V comme voyage

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O comme obiit

O comme obiit

O comme obiit

Double obiit en ce lundi puisque Monsieur le Goût veut que nous célébrions à la fois le décès de la dame de la photo et de son devoir du lundi.

La dame de la photo, l’Adrienne ne la connaît pas.
Mais dire qu’elle « est retournée « ad patres » dans un silence quasi général » lui semble très inapproprié parce que tous les médias, par ici, en ont parlé.
Grâce à quoi l’Adrienne sait au moins une chose: elle a « inventé » la mini-jupe.
Ce qui aussitôt se discute, tout au plus on pourrait dire qu’elle l’a popularisée.

Bref.

L’Adrienne, bien que née dix à quinze ans trop tard pour avoir vécu tout ça au bon moment, n’a jamais vraiment connu la chose: sa grand-mère lui confectionnait ses vêtements et toujours l’ourlet de la jupe lui venait au ras des genoux.
Pas question de montrer ses cuisses!

Ce qui rend l’Adrienne plus triste que le décès d’une dame qui a eu la chance de vivre une vie de 93 ans bien remplie de divers succès personnels et professionnels (merci wikisaitout), c’est le décès du devoir du lundi.

Mais bien sûr Monsieur le Goût a parfaitement le droit de dire « j’arrête, je fatigue, j’ai assez donné » 🙂

Encore merci à lui!

E comme étrennes

Un mot dans la conversation lui avait donné l’envie de vérifier l’année de l’événement qu’il venait d’évoquer alors il est parti en trottinant à pas lents jusqu’à l’autre bout de l’appartement :

– Ma parole ! Qu’est-ce que ça pèse, ces machins-là!

D’une main il se tenait aux meubles et de l’autre il portait un gros album photos.
Sur l’étiquette collée au dos on reconnaissait l’écriture de la Tantine, automne 80 – printemps 82.

En 1980, les quatre enfants étaient nés, donc on a vu souffler des bougies sur des gâteaux d’anniversaire, construire des bonshommes de neige, visiter les ours, les serpents, les singes du zoo.

On a vu les vacances en Espagne, la Tantine jeune femme élégante en lunettes noires et sandalettes, toujours un enfant dans les bras ou à la main.

Comme ce qu’il cherchait ne s’y trouvait pas, il a voulu faire d’autres allers et retours sans aucune aide et chaque fois l’Adrienne avait peur qu’il ne tombe.

Il a fini par rapporter le bon album où sur quelques mauvais clichés on pouvait les voir avec un groupe d’amis à une fête qui avait pour thème les Tziganes : la Tantine en robe à volants et à pois, une rose rouge feu à l’oreille, l’oncle avec une fausse moustache tombante et une chemise blanche largement ouverte sur la maigreur de son buste.

– Voilà, dit-il. C’est ça!

Chaque page respirait la joie.

Et lui aussi.

Les vieux albums photos, ce sont des livres du bonheur.

***

Texte écrit après la visite de nouvel an chez mon gentil tonton, veuf depuis un an déjà, avec une bonne vingtaine des mots proposés par Joe Krapov – merci à lui – et quelques libertés envers la consigne 🙂

bonheur – armure – pompier – feu – neige – cheval – route – rouge – gentil – joie – moustache – livre – tristesse – colère – vacances – Égypte – peur – jungle – printemps – casque – ennemi – femme – noir – enfant – lunette – mort – bus – lent – gâteau – sécurité – Canada – vent – terre – groupe – oreille – Espagne – serpent – doux – bois – ours – pied – chat – violet – singe – orange – Italie – vaisseau – salade – homme – cavalier

Sur la photo on voit la Tantine avec ses lunettes noires, ses sandalettes, et un de ses enfants dans les bras. L’oncle est le type maigre qui sourit à côté d’elle, en route avec d’autres touristes pour la visite de Valldemossa. Le gamin qui lit la brochure est leur fils aîné.

P comme Prof et Poète

Il est décédé cette année à l’âge de 42 ans, le 22-02-2022, de cette maladie qui souvent ne pardonne pas.
Il était prof et poète, le journal De Morgen publiait ses vers chaque jour de la semaine.

Le poème ci-dessous fait partie de ses derniers publiés, c’était au mois de janvier, P* n’avait pas encore envahi l’Ukraine.
Pourtant le titre est Poetin & co, Poutine et compagnie.

Zo is ’t altijd al gegaan
en zo zal het altijd blijven –
wat historici beschrijven,
wat er in de krant zal staan.

Mannen met een hart van steen
en een ruimbemeten ego
spelen laconiek Stratego
met de wereld om hen heen.

Winnaars, machtig en infaam,
die de spelregels verzinnen
of omzeilen om te winnen.
De verliezer heeft geen naam.

(Stijn De Paepe, Dagvers – « le vers du jour, frais du jour » qui paraissait quotidiennement dans le journal De Morgen – celui-ci a comme titre Poetin & co et a paru le 29 janvier 2022)

Ci-dessous l’Adrienne fait une tentative de traduction:

Il en a toujours été ainsi
et ce sera toujours ainsi –
ce que les historiens décrivent,
ce qu’il y aura dans le journal.

Des hommes au cœur de pierre
et à l’égo surdimensionné
jouent un Stratégo, laconiques,
avec le monde autour d’eux.

Des gagnants, puissants et infâmes,
qui inventent les règles
ou les contournent pour vaincre.
Le perdant n’a pas de nom.

Première fois

On écrit aux absents
Thomas Vinau

On écrit aux absents 
on leur écrit des lettres 
dans nos têtes 
des messages sur les réseaux
que les autres liront
on leur écrit avec nos yeux 
qui se laissent perdre
au fond du ciel
ou devant une photo
on leur écrit
sans ne rien dire
ou en disant à tout le monde 
sauf à eux
on leur écrit dans la lumière
de l’aube et du crépuscule
dans les fossés lorsque l’on marche
sans aller nulle part
dans l’automne lie de vin
des feuilles qui tombent
dans l’hiver silencieux
dans les pétillements doux 
et violents
du printemps 
dans l’éternité de l’été
on leur écrit
des mots de rien
des phrases simples
qu’il nous aura fallu 
la moitié d’une vie 
à atteindre
on leur écrit 
qu’il n’y a que le temps
qui sauve 
de l’amour
et qu’il n’y a que l’amour
qui sauve 
du temps

De Thomas Vinau, sur son blog.

Première fois cette année qu’il n’y a plus que l’Adrienne pour aller dire bonjour au grand-père paternel, à la petite Ivonne et aux deux petites sœurs, au vieux cimetière.

H comme hier

Hier pour la première fois nous n’avons pas pu lui parler, la voir, l’embrasser pour lui souhaiter son anniversaire.
Elle nous manque beaucoup.
A son mari, à ses enfants, à ses petits-enfants et à l’Adrienne, qui l’appelait sa Tantine.

Hier chez l’ostéopathe, quand l’Adrienne expliquait que ses crampes d’estomac ont commencé la nuit où elle a été l’auditrice (très) involontaire d’une violente dispute entre ses voisins, dispute à laquelle assistait aussi une petite fille qui logeait chez eux, l’ostéopathe lui a demandé pourquoi ça la touchait tellement et la réponse « parce que c’est un enfant! on ne peut pas faire ça à un enfant, ça me déchirait le cœur de l’entendre éclater en sanglots » ne l’avait pas satisfaite.

Probablement, disait-elle, que ça touchait quelque chose de plus personnel, un souvenir de sa propre enfance, peut-être?

Évidemment que l’Adrienne a un souvenir d’enfance comme celui-là.
Qu’elle a été témoin d’une dispute violente, à l’âge de sept ans, assise dans un coin de la pièce où les trois adultes l’avaient apparemment oubliée et se lançaient les unes aux autres leurs « quatre vérités ».

Les trois adultes de la photo ci-dessus.
Et l’adorable Tantine est celle du milieu, bien sûr 🙂

F comme fin

– Ah! tout de même! tout de même quelqu’un!
– Maman, je te signale qu’on est là tous les jours…
– Ferme la porte!

Elle le sait bien, pourtant, que sa vieille maman « est perdue dans sa tête » comme elle-même le disait à propos de sa propre mère.
Que tous ses souvenirs des dernières décennies sont noyés dans un magma affolant.
Que le jour viendra où elle ne se souviendra plus du nom de ses enfants, elle qui les a tant aimés.
Que cette perspective effrayante l’attend sans doute aussi et qu’elle fera vivre à son fils ce qu’elle vit en ce moment: une vieille maman tout usée, qui ne trouve plus rien et s’effraye de tout.
Qui pleure quand elle a un moment de lucidité.
Et à d’autres moments ne sait plus que cette jeune femme attirante, brune et souriante sur la photo à côté de ce jeune homme aux yeux bleus, c’est elle.

Qui veut qu’on ferme la porte quand elle est ouverte et qu’on l’ouvre quand elle est fermée.

– Vieillir comme ça, disait-elle à propos de sa propre mère, mieux vaut mourir!

***

Merci à Monsieur Le Goût pour son 134e devoir:

Encore une histoire de porte. Celles qui donnent sur de nouveaux mondes. Celles qui donnent sur des mondes anciens. Ce qui serait chouette, c’est que vous réussissiez à y mettre les mots: attirer – affoler – effrayer – fermer – ouvrir – trouver – aimer – perdre – mourir – noyer.

Peu importe le temps, le mode, ou que ces verbes soient usés de façon pronominale ou non.

Z comme zut!

– Ah zut! s’est exclamée l’Adrienne en apprenant il y a quelque peu la mort de Miss.Tic.

Et comme une sorte d’hommage elle est allée voir tout ce qu’elle pouvait trouver sur les œuvres laissées ça et là par l’artiste sur les murs de Paris.

– Encore une bonne raison d’aller à Paris, a-t-elle soupiré.

Elle a eu envie de dire un deuxième zut – un bien gros, bien fort – quand elle a appris la cause de ce décès qu’elle juge prématuré.
Sale maladie!

D’ailleurs au moment où elle écrit ce billet, juste après la parution du devoir de lakévio du Goût, on est vendredi matin et c’est le jour anniversaire d’une mort encore bien plus prématurée.

Alors c’est tout naturellement que l’Adrienne a lâché un troisième zut, en retournant chez Monsieur le Goût pour faire un copier-coller du lien vers son blog, et qu’elle a vu qu’entre-temps il avait ajouté dix mots imposés.

Zut et flûte.

Crotte zut flûte

***

Merci à Monsieur le Goût pour l’image et les consignes:

Miss Tic, que vous connaissez sûrement, est morte il y a quelques jours.
J’ai vu pour la première fois ses traces sur les murs de mon quartier il y a près de cinquante ans. J’avais été frappé par ce pochoir. Et vous ?
Ce qui serait gentil, ce serait que vous y mettiez les mots suivants :

Mathématique
Papillon
Coquelicot
Terre
Soleil
Branche
Équation
Somme
Produit
Égal