Dans le ciel, les oiseaux tournaient en grappes, en tornades, s’éloignaient et revenaient de plus belle. Les voyageurs, aux alentours de la gare, marchaient le nez en l’air. Il les imita – « If you go to Rome, do as the Romans do », lui répétait sa grand-mère, qui avait logé deux soldats anglais en septembre 44 – et il reçut la fiente en plein front.
– Disons que ça porte bonheur, pensa-t-il en cherchant vainement un mouchoir.
Quand le train démarra, il se rendit compte que dans sa hâte de quitter Rome il avait oublié de valider son billet qu’il tenait pourtant en main et sur lequel c’était écrit en toutes lettres : « convalidare prima della partenza ».
Sur la banquette d’à côté, une mère et sa fille papotaient. Il essaya ses rudiments d’italien pour leur expliquer son problème. La dame se leva et partit à la recherche du contrôleur, ce qui lui prit plus de dix minutes. Ces Italiens et leur indécrottable gentillesse, alors qu’ils sont envahis de touristes, l’étonnaient toujours.
Le paysage traversé ne ressemblait pas à l’Italie des cartes postales : champs poussiéreux brûlés de soleil, constructions hâtives disséminées dans la campagne, quelques rares arbres, un peu maigres et tordus, ici et là une petite gare délabrée où personne ne montait ni ne descendait. C’était l’heure de la sieste, les gens sensés étaient probablement dans la pénombre de leur chambre ou dans un bureau climatisé.
Au-dessus des petites plaquettes « E pericoloso sporgersi », toutes les fenêtres à glissière étaient ouvertes : il fallait choisir entre mourir étouffé ou ébouriffé. L’appel d’air était si fort que ses deux compagnes devaient élever la voix pour se faire entendre. Puis leur conversation retomba.
De temps en temps, il surprenait le regard de la fille qui l’observait à la dérobée. Il se demanda s’il avait encore des traces d’oiseau sur le front et essaya de voir son reflet dans la vitre. Il ne vit que ses yeux un peu fous de bête traquée.
Ils finirent par arriver dans une gare un peu plus importante où quelques personnes attendaient sur le quai. Il décida de sortir là, espérant qu’il réussirait à se fondre rapidement dans le paysage. Personne ne l’avait vu monter à Termini, il en était persuadé.
– Ce n’est pas ici, se dit-il en prenant son sac à dos et une profonde inspiration, qu’on me cherchera.
(texte de fiction n°2)