D comme défense d’utiliser des adjectifs

Fermés, les petits supermarchés Sarma. On ne vend plus la ouate thermogène ni la poudre Inotyol du docteur Debat. Disparus, mon grand-père et Boule d’Or, sa marque de cigarette, ma grand-mère et son moulin à café à manivelle.

Finie l’époque des jeux de cour de récré, chat perché, colin-tampon. Fini le petit magasin de bonbons, au coin de l’école. Finis les bonbons Pez, le journal Pilote et sa Rubrique-à-brac, le magazine Pif et ses gadgets.

Perdus, le ré de ma clarinette, le chat de la mère Michel et le vieux chalet de Jean, là-haut sur la montagne. Le furet, il court, il court… et où sont les neiges d’antan ?

Disparus, Pimprenelle et Nicolas et le gros nounours qui vous disait « bonne nuit les petits ». La grosse télé avec son petit écran bombé, le capitaine Flamm, la petite maison dans la prairie, les cow-boys et les indiens et Armand Pien qui nous disait la météo sur la chaîne flamande.

Jetés au rebut, le gros poste de radio où on écoutait Jean-Christophe Averty avec ses cinglés du music-hall et le bel canto le dimanche soir; mon transistor à piles pour Radio Hainaut et les disques demandés les jours de semaine.

R.I.P. Fernand Raynaud, sa sœur et sa 2CV, son beau-frère et son platane penchant. Hergé et les bijoux de la Castafiore. Le Manitoba ne répond plus depuis longtemps. R.I.P. Jacques Brel et le tram 33 pour aller manger des frites chez Eugène. Jan Van Eyck et le panneau des « juges intègres » de son retable L’Agneau mystique.

Trop tard pour la visite du phare d’Alexandrie et des jardins de Babylone. Beaucoup trop tard pour le jardin des Hespérides. Trop tard aussi pour le voyage avec la Sabena ou le trajet Anvers-Matadi avec le Léopoldville.

Partis sans laisser d’adresse, François Villon et les amis de ce pauvre Rutebeuf, un jour de grand vent.

Et les cheveux de mon frère.

***

Consignes 282 des Poudreurs d’escampette – Nostalgie quand tu nous tiens….

Et si le meilleur de la vieillesse n’était justement la nostalgie du meilleur de l’enfance?  Philip Roth

Chacun, quelle que soit son histoire, entretient avec la nostalgie un rapport particulier. A vous de mettre en scène une nostalgie ; la votre ou celle d’un personnage fictif. Une obligation pour vous compliquer la tâche : votre texte ne devra inclure aucun adjectif qualificatif. J’ai donc repris un texte d’avril 2010… et enlevé les adjectifs 🙂

14 commentaires sur « D comme défense d’utiliser des adjectifs »

      1. Une pluie impossible à décrire sans adjectifs.
        e.g. elle fut non violente, trop brève, probablement bénéfique pour notre pelouse dont les « mauvaises herbes » au nom inconnu ont refleuri ce matin…

        Aimé par 1 personne

      1. très juste 🙂 mais dans ma langue on ne dit pas ‘devoir’, on dit ‘travail, tâche’
        donc je leur dis: ça ne serait pas une bonne idée si on faisait un petit travail là-dessus? que je voie si ça marche?

        J’aime

  1. Oui, c’est ça qu’on est : des cinglés du music-hall !

    Un autre jeu consisterait à enlever les mots rayés, à les remplacer par des blancs et à demander à quelqu’un(e) d’autre de rajouter les adjectifs.

    J’aime

  2. Pas bête ton recyclage de texte existant!
    Cela me fait penser que le linguiste Claude Hagège a dit une fois que l’abus d’adjectifs était un signe de pauvreté de la pensée (ou quelque chose d’approchant).
    Bonne soirée,
    Mo

    J’aime

    1. évidemment, s’il y a emploi abusif, c’est mauvais, que ce soient des adverbes ou des adjectifs ou n’importe quoi d’autre… mais avec ce texte de 2010 où je barre les adjectifs, je veux montrer que ceux qui s’y trouvent sont tout de même indispensables, à un ou deux près, peut-être 😉
      Merci et bonne soirée! je m’en vais arroser mon unique hortensia survivant…

      J’aime

Laisser un commentaire