Figurez-vous que l’Adrienne était en train de perdre son optimisme légendaire et qu’elle avait bien besoin de ce petit rappel: oui, il existe des gens merveilleux et des endroits merveilleux.
Puissent-ils vivre en paix jusqu’à la fin des temps, amen 😉
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Photo d’une pivoine arbustive du jardin de Claude Monet à Giverny.
D’abord, il n’y avait que de l’herbe. On a acheté une tondeuse.
Puis dans une jardinerie on a vu un petit plant de figuier. L’étiquette disait qu’il resterait petit. On l’a donc acheté. Planté contre le mur. Cinq ans plus tard, il a fallu acheter une tronçonneuse.
Même si on ne le dirait pas en voyant cette photo: l’hiver dernier, on l’a sévèrement taillé 😉
Puis on a eu envie d’un lilas blanc. D’un rosier blanc. Parfumés, le lilas et le rosier, bien sûr.
Au printemps, on s’est dit qu’il y avait encore beaucoup d’herbe et qu’on pourrait y mettre des bacs pour cultiver des légumes.
On y a planté des tomates, du basilic, des haricots verts. Qui étaient jaunes, en fait. Mais bons quand même 😉
A une conférence sur Van Gogh, on a reçu des graines de tournesol. On les a semées. Puis rempotées. Puis plantées le long de la clôture.
On espère que ça fera beaucoup de graines pour les oiseaux.
Elle ne l’a pas du tout apprécié, la clématite, que Monsieur Jardinier la coupe à moins d’un mètre du sol, la sorte de la terre où elle se plaisait si bien et la replante quelques mètres plus loin…
Non, elle ne l’a pas du tout apprécié, et elle l’a bien fait savoir: elle a attendu jusqu’à fin août avant d’offrir quelques fleurs.
Et pour bien souligner qu’elle n’est pas contente, elle a fait tout exprès des fleurs bien plus petites que celles qu’elle faisait avant.
Non mais!
Faut pas croire que ça n’a pas de tête, une plante 😉
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Mais oui, la clématite – il faudrait presque y mettre un C majuscule – la sacro-sainte, bien-aimée clématite, qu’on a plantée en l’honneur du grand-père mais pas au bon endroit 🙂
Celle dont chaque année on observe les premiers bourgeons et la première fleur, qui normalement vient fin juin 🙂
C’est un peu comme cela qu’il faut se le représenter, mais alors ornant une façade de maison de maître au lieu que ce soit un portillon: un magnifique rosier grimpant aux fleurs rose pâle, probablement un New Dawn.
Chaque fois que l’Adrienne passait devant, elle l’admirait. C’est le genre de beauté qui donne du bonheur.
Mais hier, patatras! un couple – les propriétaires, apparemment – était en train de tout couper.
Un massacre.
– Quel dommage! n’a pu s’empêcher de commenter l’Adrienne. – Ah oui, nous aussi on le trouve très dommage, a répondu la dame, mais c’est pour pouvoir rénover la façade.
Puis elle a ajouté:
– Et vous voyez, on ne coupe pas tout!
En effet, il reste une sorte de tronc tout nu, le long de la porte d’entrée.
En pénétrant dans la pièce, on ne peut que la voir, énorme, occupant toute la cheminée de marbre gris, avec le grand miroir derrière, ses lianes touchant presque jusqu’à terre, en pleine floraison:
– Quel magnifique hoya carnosa! s’exclame spontanément l’Adrienne. – Euh… Quoi? demande Barbara. – Oh pardon! fait l’Adrienne, qui s’excuse quand les autres la bousculent ou lui marchent sur le pied, donc a fortiori quand elle emploie un mot qui peut sembler pédant.
Hélas, elle est ainsi faite, elle aime connaître le nom des choses et les mots exacts, mais il vaut souvent mieux garder toute cette « science » pour soi.
Heureusement, Barbara ne s’en formalise pas:
– Oh moi je n’y connais rien en plantes, j’essaie juste de ne pas les faire mourir, ce qui ne réussit pas souvent.
Mais là, avec le hoya carnosa, elle a de la chance: c’est vraiment très résistant. L’Adrienne le sait, elle en avait un dans la maison d’autrefois, où il y avait de la place pour des tas de plantes, même des géantes comme le philodendron ou l’araucaria, un exemplaire magnifique qu’elle avait reçu tout petit et qui touchait le plafond.
Puis il a fallu partir et elle a tout donné. Dans la maison de ville, il y a à peine la place pour quelques orchidées.
Le soir, quand Madame allume son téléphone portable pour une dernière vérification, elle pourrait chaque fois gagner un pari: dès que Lynn la voit en ligne, arrivent ses messages:
– Je vous ai vue marcher en rue, vous aviez l’air bien contente! – Ah oui, fait Madame, j’ai le sourire, en général, alors j’en reçois en retour, et même parfois je chante en marchant.
Lynn, plus rien ne l’étonne. Et ça discute jusqu’à ce que Madame dise « bon, maintenant il faut dormir ».
Ensuite évidemment Madame ne dort pas, elle pense aux petits soucis de Lynn, mais bizarrement ces conversations la mettent de bonne humeur. Ou plutôt umeur, comme on dit dans le dialecte du Val d’Aoste.
– Quelqu’un parmi vous est déjà allé au Val d’Aoste? demande Enzo, l’Italiano vero qui s’occupe du club de lecture italien.
Oui, le père de l’Adrienne y a emmené sa famille pour un aller-retour d’une journée, alors qu’ils étaient en vacances du côté de Chamonix et qu’une adresse valdostana lui était recommandée par un de ses guides culinaires.
Un repas mémorable, c’est vrai, dans une ferme où aucun menu n’était affiché et où des plats – savoureux mais gargantuesques – se succédaient sans qu’une parole puisse être échangée, pour cause de langue inconnue 😉
– Je pense, dit Lynn hier soir, que ma fille est déjà dans sa puberté!
La gamine a tout juste huit ans. Mais sa mère est une nature inquiète qui aime tirer ses enseignements médicaux d’internet.
– Elle n’était que 19e au cross de l’école, et normalement elle se bat pour être sur le podium. – Elle est peut-être juste fatiguée? dit Madame, qui n’ose pas ajouter qu’elle mange trop gras et trop sucré et se couche trop tard. – Je vais lui faire faire une prise de sang, dit-elle, elle avait soif, hier après l’école, j’ai peur du diabète.
En voilà une, se dit Madame, qui ferait mieux de lire des Gaston plutôt que encyclopédies médicales…
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Texte écrit d’après une consigne de Joe Krapov – merci à lui – qui demandait 1. de lister 12 mots ou concepts qui nous mettent de bonne humeur ; chacun d’eux commence par une des premières lettres de l’alphabet (A B C D E F G H I J K L) 2. de dire pourquoi et comment survient la bonne humeur.
Je me suis basée sur les tags qui reviennent le plus souvent sur ce blog et ça donne ceci: