Le défi du 20

V comme voyage! voyage!

A la sortie du magasin, il y a parfois des boites que le client peut emporter et qui sont bien utiles pour les jours de ramassage du papier et du carton, alors l’Adrienne, hop! en saisit une.

En cours de route, elle essaie de déchiffrer ce qu’il y a eu dedans.

морковь, lit-elle, ce qui lui rappelle le mot roumain, morcovi, qui veut dire carottes.
Puis la mention « made in China ».
Il ne pouvait donc s’agir de vraies carottes 😉

Rentrée chez elle, elle examine la chose: il s’agit de minions en forme de carotte (voir la photo prise sur e-bay), fabriqués en Chine et exportés vers la Russie, l’Italie, le Brésil et le Mexique.

On peut supposer que l’acheteur italien distribue en Europe ces petits machins – dix par boite, poids net total 1,1 kg – destinés à faire acheter plus et qui se retrouvent ensuite sur e-bay 😉

C’est ce qu’on appelle système capitaliste.

7 phrases

Posso dirti, amore, che non mi sono mai svegliato con una donna mia al fianco, che chi ho amato non mi ha mai preso sul serio, e che ignoro lo sguardo di riconoscenza che una donna rivolge a un uomo?

Puis-je te dire, mon amour, que jamais je ne me suis réveillé avec à mes côtés une femme à moi, que quand j’ai aimé je n’ai jamais été pris au sérieux et que j’ignore le regard de reconnaissance qu’une femme adresse à un homme?

E ricordarti che, per via del lavoro che ho fatto, ho avuto i nervi sempre tesi, e la fantasia pronta e precisa, e il gusto delle confidenze altrui?

Et te rappeler qu’avec le travail que j’ai fait, j’ai toujours eu les nerfs tendus, et l’imagination prompte et précise, et le goût des confidences d’autrui?

E che sono al mondo da quarantadue anni?

Et que je suis dans ce monde depuis quarante-deux ans?

Non si può bruciare la candela dalle due parti – nel mio caso l’ho bruciata da una parte sola e la cenere sono i libri che ho scritto.

On ne peut brûler la chandelle par les deux bouts – dans mon cas je l’ai brûlée par un seul côté et les cendres sont les livres que j’ai écrits.

Tutto questo te lo dico non per impietosirti – so che cosa vale la pietà, in questi casi – ma per chiarezza, perché tu non creda che quando avevo il broncio lo facessi per sport o per rendermi interessante.

Tout ceci je ne te le dis pas pour t’apitoyer – je sais ce que vaut la pitié, en pareil cas – mais pour être clair, pour que tu ne croies pas que quand je boudais, je le faisais par jeu ou pour me rendre intéressant.

Sono ormai di là dalla politica.

Désormais je suis au-delà de la politique.

L’amore è come la grazia di Dio – l’astuzia non serve.

L’amour est comme la grâce de Dieu – ruser est inutile.

Extrait de la dernière lettre de Cesare Pavese (1908-1950) à Romilda Bollati

traduction de l’Adrienne.

B comme buffala

Du camembert au lait de bufflonne? s’étonne l’Adrienne.

Est-ce que ce nom n’est pas protégé?

Renseignement pris, c’est l’appellation « camembert de Normandie » qui ne peut être utilisée que si on répond à tous les critères (voir la vidéo ci-dessous)

Or voici du camembert di buffala, dont parle le chroniqueur dans la vidéo ci-dessus (entre 0’50 » et 2’40 »), fabriqué en Lombardie à Brignano Gera d’Adda, selon la recette du « celebre formaggio francese » mais avec du lait de bufflonne.

Je vous conseille, dit-il, de l’oublier dans votre frigo jusqu’après sa date de péremption, il est alors parfaitement crémeux.

Et de le manger avec la croûte, mais ça, l’Adrienne le faisait déjà 😉

Et si les histoires fromagères ne vous intéressent pas, manifestez-vous chez Monsieur le Goût: on est lundi et il n’y a ni tableau, ni devoir 😉

P comme Pevernage

Andreas Pevernage est né à Harelbeke, près de Courtrai, en 1542 – ou peut-être était-ce en 1543, pour cette date on se base sur son âge au moment de son décès, le 30 juillet 1591, à Anvers.

Il est un de ces nombreux polyphonistes flamands qui connaissent du succès partout en Europe pendant la Renaissance et sont souvent employés en Italie, comme Willaert à Venise ou de Rore à Parme.

Mais contrairement aux autres, Andreas Pevernage n’a jamais quitté le pays: il a fait carrière à Bruges, Courtrai et Anvers, obligé de changer de ville chaque fois que les guerres de religion entre protestants et catholiques l’en chassaient.

Rester au pays ne l’a pas empêché de suivre la mode des madrigaux italiens, qu’il a lui aussi mis en musique, comme le madrigal de la vidéo, qui est un poème de Ludovico Ariosto, extrait de son Orlando furioso, chant XXXIII, 63:

Il dolce sonno mi promise pace,
ma l’amaro veggiar mi torna in guerra:
il dolce sonno è ben stato fallace,
ma l’amaro veggiar, ohimè! non erra.
Se ’l vero annoia, e il falso sì mi piace,
non oda o vegga mai più vero in terra:
se ’l dormir mi dà gaudio, e il veggiar guai,
possa io dormir senza destarmi mai.

Le doux sommeil me promettait la paix,
Mais la vision amère me ramène à la guerre.
Le doux sommeil a été bien mensonger,
Alors que la vision amère, hélas, ne se trompe pas.
Si le vrai m’ennuie et le faux me plaît,
Que je n’entende ni ne voie plus jamais la vérité sur terre;
Si le sommeil me donne de la joie et la vue des problèmes,
(Faites) que je puisse dormir sans plus jamais me réveiller.

(traduction de l’Adrienne)

***

Vous ne connaissiez pas ce Pevernage?

C’est normal, moi non plus 🙂

C’est pour ça aussi qu’on va au concert, n’est-ce pas, pour faire des découvertes.

B comme babiole

– Qu’est-ce que vous voulez que je vous rapporte d’Italie? a demandé Hajar quelques jours avant sa semaine de vacances dans sa ville natale, en Toscane.

– Pas besoin de me faire des cadeaux! a répondu Madame, ce qui me ferait plaisir c’est une photo de toi dans le décor de ta ville, tu trouveras sûrement un bel endroit!

Elle avait semblé satisfaite et convaincue.

Mais la semaine dernière, elle a offert cette minuscule voiturette surmontée d’une encore plus minuscule boule à neige.

Made in China.

Nul doute que si elle avait été Parisienne, elle aurait rapporté ceci:

Texte pour le devoir 158 de Monsieur le Goût qui proposait la photo d’une des faces kitchissimes de l’Arc de Triomphe.

***

Mais ne vous méprenez pas, Madame est tout de même émue de ce petit geste, et d’ailleurs « Je moet een gegeven paard niet in de bek kijken » dit très justement le proverbe en néerlandais, tu ne vérifies pas la dentition d’un cheval qu’on te fait cadeau 🙂

L comme Laura

La dame de l’accueil a vraiment de la chance, cette fois-ci comme la précédente l’artiste qui a créé son œuvre préférée de toute l’expo est venue pile-poil le jour où elle est de service.

En fait, elle est juste supposée noter le code postal des visiteurs – et bien sûr veiller à ce que tout reste intact – mais demander aux gens quel est leur code postal, ça ouvre souvent des possibilités de conversations.

Et ça, la dame de l’accueil ne s’en prive pas: c’est toujours agréable et intéressant.

– Je peux noter votre code postal? demande-t-elle à la personne qui s’approche de son petit comptoir à roulettes, et qui est suivie à trois pas par un couple assez âgé.

Grands gestes désespérés de la part de l’arrivante; à ses trois mots de français et d’anglais on entend qu’en fait elle est Italienne.

Et donc non seulement Italienne mais aussi l’artiste qui a créé l’œuvre des illustrations de ce billet, et dès que la question du comment et du pourquoi lui a été posée, sa physionomie a complètement changé: c’est avec un enthousiasme intarissable qu’elle a expliqué les origines, familiales et géographiques, l’importance des pierres, de certaines pierres, trouvées dans des grottes, de leur étude par un bisnonno et un grand-oncle, amoureux de leur coin de montagne et curieux du mystère des pierres de leur sous-sol.

Sur son site il y a une photo (ici) qui est un lien vers la vidéo Inframondo, où on voit la technique utilisée.

– C’est mon œuvre préférée, lui dit la dame de l’accueil, je la trouve belle et poétique, elle fait du bien.

ça faisait visiblement aussi du bien au papa et à la maman venus spécialement de Turin pour l’occasion 🙂

E comme excellent!

Excellente nouvelle! s’exclame l’Adrienne en lisant un article du Corriere annonçant qu’une ligne de train va bientôt relier Bari (Puglia) à Zeebrugge.

Deux mille kilomètres environ, quarante-huit heures de voyage.

C’est tout ce qu’elle a pu trouver comme info pour le moment, ni prix, ni parcours précis, ni haltes prévues, « la linea più lunga d’Europa » disent-ils fièrement, mais apparemment c’est pour le transport de marchandises. De Zeebrugge on peut continuer vers le Royaume-Uni ou l’Irlande et depuis Bari vers d’autres ports de la Méditerranée, en Grèce, Albanie, Turquie.

Voilà ce que l’Adrienne attend depuis longtemps, à force de regarder les documentaires « Viaggio nella bellezza » et de noter sur des feuillets tous les lieux de fouilles archéologiques qu’elle voudrait visiter…

Comme ils disent « è certamente un’esperienza di altri tempi« . A condition d’y rajouter quelques wagons de voyageurs…

Il faut juste craindre que l’avion reste encore et toujours moins cher: ces dernières semaines, les offres pour Barcelone à 16 € ou New York à 335 € refleurissent allègrement.

Y comme Y a qu’à pédaler!

A l’amie qui lui envoie un extrait d’émission télé répondant à la question « comment économiser sur le chauffage », l’Adrienne répond « Donc, y a qu’à pédaler », vu que la dernière recommandation consistait en l’acquisition d’un petit engin permettant de pédaler-pour-se-réchauffer alors qu’on est assis à travailler à son bureau.

Vous aussi, probablement, en avez marre de ce genre de conseils, tous bons à jeter, car soit vous les appliquez déjà depuis longtemps, soit ils sont plus ridicules qu’efficaces.

En Italie aussi on s’est bien gaussé du Corriere della sera quand on y a relayé la « recette » d’un prix Nobel pour cuire les pâtes sans se ruiner en gaz: ça s’appelle la « cottura passiva« , ce qui veut dire qu’on éteint le gaz dès l’ébullition. Et qu’on met le couvercle.

Bon, c’est vrai que les pâtes se ramollissent quand on les laisse dans l’eau, mais essayez et vous verrez: le résultat n’est pas top top.

Comme disait un des lecteurs, si tu gardes deux ou trois rigatoni en bouche pendant assez longtemps, ils finissent aussi par se ramollir…

Bref, les ventes de vêtements chauds montent déjà en flèche alors que d’habitude on arrive aux soldes de janvier avec des rayons encore pleins, à cause de l’hiver trop doux qui n’a incité personne à aller au portemonnaie.

Et l’électricien qui doit venir installer une nouvelle prise chez l’Adrienne ne trouve pas une minute pour le faire: depuis l’été il passe sa vie sur les toits à installer des panneaux solaires.

D’où le choix de l’illustration, une des (très) rares photos du père pendant la guerre de 40, avec son vélo… et avec son manque de tout, nourriture et charbon 😉

***

Pour ceux qui comprennent l’italien, il y a aussi Stefania qui vous explique comment économiser l’énergie en utilisant une couverture: vous arrêtez le gaz à mi-cuisson, vous emballez votre casserole dans une couverture – elle recommande celle en grosse laine tissée bien serré, qui vous vient de votre grand-mère – et votre préparation continue à se préparer toute seule 😉
ça marche pour tout, dit-elle, sauf les haricots secs et les pois chiches.

U comme umeur

Le soir, quand Madame allume son téléphone portable pour une dernière vérification, elle pourrait chaque fois gagner un pari: dès que Lynn la voit en ligne, arrivent ses messages:

– Je vous ai vue marcher en rue, vous aviez l’air bien contente!
– Ah oui, fait Madame, j’ai le sourire, en général, alors j’en reçois en retour, et même parfois je chante en marchant.

Lynn, plus rien ne l’étonne.
Et ça discute jusqu’à ce que Madame dise « bon, maintenant il faut dormir ».

Ensuite évidemment Madame ne dort pas, elle pense aux petits soucis de Lynn, mais bizarrement ces conversations la mettent de bonne humeur.
Ou plutôt umeur, comme on dit dans le dialecte du Val d’Aoste.

– Quelqu’un parmi vous est déjà allé au Val d’Aoste? demande Enzo, l’Italiano vero qui s’occupe du club de lecture italien.

Oui, le père de l’Adrienne y a emmené sa famille pour un aller-retour d’une journée, alors qu’ils étaient en vacances du côté de Chamonix et qu’une adresse valdostana lui était recommandée par un de ses guides culinaires.

Un repas mémorable, c’est vrai, dans une ferme où aucun menu n’était affiché et où des plats – savoureux mais gargantuesques – se succédaient sans qu’une parole puisse être échangée, pour cause de langue inconnue 😉

– Je pense, dit Lynn hier soir, que ma fille est déjà dans sa puberté!

La gamine a tout juste huit ans. Mais sa mère est une nature inquiète qui aime tirer ses enseignements médicaux d’internet.

– Elle n’était que 19e au cross de l’école, et normalement elle se bat pour être sur le podium.
– Elle est peut-être juste fatiguée? dit Madame, qui n’ose pas ajouter qu’elle mange trop gras et trop sucré et se couche trop tard.
– Je vais lui faire faire une prise de sang, dit-elle, elle avait soif, hier après l’école, j’ai peur du diabète.

En voilà une, se dit Madame, qui ferait mieux de lire des Gaston plutôt que encyclopédies médicales…

***

Texte écrit d’après une consigne de Joe Krapov – merci à lui – qui demandait
1. de lister 12 mots ou concepts qui nous mettent de bonne humeur ; chacun d’eux commence par une des premières lettres de l’alphabet (A B C D E F G H I J K L)
2. de dire pourquoi et comment survient la bonne humeur.

Je me suis basée sur les tags qui reviennent le plus souvent sur ce blog et ça donne ceci:

Amitié – Bruxelles – Chanson (chanter)DialectesÉlèves/Expo – Fleur(s) – Gaston/GastronomieHumourItalie/italienJeuKrapoverieLangue/Littérature.

En gras, vous l’aurez compris, ceux qui ont un rapport avec ce billet.