Quand on a réaménagé le petit parc autour du monument de 14-18, ces dernières années, pour le rendre accessible aux fauteuils roulants, on a déplacé le buste du roi Albert Ier.
Désormais, il ne regarde plus un des quatre côtés de l’obélisque avec la liste des noms des soldats morts, il leur tourne plutôt le dos.
L’Adrienne trouve ce choix très bizarre, évidemment, mais l’autre soir, avec les illuminations, elle n’a pu s’empêcher de penser qu’Albert poursuivait ses propres méditations sur le temps qui passe et sur la vanité des choses d’ici-bas 🙂
En 1971, c’est au tour de la Flandre d’envoyer sa participation à Eurosong: le duo Nicole et Hugo chante « Goeiemorgen morgen« , c’est-à-dire « Bonjour », le salut du matin.
Qu’ils n’ont finalement pas pu interpréter lors du concours, la chanteuse étant malade, mais qui est tout de même un vrai « tube » en Flandre.
Et voilà que ces dernières semaines on lit dans la presse que ce vieux tube de 1971 fait un gros succès en Ukraine, où il est repris sur tous les réseaux sociaux – voir la vidéo – on nous explique que c’est une forme de protestation joyeuse, la prononciation du mot néerlandais « goeie » ayant en ukrainien un sens… scabreux et injurieux 😉
Alors, comme l’explique la jeune ukrainienne dans la vidéo ci-dessus (0’47 ») quand le matin il n’y a pas d’électricité, pas de lumière, c’est un « goeie morgen« , un matin de m…
Le même message ci-dessous en français:
1971, c’est aussi l’année où Nicole et Hugo se sont mariés et le couple a continué de chanter jusqu’à la maladie de Nicole, qui est décédée en novembre dernier.
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Pour ceux qui comprennent le néerlandais, un chouette article sur la créativité lexicale des Ukrainiens.
C’est un article de l’Américain Douglas Rushkoff qui a paru en septembre dernier, quelques jours avant la sortie de son livre, et malgré le-temps-qui-passe l’Adrienne n’arrive pas à sortir de sa stupeur. Et de ses tremblements.
Même si, bien sûr, on le sait et on ne s’en étonne pas, que les super-riches tentent l’impossible pour se protéger d’une éventuelle apocalypse, de quelque origine qu’elle soit, climatique, atomique, sociétale ou causée par un virus.
Ce n’est pas nouveau. Mais tout de même, des choses ont changé depuis les bunkers de la guerre froide. En pire, évidemment 😉
Vous aussi, sans doute, lirez avec une stupeur croissante le questionnement de ces cinq multimillionnaires qui ont invité l’auteur pour qu’il les aide avec quelques questions du genre: quand je serai dans mon bunker, comment faire pour que les hommes armés enrôlés pour me défendre ne se retournent pas contre moi?
Et où serai-je le plus en sûreté, en Alaska ou en Nouvelle-Zélande?
Alors quand on leur propose une autre forme de solution, bien meilleure pour la planète et pour ses habitants, plus sûre pour eux aussi et qui leur coûtera bien moins cher, ils ne sont pas intéressés.
Non, créer des « fermes modèles » qui prévoiraient de la nourriture pour le plus grand nombre, en autarcie, ça ne les intéresse pas. Alors qu’on pourrait en mettre partout sur la planète et diminuer du même coup un certain nombre de risques qu’ils veulent fuir dans leur bunker…
Il est décédé cette année à l’âge de 42 ans, le 22-02-2022, de cette maladie qui souvent ne pardonne pas. Il était prof et poète, le journal De Morgen publiait ses vers chaque jour de la semaine.
Le poème ci-dessous fait partie de ses derniers publiés, c’était au mois de janvier, P* n’avait pas encore envahi l’Ukraine. Pourtant le titre est Poetin & co, Poutine et compagnie.
Zo is ’t altijd al gegaan en zo zal het altijd blijven – wat historici beschrijven, wat er in de krant zal staan.
Mannen met een hart van steen en een ruimbemeten ego spelen laconiek Stratego met de wereld om hen heen.
Winnaars, machtig en infaam, die de spelregels verzinnen of omzeilen om te winnen. De verliezer heeft geen naam.
(Stijn De Paepe, Dagvers – « le vers du jour, frais du jour » qui paraissait quotidiennement dans le journal De Morgen – celui-ci a comme titre Poetin & co et a paru le 29 janvier 2022)
Ci-dessous l’Adrienne fait une tentative de traduction:
Il en a toujours été ainsi et ce sera toujours ainsi – ce que les historiens décrivent, ce qu’il y aura dans le journal.
Des hommes au cœur de pierre et à l’égo surdimensionné jouent un Stratégo, laconiques, avec le monde autour d’eux.
Des gagnants, puissants et infâmes, qui inventent les règles ou les contournent pour vaincre. Le perdant n’a pas de nom.
Non, rien de rien – ou presque rien – n’est resté le long de la digue d’Ostende, de tous ces hôtels privés ou pour touristes, principalement à cause des nombreux bombardements en 40-45.
Cet hôtel-ci, par exemple, était au départ l’hôtel particulier que le consul du Brésil s’était fait construire en 1879, la grande époque de dom Pedro II.
Par la suite, comme on peut le voir sur la photo, il est devenu hôtel de tourisme mais les cariatides révèlent le lien du bâtiment avec le Brésil.
Celles du rez-de-chaussée ont survécu aux bombes et aux démolitions et sont exposées près de l’ancien château d’eau.
Où on peut les découvrir en sortant du Bosje, comme le 11 novembre dernier 🙂
Si la lecture du billet du mois dernier, G comme gratis, n’a éveillé en vous que de tristes souvenirs, n’allez pas plus loin dans celui-ci.
Mais si, comme Tania à l’époque, vous voulez savoir si la requête et les formulaires envoyés ont reçu une réponse, voici l’affaire.
Jeudi l’Adrienne a reçu un mail d’Anett Dremel (Leiterin der Dokumentationsstelle/ Stellvertretende Leiterin der KZ-Gedenkstätte Mittelbau-Dora Stiftung Gedenkstätten Buchenwald und Mittelbau-Dora) contenant quelques données à propos de celui dont elle s’enquérait, mort au camp d’Ellrich en janvier 1945.
« He was brought to Buchenwald concentration camp on 23 May 1944 and registered as a political prisoner. A few days later, on 8 June 1944, he was transferred to Dora and shortly afterwards to the subcamp Ellrich-Juliushütte. The inmates of the Ellrich Juliushütte subcamp had to do hard physical labour on construction sites around Ellrich. Most of the inmates worked on the expansion of tunnel systems for relocation projects of the Junkers-Werke near the village of Woffleben. Due to the hard forced labour and the catastrophic accommodation and care, many of the prisoners fell seriously ill after only a short time. He died on 29 January 1945 in the Ellrich-Juliushütte subcamp. His body was brought to Mittelbau-Dora the following day and cremated in the crematorium. »
C’est peu de choses, on est d’accord.
Il y avait aussi un lien vers quelques documents photographiés.
Le document qui résume le mieux l’annihilation de l’individu est cette petite carte du 22 mai 1944 où on n’a même plus complété les données: on l’a barrée trois fois, au crayon noir, en rouge, en bleu et on y a écrit qu’il ne s’agissait que de Kleinigkeiten, des bricoles, que la valise a été détruite (Koffer vernichtet) et tout son contenu confisqué (alles entnomen): les deux pull-over, les deux chemises, les deux pantalons, les chaussettes, le linge… que Zélie, son épouse, avait dû tristement plier dans une petite valise lors de son arrestation.
Comme en témoigne cette fiche du 23 mai, avec ce subtil euphémisme, afgegeben, « il l’a donné », au lieu du allesentnomen, « on lui a tout pris ».
La casquette aussi, qui venait de chez le grand-père de l’Adrienne.
Puis on lui demande d’y apposer sa signature pour confirmer (bestätigen) que tout est correct (richtig).
L’organisatrice le présente comme un poème datant de 1915, écrit par une femme dont l’Adrienne n’a pas noté le nom, mais chez Wikisaitout on trouve des choses légèrement différentes concernant date et auteurs.
Et surtout qu’en fait, c’est une chanson.
Ce qui fait qu’on la trouve en mille et une versions, comme celle choisie en illustration, puisque ce ne sont pas les guerres et autres conflits armés qui manquent.
I didn’t raise my boy to be a soldier, I brought him up to be my pride and joy. Who dares to place a musket on his shoulder, To shoot some other mother’s darling boy? Let nations arbitrate their future troubles, It’s time to lay the sword and gun away. There’d be no war today, If mothers all would say, « I didn’t raise my boy to be a soldier. »
Je n’ai pas élevé mon fils pour en faire un soldat, Je l’ai élevé pour qu’il soit ma fierté et ma joie. Qui ose lui mettre un fusil à l’épaule, Pour tirer sur l’enfant chéri d’une autre mère? Laissez aux nations l’arbitrage de leurs problèmes, Il est l’heure de ranger l’épée et le canon. Il n’y aurait pas de guerre aujourd’hui Si partout les mères disaient: « Je n’ai pas élevé mon fils pour en faire un soldat ».
L’origine étymologique du mot français ‘guerre’ est germanique, c’est ‘werra‘ et vous vous demandez sans doute quel est le rapport avec la photo des collines boisées.
L’Adrienne s’y promenait samedi dernier, l’automne était riche de couleurs mais là, dans ces creux et ces bosses, en 14-18, les Allemands avaient rasé tous les arbres – nos collines sans leurs arbres, on frémit à l’idée! – et creusé des tranchées.
On peut encore en voir de « beaux restes » même si aujourd’hui les arbres sont bien là.
Mais l’Adrienne était en sandales, donc pas équipée pour aller voir les tranchées 😉 et de toute façon, juste savoir qu’elles sont là lui suffit.
Si vous voulez un renseignement sur un de ces milliers et milliers d’hommes et de femmes passés par les camps de concentration allemands, il faut payer.
Mais si vous êtes de la famille, c’est gratuit.
En lisant cette précision, l’Adrienne était partagée entre le dégoût et l’ahurissement.
Vous direz sans doute qu’il ne lui faut pas grand-chose pour être désarçonnée. Et vous aurez raison, surtout s’il s’agit de sujets comme celui-là.
Bref, elle a introduit une demande, complété des formulaires, et elle attend la réponse.
C’est déjà un miracle qu’elle ait pu retrouver la date de la mort, le lieu et même le numéro de matricule.
Car oui, il y a un « livre des morts » où tout est bien noté.
A l’amie qui lui envoie un extrait d’émission télé répondant à la question « comment économiser sur le chauffage », l’Adrienne répond « Donc, y a qu’à pédaler », vu que la dernière recommandation consistait en l’acquisition d’un petit engin permettant de pédaler-pour-se-réchauffer alors qu’on est assis à travailler à son bureau.
Vous aussi, probablement, en avez marre de ce genre de conseils, tous bons à jeter, car soit vous les appliquez déjà depuis longtemps, soit ils sont plus ridicules qu’efficaces.
En Italie aussi on s’est bien gaussé du Corriere della sera quand on y a relayé la « recette » d’un prix Nobel pour cuire les pâtes sans se ruiner en gaz: ça s’appelle la « cottura passiva« , ce qui veut dire qu’on éteint le gaz dès l’ébullition. Et qu’on met le couvercle.
Bon, c’est vrai que les pâtes se ramollissent quand on les laisse dans l’eau, mais essayez et vous verrez: le résultat n’est pas top top.
Comme disait un des lecteurs, si tu gardes deux ou trois rigatoni en bouche pendant assez longtemps, ils finissent aussi par se ramollir…
Bref, les ventes de vêtements chauds montent déjà en flèche alors que d’habitude on arrive aux soldes de janvier avec des rayons encore pleins, à cause de l’hiver trop doux qui n’a incité personne à aller au portemonnaie.
Et l’électricien qui doit venir installer une nouvelle prise chez l’Adrienne ne trouve pas une minute pour le faire: depuis l’été il passe sa vie sur les toits à installer des panneaux solaires.
D’où le choix de l’illustration, une des (très) rares photos du père pendant la guerre de 40, avec son vélo… et avec son manque de tout, nourriture et charbon 😉
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Pour ceux qui comprennent l’italien, il y a aussi Stefania qui vous explique comment économiser l’énergie en utilisant une couverture: vous arrêtez le gaz à mi-cuisson, vous emballez votre casserole dans une couverture – elle recommande celle en grosse laine tissée bien serré, qui vous vient de votre grand-mère – et votre préparation continue à se préparer toute seule 😉 ça marche pour tout, dit-elle, sauf les haricots secs et les pois chiches.