Voyez la liste des sept principaux sujets de conversation à table et vous allez comprendre pourquoi l’Adrienne est de celles qui écoutent:
1.les enfants 2.les petits-enfants 3.le besoin de soleil 4.les petits ou gros soucis de santé 5.les maris 6.les 400 coups en secondaire 7. »straffe verhalen » : « heeft er nog iemand een straf verhaal? » a demandé quelqu’un, après que deux ou trois autres avaient déjà raconté une histoire un peu « extrême », comme se perdre en montagne ou plonger dans une piscine où il n’y a presque pas d’eau.
Il y a K***, venue d’Afghanistan avec son papa, sa maman, sa petite sœur et son petit frère. Pour que les petites filles puissent aller à l’école.
Il y a E*** et sa voisine de chambrée, au centre d’accueil des réfugiés. Elles ont fui l’Ethiopie pour que leurs petites filles ne soient pas excisées.
Il y a Médiatrice et sa voisine de chambrée, de la région du Kivu. Inutile de préciser ce qu’elles fuient, n’est-ce pas.
Et puis il y a celles qui ne peuvent même plus fuir, sur qui tombent les bombes et qu’écrasent des chars.
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Pour son 187e devoir, Monsieur le Goût propose cette photo de femmes afghanes.
Puissent les petites filles, ici et ailleurs, n’avoir d’autre souci que celui de faire joliment voler au vent un tissu soyeux et coloré un cerf-volant ou les aigrettes d’un pissenlit.
C’est comme ça que vingt ans plus tard est arrivé le Tonton.
Mais où ça part, cette histoire? vous direz.
Et bien, le Tonton est au plus mal. Il ne peut plus vivre seul. Ses enfants vident son appartement pour pouvoir le louer.
Alors qu’ont-ils trouvé?
Des tas de photos.
Des photos d’avant eux, d’avant la Tantine et même d’avant la grand-mère.
La photo de mariage de la petite Ivonne.
La photo qu’il avait fallu faire disparaître, ainsi que toutes les autres montrant la chère défunte et les dix ans de bonheur.
– Quand j’ai accepté d’épouser ton grand-père, dit-elle un jour à l’Adrienne, j’ai posé mes conditions! Il fallait d’abord faire disparaître toutes les photos d’Ivonne!
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Mais ils ne s’appellent pas Duballon! direz-vous.
Non, d’accord.
Mais ils auraient pu 😉
Et le plus acharné du ballon, c’était qui?
Ben la grand-mère!
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Merci à Joe Krapov pour l’illustration et sa consigne!
L’expo sur Berthe Morisot au musée Marmottan-Monet s’ouvre sur un portrait d’elle réalisé par Marcello et heureusement l’Adrienne a eu l’idée de lire les petits panneaux explicatifs ce qui lui a permis de découvrir que Marcello est une femme.
Ceux que ça intéresse regarderont la vidéo ci-dessus ou cliqueront sur les liens, c’est une femme et une artiste qui mérite d’être connue.
Sur cette page on peut voir le portrait qu’elle a réalisé de Berthe Morisot, celui qui est exposé actuellement à Marmottan.
Et ici deux portraits de Marcello, l’en-tête est celui qui a été peint deux ans avant sa mort et plus bas celui que Gustave Courbet a réalisé en 1870.
Au musée d’art et d’histoire de Fribourg, sa ville natale, elle a une exposition permanente.
Un des grands avantages d’une expo temporaire, c’est qu’elle permet de voir des œuvres en provenance de musées partout dans le monde sans avoir à traverser des océans ainsi que des œuvres appartenant à des particuliers.
En ce moment à Anvers on a l’occasion d’admirer des œuvres qui se trouvent à Boston, New York ou Los Angeles, bref dans des endroits où, c’est sûr, on n’ira jamais 😉
C’est aussi l’occasion de (re)découvrir une femme peintre belge, Michaelina Wautier, née à Mons en 1614 et décédée à Bruxelles en 1689.
On le sait, elles sont rares, les femmes peintres des siècles précédents, il leur fallait surmonter de nombreux obstacles pour pouvoir exercer cet art, et Michaelina, comme sa contemporaine italienne Artemisia, n’a pu le faire que dans le cadre familial.
Avoir un père peintre ou un frère peintre permet d’acquérir les techniques. Rester célibataire permet de poursuivre cette activité.
On sait aussi que la postérité ne leur a pas été favorable, souvent leurs œuvres ont été attribuées à des hommes et elles ont quasiment disparu des publications et des recherches des historiens de l’art.
On les redécouvre au 21e siècle et peut voir ici la trentaine de tableaux qu’on connaît d’elle.
« C’est une chose qui a toujours existé et qui n’a jamais choqué personne », peut-on lire dans un article d’Ouest France de 2021.
Deux arguments de grande valeur, n’est-ce pas: ce n’est pas parce qu’une chose a « toujours existé » qu’elle est bonne, sinon il faudrait conclure que l’esclavage, c’est formidable.
Et ça n’aurait choqué personne?
Ahum, l’Adrienne n’est sûrement pas la seule à trouver bizarre que sa coupe, qui prend exactement dix minutes à la coiffeuse, lui coûte le tarif « femme » alors que l’homme dans le fauteuil d’à côté, qui se fait bichonner longuement par le coiffeur, était là avant qu’elle n’entre et était encore là quand elle avait payé et sortait, paie beaucoup moins.
Cet automne aussi la question revenait dans la presse et quel que soit le journal consulté, on y trouvait les mêmes réponses: ça s’explique par le fait que coiffer une femme demande plus de temps, plus de produits, et blablabla, à croire qu’ils ne sont jamais entrés dans un salon pour hommes.
Chez l’Adrienne c’est une coupe à sec, donc ni lavage ni séchage – la dernière augmentation de prix était due aux coûts liés aux prix de l’énergie – ni brushing ni gel ni laque ni rien de rien.
Mais la grosse question est la suivante: a-t-elle osé, hier après-midi, demander le pourquoi du comment à sa coiffeuse?
Vlad a les cheveux très courts dans la nuque mais une longue mèche sur le front et devant les yeux, qui lui donne beaucoup de travail 😉
– Quelqu’un de ma classe m’a dit que je ressemble à une fille, avec mes cheveux comme ça, dit-il en relevant sa mèche pour la dixième fois au moins. – Oh! tu peux être tout à fait tranquille, le rassure Madame. Que tu portes tes cheveux comme ça ou vers l’arrière ou même en chignon, tu es bien un garçon, il n’y a pas de doute possible.
Il n’a pas l’air tout à fait convaincu alors Madame ajoute:
– Il ne faut pas prendre trop au sérieux ce que dit à ce propos un garçon de ta classe! – C’est une fille qui me l’a dit! – Ah! mais ça change tout, alors, rit Madame. Dans ce cas, le message n’est sûrement pas que tu ressembles à une fille 🙂
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L’Adrienne reçoit un message de Nana, la fille de George. Elle voudrait la rencontrer.
C’est vrai qu’elles ne se sont jamais vues, sauf une fois, quand Nana et son jumeau étaient encore dans leur poussette 😉
Aujourd’hui elle est adulte et travaille en Angleterre.
– Quelle coïncidence! lui écrit l’Adrienne, c’est précisément le pays qui était la destination de ton père, quand il a quitté l’Afrique. Mais à Anvers on ne l’a pas laissé continuer sa route. – Ah bon? fait-elle, je ne savais pas du tout ça!
Mais que sait-elle de son père, en fait, se demande chaque fois l’Adrienne, qui conclut:
– Alors il est plus que temps que tu viennes et que je te raconte…
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L’école était finie quand Madame et la directrice traversent la cour et rencontrent deux jeunes filles qui ont noué leur foulard autour de leurs cheveux.
– Zut! dit la directrice, faudrait que je leur fasse la remarque! – Mais pourquoi? demande Madame. L’école est finie, elles ont quitté les bâtiments, elles ont le droit!
Apparemment non.
– Je ne suis pas d’accord, dit Madame.
Ce qui ne sert à rien, bien sûr, mais au moins on est contente de l’avoir dit 😉
Il y a au musée Rockox un tableau représentant la famille Duarte, une famille d’origine portugaise qui s’est établie à Anvers et a fait fortune dans le commerce des épices, des diamants, perles, bijoux et autres pierres précieuses.
La famille est très musicale et dans la salle qui leur est consacrée, où sont exposés un grand nombre de leurs instruments de musique, on entend des pièces composées par la fille aînée, Leonora (1610-1678).
Malgré tout le bien que ses contemporains disent d’elle, de son talent de musicienne, dans diverses lettres ou d’autres formes de témoignage écrit, c’est presque un miracle qu’on ait retrouvé un exemplaire de partitions authentiques.
Ce qui a permis à quelques musiciens d’aujourd’hui d’exhumer un nom à ajouter à la petite liste des compositrices 😉
Pour ceux qui veulent tout savoir sur Leonora et sa famille, c’est ici 🙂