Il trouve normal, quand vers treize heures quinze la cour est remplie d’un gros millier d’élèves, que Madame le repère tout de suite dans cette foule, lui qui n’est ni gros ni grand, et qui est habillé de ces deux ou trois teintes dont s’habillent absolument tous les autres, et que là, du haut de la fenêtre du second étage, elle lui fasse un petit signe de la main pour lui dire: Oui! je t’ai vu! je t’attends!
Étiquette : prof
E comme évaluations
Une étude réalisée par des doctorants de l’université de Michigan démontre que plus on avance dans la correction de copies, plus on devient sévère: les derniers de la pile ont de moins bonnes notes et plus de commentaires négatifs que les premiers.
Comme les copies sont généralement classées dans l’ordre alphabétique, ça signifie que selon notre nom de famille, nous sommes plus ou moins (dés)avantagés.
La recherche a été effectuée sur un panel de 30 millions de copies, on est donc obligé de les croire 😉
Pourtant Madame a toujours eu l’impression contraire: pour les questions « ouvertes » et surtout pour l’expression écrite, elle avait peur de devenir plus laxiste au fur et à mesure qu’elle avançait dans les corrections, et de laisser passer des choses qu’elle sanctionnait au début de la pile.
Par conséquent, elle recommençait tout le paquet pour vérifier.
Car il n’y a rien de plus important pour l’élève que la plus grande forme de justice et d’équité dans les évaluations.
22 rencontres (5.8)
Il y a un truc bizarre, avec Jan (prononcer Yann).
Quand il était l’élève de Madame, il n’était ni le plus expansif, ni le plus amoureux du français.
Pourtant chaque fois qu’il la rencontre, il lui fait des bises.
Ce qui ne se fait pas, « chez nous », oh non!
Sauf quand, comme Jan, on se présente sur une liste électorale 🙂
***
Madame a des anciens élèves chez les verts, les jaunes, les oranges, les bleus – ouf non pas chez les bruns – mais par bonheur Jan est le seul à se jeter sur elle pour lui faire la bise.
Oui, il y a un truc bizarre, avec Jan.
P comme pain au chocolat
En arrivant à l’école lundi dernier, Madame voit des affiches placardées un peu partout, annonçant que le 25 avril il y aura vente de croissants et de petits pains au chocolat, le matin et pendant la récré de dix heures.
L’initiative émane apparemment des profs de français: les affiches sont ornées de petits drapeaux tricolores et la tour Eiffel se voit dans le décor.
Pourquoi le 25 avril? se demande Madame, qui suppose que ça n’a rien à voir avec l’anniversaire de la révolution des œillets.
Pour Vlad, les choses étaient claires:
– Vous avez vu les affiches? rigole-t-il en entrant en classe.
Il sait que Madame se souviendra que ce jour-là il fête ses 16 ans.
– Et cette fois tu ne trouves pas qu’un euro cinquante pour un croissant, c’est trop cher, comme pour les donuts?
Non, cette fois il a l’intention de débourser ses sous 🙂
***
Madame, photographiée à Chantilly en train de prendre en photo son assiette de fraises à la chantilly – elle qui normalement n’aime pas du tout ça, la crème fouettée… – mais celle-ci valait la peine qu’on y goûte 🙂
E comme était-ce mieux?
Était-ce mieux avant?
A cette question l’Adrienne – ou faut-il dire ‘Madame’, vu que dans cette histoire elle a la double casquette – répond NON.
En voici une preuve de plus 😉
Jeudi dernier, entre les fraises de Hollande et les framboises marocaines, l’Adrienne tombe nez à nez avec une de ses anciennes profs.
Oui, ces rencontres-là existent aussi, mais sont de plus en plus rares 😉
Elle était accompagnée d’une gamine de 13 ou 14 ans qu’elle a présentée fièrement:
– C’est ma petite-fille.
Alors l’Adrienne, ne voyant rien venir, s’est présentée elle-même en riant:
– Tu l’auras deviné, ta grand-mère a été ma prof de latin et de grec!
– Nous avons aussi été collègues, rectifie la dame
– Oui, c’est vrai, mais ce rapport prof-élève est tout de même le plus important pour moi.
Et c’est là que l’Adrienne a eu envie de dire à la jeune fille et sa grand-mère:
« Vous avez le temps d’une anecdote? »
Mais elle s’est retenue 😉
***
Voici la chose: L’Adrienne a toujours aimé dessiner et elle a toujours eu besoin de s’occuper la tête et les mains, donc un jour, en classe, lors d’explications (inutiles) elle s’est mise à dessiner dans la marge de son cahier de grec.
La prof l’a vertement interpellée et lui a dit: « Je veux te voir après le cours. »
Figurez-vous que l’Adrienne n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle avait fait de mal 😉
Bref, ça n’avait pas plu à la prof, ce petit dessin dans la marge – l’Adrienne à l’époque « travaillait sur un roman » LOL qu’elle illustrait elle-même – et elle le lui a bien fait sentir.
Elle se trompait, bien sûr: c’est quand l’Adrienne avait les mains inoccupées que dans sa tête elle risquait d’être loin, très loin du discours de la prof.
***
Donc, quand elle a été prof elle-même, les quelques fois où elle a vu un dessin d’élève, elle s’y est intéressée et l’a félicité(e).
Il y en a qu’elle a reçus et conservés jusqu’à aujourd’hui, comme ce Dormeur du val crayonné par Sebastien, mis en illustration du billet 🙂
V comme voilà
Voilà.
C’était hier.
Madame était fatiguée ces derniers temps de courir à droite, à gauche, de n’avoir quasiment plus une journée de libre.
Et puis voilà, justement hier, la petite, au bout de l’heure de calcul mental et de volumes et de sortes de triangles et de circonférences, voulait encore faire de la lecture et des exercices de langue.
Alors au moment où Madame la ramène à la salle de jeux, voilà que la petite lui entoure la taille de ses deux bras et lui fait un câlin.
Voilà.
C’était hier.
Et Madame, une fois de plus, en a été toute retournée.
22 rencontres (5.7)
Dans son dialecte flamand, Madame a une expression qu’elle aime bien, « gelijk de Schelde voor Antwerpen« , comme l’Escaut devant Anvers, et c’est comme ça qu’elle marchait sur le quai de la gare, comme l’Escaut devant Anvers, sans regarder les quelques personnes qui s’y trouvaient: elle cherchait l’affichage de la section B.
Parce que non seulement le dimanche il n’y a pour sa ville qu’un train toutes les deux heures, mais de plus on en détache quelques wagons pour n’en garder que deux.
C’est dire si on y est bien entassés.
Bref, sur ce quai de gare quelqu’un l’appelle par son nom.
– Madame ***?
– Joffrey! s’écrie-t-elle, tout heureuse d’avoir reconnu un ancien élève qui, depuis la douzaine d’années qu’il a quitté l’école, est devenu un type imposant et s’est laissé pousser les cheveux et la barbe.
Par bonheur aussi, elle se souvient qu’il a étudié l’histoire à l’université – il était fan de l’histoire de la Rome antique, et renseignement pris, il l’est toujours 😉 – alors vous comprenez qu’une heure de trajet, c’est à peine assez pour parler de tout ce qui les intéresse tous les deux.
Madame a reçu quelques conseils de lecture et est rentrée chez elle triplement heureuse de toutes ses rencontres, la nipotina, la tante Suzanne, Joffrey, tout ça en un seul week-end à inscrire dans les annales des jours heureux 🙂
P comme Pourquoi?
On choisit un lieu: ville ou campagne?
On décide d’une habitation: ferme ou manoir?
On en dessine le plan.
On fait la liste des personnes qui y vivent: le châtelain et sa famille, les domestiques.
On y ajoute quelques personnes extérieures: amis et relations professionnelles ou familiales, fermiers des environs, curé, commerçants et notables du village.
On opte pour une situation: bien sûr, on est tous immédiatement d’accord sur un point, un crime aura lieu.
Mais d’abord on va s’installer, faire connaissance des uns et des autres, meubler et décorer le manoir.
Y organiser une grande fête.
Quand, en 1996, deux Francis, Francis Yaiche et Francis Debyser ont publié leurs livres sur les simulations globales, Madame, qui adore réinventer l’eau chaude et le fil à couper le beurre, s’est précipitée sur cette nouvelle façon de faire parler, de faire écrire et de motiver ses élèves.
***
Merci à Monsieur le Goût pour la photo et la consigne 188: « Pourquoi cette salle est-elle si déserte? »
Parce que Madame et ses élèves vont s’amuser à la décorer et à la meubler, avant de venir y vivre, le temps d’une année scolaire 🙂
22 rencontres (5.6)
Voilà des années déjà que nos étudiants universitaires comme non-universitaires subissent deux sessions d’examens au lieu d’une seule, comme à l’époque lointaine de Madame, où tout se jouait en juin.
Désormais on peut stresser aussi en janvier, et passer ses vacances de Noël à étudier 😉
C’est ce qu’ont fait Hajar et Nabila, étudier, étudier, réviser, puisque toutes les deux ont rendu Madame très heureuse en lui annonçant leur réussite totale, pour Hajar en sciences économiques et pour Nabila comme future institutrice en maternelle.
– Il faut qu’on fête ça! a dit Madame à Hajar.
Et c’est toute sautillante que Madame marchait à ses côtés alors elle a ajouté:
– Tu vois? Grâce à toi, je suis sur mon petit nuage 🙂
R comme roumain
– C’est quoi ça? demande Vlad. Qu’est-ce qu’elle veut exactement, cette dame?
Il montre à Madame un message reçu d’une des responsables locales d’OKAN (1), lui demandant s’il veut jouer les interprètes, un jeudi après l’école, pour une famille nouvellement arrivée et parlant le roumain.
– Tu vas le faire? demande Madame.
– Oui bien sûr! On va même me payer 10€ pour ça!
***
Lundi dernier, ça a donné cette petite conversation:
– Alors, ça s’est bien passé, ton travail d’interprète? Tu as su aider cette famille?
– Ah! ils ne parlaient pas le roumain!
– Comment ça?
– Ils ne sont pas vraiment Moldaves mais d’une province où on parle le russe…
– La Transnistrie, tu veux dire?
– Oui c’est ça! Mais ça a marché, j’ai su à peu près dire tout ce qu’il fallait en russe et parfois un mot en roumain…
***
OKAN est un sigle formé par les mots « onthaalklassen voor anderstalige nieuwkomers« , c’est-à-dire un enseignement du néerlandais destiné aux primo-arrivants en âge scolaire.
Pour avoir une idée de la raison pour laquelle les gens voudraient quitter la Transnistrie, voir cette carte.
Pour ce qui est de l’anecdote racontée dans le billet, n’hésitez pas à donner votre commentaire bien senti, Madame aussi a été interloquée 😉