U comme un, deux, trois!

« Le quadrille est en fait une contredanse », lit l’Adrienne après avoir pris connaissance du mot proposé par Walrus au Défi du samedi, mais ça ne l’avance guère, ça lui rappelle juste une petite phrase de la comtesse de Ségur, prononcée par Yolande Tourne-Boule à l’intention de Léon, pour lui dire qu’elle l’engage pour la première contredanse à l’occasion d’un bal que sa mère ne manquera pas de donner dès qu’ils seront installés dans leur bel hôtel parisien.

Oui, l’Adrienne vers ses onze ans a tellement lu Les vacances qu’elle peut encore en réciter des passages par cœur 😉

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Pour les autres fans de la Comtesse, voici le passage:

« Je suis très satisfaite, messieurs et mesdemoiselles, dit-elle, de vous connaître avant de quitter le pays ; j’espère que vous viendrez me voir à Paris, à l’hôtel Tourne-boule, qui est à mon père, et qui est un des plus beaux hôtels de Paris. Je vous ferai inviter aux soirées et aux bals que ma mère compte y donner. Et même, pour ne vous laisser aucune inquiétude à ce sujet, je vous engage, monsieur (s’adressant à Paul), pour la première valse, et vous, monsieur (s’adressant à Jean), pour la première polka, et monsieur
(s’adressant à Léon), pour la première contredanse. »

Pour les Die Hard, il y a même le texte entier en e-book gratuit, merci la Bibliothèque électronique du Québec!

R comme Rodrigo

¿De dónde venís, amore?

D’où viens-tu, chérie, demande la mère suspicieuse à sa fille qui est sortie de la maison pour aller voir son amoureux.
Ah! Je le sais bien d’où tu viens!

¿De dónde venís, amore?
Bien sé yo de dónde.
¿De dónde venís, amigo?
Fuere yo testigo!
¡Ah!
Bien sé yo de dónde.

De los álamos vengo, madre

Je reviens d’aller voir les peupliers, ment la fille, de voir comme ils se balancent dans le vent.

De los álamos vengo, madre,
de ver cómo los menea el aire.
De los álamos de Sevilla,
de ver a mi linda amiga,
de ver cómo los menea el aire.
De los álamos vengo, madre,
der ver cómo los menea el aire.

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Voilà, pour nous changer de ce qu’on connaît tous par cœur de ce musicien espagnol, son Concierto de Aranjuez 😉

P comme pieux

L’Adrienne était en route pour Ostende quand les premières notes se sont fait entendre.

« Petite fleur » a-t-elle murmuré.

C’est là qu’elle a entièrement compris pourquoi Marguerite Yourcenar a donné comme titre au premier tome de son œuvre autobiographique, celui où elle évoque son côté belge, maternel, « Souvenirs pieux« .

Il y a une forme de piété à perpétuer le souvenir d’un défunt.

« Petite fleur« , c’est un souvenir très ancien, qui avait fort frappé mini-Adrienne vers ses huit ans: il y avait quelque chose de particulier dans le ton et la voix de son père, lui semblait-il, quand dès les premières notes il disait « Petite fleur« .

Elle en avait conclu que c’était une musique importante pour lui et avait fait de son mieux pour être capable elle aussi de la reconnaître dès les premières notes.

L comme luth

Assise à table où sont posés quelques livres de musique, elle tient son luth à deux mains. Un des livres est tombé à terre mais elle ne s’en préoccupe pas.

Elle ne regarde pas non plus le luth: elle est en train de l’accorder, son oreille et ses doigts lui suffisent.

Ce qu’elle regarde, ce qui la préoccupe, est de l’autre côté de la fenêtre: ce qui l’intéresse se passe dehors.

En face d’elle, une autre chaise, encombrée d’une épaisse étoffe bleue. Au pied de la chaise, un violoncelle.

Si ce regard est celui de quelqu’un qui attend un partenaire pour une séance musicale, il faudra libérer la chaise.

Si elle ne libère pas la chaise, ne ramasse pas le livre, c’est qu’ils feront autre chose que de la musique 🙂

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source de la photo ici (libre de droits) – pour ceux que ça intéresse, une vingtaine d’excellentes minutes par Daniel Arasse sur Vermeer.

X c’est l’inconnu

La ville avait décidé que le centre historique deviendrait piétonnier mais le soir l’endroit était bien mort, bien désert: sans commerces, sans cafés ni restaurants, sans touristes.

L’unique passant s’effrayait du bruit de ses propres pas sur les pavés et de leur écho le long des hauts murs de pierre.

Les gens restaient tous derrière leurs volets clos dès que la nuit tombait.
Clos et silencieux.

Il n’y avait qu’une seule exception: une belle demeure ancienne, du côté de l’église gothique, était toujours richement éclairée et par ses volets ouverts, toute une partie de la rue s’en trouvait illuminée.

Marie y passait chaque soir et s’y arrêtait un moment.
On pouvait généralement entendre de la musique: du piano, du violoncelle, parfois accompagnés d’un violon.

Comme ça provenait de l’étage, il était impossible de voir qui jouait.

Elle aurait bien aimé savoir.

Elle attendait un moment mais jamais elle n’a pu apercevoir une silhouette ni distinguer le son d’une voix masculine ou féminine.

Puis un jour ces volets-là aussi sont restés fermés et la maison silencieuse.

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Photo de Fred Hedin pour l’atelier 424 de Bricabook et un zeugme final pas franchement réussi mais que je laisse quand même 😉

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Pour ceux qui préfèrent un autre style de chute, on pourrait imaginer ceci:

Puis un jour ces volets-là aussi sont restés fermés et ne laissaient plus filtrer que la faible lueur de deux ou trois bougies.

– Tiens, s’est dit Marie, ils ont subi le choc de la facture d’électricité!

(avouez que celle-ci s’imposait :-))

U comme Urbi et Orbi

Depuis quelques semaines déjà l’Adrienne se chante des chants de Noël dans sa cuisine, son bureau et sa salle de bains 😉

Ici dans la vidéo il s’agit de variations à l’orgue sur un chant traditionnel qu’on pourrait traduire par « un petit enfant est né sur la terre »

De 0’47″à 01’00 » on a la mélodie exacte.

Vous trouverez le texte et la partition ici, aux pages 21-22.

A chanter avec l’accent ouest-flamand, de préférence 😉

Bon Noël à vous tous!

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le texte est d’une naïveté adorable, « ‘t At pap uit een pannetje, ‘t en maakt’ hem niet vuil, en ‘t viel op de aarde en ‘t en had er geen buil. » il mangeait sa panade sans se salir et il est tombé sur la terre sans se faire une bosse 😉

T comme Trio (lalala)

C’est en 1672 que Molière fait la connaissance de Charpentier, qui vient de passer quelque temps de formation musicale en Italie. Charpentier n’a pas trente ans et Molière mourra un an plus tard, mais cette année de collaboration entre eux deux a été harmonieuse et fructueuse jusqu’à la dernière pièce, le Malade imaginaire.

Jusqu’en 1672, Molière avait pu compter sur la collaboration de Lully mais celui-ci, après une ascension sociale fulgurante, obtient de Louis XIV « de faire chanter aucune pièce entière en France, soit en vers françois ou autres langues, sans la permission par écrit dudit sieur Lully, à peine de dix mille livres d’amende, et de confiscation des théâtres, machines, décorations, habits… »

Bref, une mainmise totale sur la vie musicale en France dont souffriront tous les autres compositeurs.

Molière reçoit tout de même un assouplissement et la permission de reprendre ses pièces à condition qu’il n’utilise pas la musique que Lully avait composée pour elles.

C’est alors qu’il fait la rencontre fort opportune de Charpentier, qui réécrira de la musique pour Le mariage forcé, dont l’extrait comique ci-dessus 🙂

Au colloque sur « Molière et ses amis » au Palais des Académies le 10 décembre dernier, madame Catherine Cessac, spécialiste de Marc-Antoine Charpentier, a appelé leur collaboration « le mariage parfait ».

M comme Muses (et Djinns)

Nous avons repris de la mythologie gréco-romaine que ce sont les Muses qui inspirent l’artiste.

Dans la tradition arabe, nous dit-on, ce sont les Djinns qui murmurent à l’oreille des humains et peuvent exaucer leurs vœux ou enflammer leur imagination.

Les deux artistes, la Belge et l’Irakien, ont rassemblé leurs deux traditions musicales et leurs instruments, l’oud pour l’un, le luth pour l’autre.

Ils jouent ensemble des morceaux issus de la Renaissance européenne – Alfonso Ferrabosco, Francesco da Milano, Pierre Attaignant, Robert de Visée… – et de la tradition arabe.

C’était un très chouette concert dimanche dernier dans la petite ville de l’Adrienne 🙂

Plus d’info sur ce programme? c’est ici.

Adrienne se souvient

Combien d’années ont passé depuis la dernière fois que l’Adrienne a entendu son père chanter ce Rorate coeli, difficile à dire, mais de gros, gros paquets d’eau ont coulé sous les ponts, depuis.

Et pourtant!

A la première note elle se retrouve dans l’ambiance de ces célébrations du temps de l’Avent, avec le froid de l’église, la dureté des chaises, les odeurs d’encens, les bougies qu’on allume… et ces voix d’hommes venant du jubé, lieu mystérieux où la petite fille n’a jamais eu le droit de monter.

Bon anniversaire à tous ceux qui sont nés un 2 décembre 🙂

Z comme ZEN

Heureusement que Madame, après deux mois de cours de tai chi, a plus ou moins appris comment se tenir longuement debout sans avoir le dos en compote en moins d’un quart d’heure, parce que dans la grande salle où les « gamins » qu’elle a eus en classe – enfin, pas tous, mais deux ou trois quand même – tapaient sur des marimbas et d’autres trucs qui font un boucan d’enfer, il n’y avait pas de chaises.

Bref, Madame est restée debout une heure et demie pour applaudir Simon – lui, elle savait qu’il serait là – mais à sa grande joie aussi L***, celui dont personne ne croyait qu’il était capable d’un effort soutenu, à commencer par ses propres parents…

Et là elle peut voir que oui: un effort soutenu et une concentration intense, non seulement pendant le concert d’hier mais certainement pendant de longues années pour arriver à ce résultat 😉

– Est-ce que vous pourriez lui parler, disaient ses parents alors qu’il avait seize ans, il veut changer de filière mais nous on pense que c’est par paresse, alors on n’est pas d’accord.

Donc le gamin avait dû convaincre Madame de sa motivation pour qu’à son tour Madame puisse convaincre les parents…

Qui étaient là aussi, bien sûr, pour applaudir leur fils au concert d’hier.

– Je suis vraiment contente de voir et d’entendre jouer L***! leur dit Madame.

Et elle ne peut s’empêcher d’ajouter:

– Et vraiment contente de savoir qu’il avait la bonne motivation pour changer de filière, puisqu’il poursuit dans ce domaine, comme il l’avait dit!

Il fait des études de Business Management, donc oui, passer en filière économique était une bonne idée.

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photo prise hier au concert et L*** est dans le flou à l’avant-plan mais ne vous étonnez pas, c’est voulu 😉