bruxelles, et son travail de prédicateur laïc dans le Borinage ne se passe pas non plus comme il l’avait espéré.
Le vendredi 1er août 1879 il entreprend à pied les 50 km qui séparent Cuesmes, où il vit et travaille, du petit hameau de Korsele, en Flandre Orientale, pour y rencontrer le pasteur Abraham van der Waeyen Pieterszen qu’il connaît grâce à son séjour bruxellois.
Korsele, c’est ce qu’on appelle ici le Geuzenhoek, le « coin des gueux », gueux étant le mot injurieux employé pour désigner cette poignée de protestants qui résistaient, trop pauvres pour se refaire une nouvelle vie dans les provinces hollandaises, et qui ont survécu aux persécutions en vivant cachés dans les bois.
Cet Abraham Pieterszen avait apparemment la confiance de Van Gogh, comme prédicateur mais aussi comme artiste, il avait eu une formation de peintre.
Et c’est après cette rencontre – qui a finalement eu lieu à Bruxelles, le pasteur Abraham Pieterszen n’était pas chez lui quand Van Gogh y est arrivé après deux jours de marche – qu’on voit que Van Gogh délaisse ses projets de prédicateur pour se tourner entièrement vers le dessin et la peinture.
Dans une lettre à son frère, datée du 5 août 1879, de retour à Cuesmes, Van Gogh écrit:
« Ben onlangs nog op een atelier geweest, n.l. bij Ds Pieterszen die schildert in den trant van Schelfhout of Hoppenbrouwers en wel verstand van kunst heeft. » (récemment j’ai encore visité un atelier, celui du pasteur Pieterszen, il peint dans le style de Schelfhout ou Hoppenbrouwers et s’y connaît en art – traduction de l’Adrienne)
Pas de vidéo ni d’extrait de la mise en scène vue à Schwetzingen, qui était franchement débile (oui, osons le mot: débile) et qui, dans le meilleur des cas, pouvait offrir un moment de rigolade, pour autant que le débile fasse rire, hélas ça n’a pas fait rire l’Adrienne, qui a pourtant le rire facile.
Dommage, et c’est un mot trop faible.
Vraiment fort dommage, parce que la musique de Grétry, les interprètes vocaux et l’ensemble Akademie für alte Musik Berlin sont vraiment de qualité, et même le livret de Jean-François Marmontel – on sait ce que valent parfois les livrets d’opéras – oui même ce livret mérite beaucoup mieux, puisque l’histoire est à la fois une féerie, c’est le conte La Belle et la Bête, et une réflexion sur l’importance du paraître face à l’être ainsi que sur le privilège lié à la naissance face au mérite personnel.
Marmontel n’est pas pour rien l’ami de Voltaire.
Aussi l’Adrienne a été bien contente qu’au moins une personne dans le public pense comme elle, un homme a lancé de forts « bouh! bouh! » au moment où le metteur en scène est venu saluer le public.
Non, on ne le remercie pas de sa triste lecture, avec un père incestueux et les nains échappés de chez Blanche-Neige, venus faire leur petit strip-tease.
On était loin, très loin des Lumières, et complètement dans le trivial, y compris le décor de stade de foot à la fin, avec tous les personnages portant un maillot bleu ciel sur un short blanc.
Sans équipe adverse, sans doute pour être plus sûrs de gagner.
A Speyer, raconte le guide qui fait visiter la cathédrale, un artiste peintre a trouvé un moyen « chimique » – qu’il n’a pas nommé – un moyen qui a fait tomber à la renverse, bouche bée, l’Italie entière: il a réussi à trouver un procédé permettant d’enrouler comme un vulgaire tapis… une fresque.
Toutes les fresques monumentales qui ornaient les murs de la cathédrale et qui représentent la visite de Bernard de Clairvaux à Speyer ainsi que deux épisodes de la vie du pape Stéphane/Etienne Ier, ont été enroulées et « recollées » après la restauration du bâtiment, au cours du 20e siècle.
L’Adrienne aussi en est restée bouche bée et a évidemment voulu comprendre un peu mieux comment c’était possible.
L’homme s’appelle Otto Schultz, est restaurateur, et le procédé consiste à enduire les fresques d’un mélange de chaux et de caséine, puis d’y coller différentes couches de toile de lin, et ça devrait permettre de décoller la fresque du mur, de l’enrouler et – ce qui semble plus fort encore – de la dérouler par la suite et de la recoller sur un autre mur.
L’Adrienne et l’Allemagne, ça n’a jamais été le grand amour, et en se demandant comment serait cette nouvelle expérience, après la peu concluante berlinoise de 2018, elle s’est souvenue de cette nouvelle de Maupassant, qu’elle lisait avec ses élèves à l’époque où elle donnait cours en 4e (la 3e, en France)
Bref, l’Adrienne se rend au pays des « denkers en dichters« , comme on l’appelait au 19e siècle, le pays des penseurs et des poètes, en espérant qu’à Mannheim et Heidelberg on est plus affable qu’à Berlin.
Cinq ans après la triste expérience des trains allemands, l’Adrienne va retenter le coup: demain elle monte dans le train pour Mannheim avec changement de correspondance à Cologne, autant dire que c’est de l’optimisme pur 🙂
Comme il n’y aura ni sa mère, ni Monsieur Neveu, elle n’a qu’à se préoccuper d’elle-même, c’est dire que le souci est bien petit.
Mais pourquoi diable aller à Mannheim, vous demandez-vous.
Et bien, c’est fort simple, pour visiter Heidelberg et assister à quelques concerts d’un festival de musique.
Voilà voilà.
Le plus périlleux sera le retour, et qu’à Bruxelles le dernier train en direction sa petite ville soit parti depuis longtemps.
Depuis que l’Adrienne a laissé traîner ses précieuses coordonnées – « à l’insu de son plein gré » – lors du séjour au festival de Glyndebourne, au printemps dernier, il ne se passe pas de saison sans qu’elle reçoive d’alléchantes propositions pour des séjours dans des hôtels de charme, au milieu de la campagne du Sussex.
Alléchantes, on parle des photos, bien sûr, pas des prix, qui sont réservés aux happy few.
D’habitude ça passe tout de suite à la poubelle mais là, ce lit à baldaquin… ça l’a fait sourire, penser au temps de sa jeunesse, quand elle s’évertuait à lire Wuthering Heights et elle s’est demandé s’il fallait souscrire une police d’assurance avant de s’aventurer dans un tel lit 🙂
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Source de l’illustration ici. Vous y verrez que l’endroit est tout à fait charmant – so british – et que la chambre avec baldaquin revient à 385 pounds par nuit.