
– Voilà, lui dit-elle, ma lettre de démission.
Et elle sortit fièrement du bureau.
Dommage pour la classe de 4e Latine, de véritables élèves friandises, pourtant logés dans un cagibi sans fenêtres où deux lampes donnaient une clarté funèbre sur les boiseries sombres, et où chacun avait le nez collé au dos de l’autre, ou au tableau, par manque d’espace.
Oui, dommage pour eux. Elle les aimait.
Mais elle ne regretterait aucun des collègues et toute la gamme de leurs hypocrisies, sur au moins trois ou quatre octaves: du premier au dernier, tous des quiches et des chiffes molles dont la principale habileté consistait à ramper devant le directeur, à gober aveuglément chaque ukase, chaque exigence, chaque notice sortie de son esprit pervers et manipulateur.
Car c’était un pervers, même s’il était oint des saintes huiles de la prêtrise.
Ah! quel bonheur de l’avoir bravé et d’avoir quitté ce zoo (in)humain!
– U heeft heel wat noten op uw zang, juffrouw! lui avait-il dit en guise d’adieu.
Et elle avait souri pour répondre un simple « Ja« .
Ah! quel bonheur de marcher dans la lumière mordorée du soir qui tombe et de se dire: Plus jamais!
***
écrit pour 13 à la douzaine avec les mots imposés suivants: habileté – démission – lampe – notice – quiche – dommage – nez – durable – mordoré – gober – octave – huile – zoo.
L’expression « veel noten op zijn zang hebben » veut dire ‘exiger beaucoup’ mais ici il l’employait probablement avec le sens ‘avoir la grosse tête’.
Merci à Annick SB d’avoir permis grâce à ses mots de raconter une des pires expériences de ma (merveilleuse) vie de prof 🙂