Adrienne et son cabinet de curiosités (1)

Il était une fois une petite maison enserrée entre deux autres dans une rue à forte pente où nuit et jour passaient des camions. Dans la descente, on entendait crier et siffler leurs freins, dans la montée on entendait souffrir les moteurs. Ceux qui descendaient passaient du côté de la petite maison et faisaient souvent un peu trembler les murs. Dans le salon, les grandes photographies de l’arrière-grand-père et de l’arrière-grand-mère dans leur vieux cadre tarabiscoté penchaient toujours un peu vers la droite. Plusieurs fois par jour, quelqu’un les redressait respectueusement. Puis un nouveau passage de poids lourd les remettait légèrement de travers.

La petite fille était presque toujours là. A tourner autour de sa grand-mère Adrienne dans la cuisine ou la buanderie, à « aider » l’arrière-grand-père dans le potager un peu plus loin dans la rue, à écouter les amies de grand-mère qui papotaient en buvant le café.

De jouets, il n’y en avait pas, mais ça ne lui manquait pas. Chaque pièce de la maison recélait des trésors dont elle s’amusait à faire et à refaire l’inventaire. Avec ordre et méthode.

Dans le placard où était la niche pour la télé, il y avait deux petits tiroirs. Un pour les mouchoirs de grand-père auxquels elle ne pouvait pas toucher. Ils attendaient bien pliés, amidonnés et parfumés à l’eau de Cologne. Elle pouvait juste ouvrir le tiroir pour les admirer et les humer. Elle aurait bien aimé que ses mouchoirs sentissent aussi bon mais n’a jamais osé le demander.

Dans l’autre tiroir, il y avait les deux trésors de grand-mère : un vieux portefeuille tout usé qui avait appartenu à sa mère et une sorte de petit carnet noir en deux volets rigides qui stipulait qu’à 18 ans, Adrienne avait terminé sa formation de couturière avec grande distinction.  

***

(1)   Si l’histoire des cadres qu’on remet sans cesse droits vous a fait penser à un certain allumeur de réverbères, vous gagnez un point 🙂

2)   Si le subjonctif imparfait du verbe sentir vous a fait sourire, vous gagnez un autre point 😉 

Si vous voulez explorer le reste du cabinet de curiosités, vous reviendrez le 2 février

 

 

22 commentaires sur « Adrienne et son cabinet de curiosités (1) »

  1. Le deuxième point m’a fait penser à Erik Orsenna, le chevalier du subjonctif.
    Tes souvenirs m’ont transporté au temps où j’allais passer des heures chez une voisine à faire l’inventaire de sa boîte à boutons (on recyclait beaucoup à l’époque).

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  2. merci Marc! oui, paisible est bien le mot qui convient à l’ambiance qui régnait dans la maison d’Adrienne
    oh Berthoise et moi qui espérais t’arracher un sourire avec mon subjonctif imparfait 😉
    bises, je pense à toi
    héhé l’Angevine, il suffit de quelques minutes de conversation avec un(e) inconnu(e) et on se trouve des points communs 😉
    pas difficile, Teb, c’est là que j’ai passé le plus clair de mon enfance et je n’ai cessé d’y aller jusqu’au décès de ma grand-mère… et quand j’étais là, j’y étais « intensément », si tu vois ce que je veux dire?
    mais je vois très bien ça, Walrus! l’inventaire de la boîte à boutons était un autre passe-temps très important! les réassortir et enfiler ensemble ceux qui étaient pareils… maintenant c’est moi qui l’ai, la boîte à boutons, je ne l’ai plus ouverte depuis … euh… dix ans?
    merci à tous et bonne journée!

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  3. merci Caro, c’est gentil de me dire ça 🙂
    pour la boîte à boutons, tu auras vu ce que je réponds à Walrus
    je n’ai pas prévu de billet là-dessus, ah si j’avais su que c’était un « hot item »… 😉
    bonne journée à toi aussi!

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  4. Moi aussi, petiote, il y avait « le » pot à boutons de ma grand mère… J’ai récupéré le pot, mais… il est vide !!!
    J’avais d’ailleurs fait une note là dessus… mais ne sais plus où elle est…

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  5. oui le pot à boutons!
    que ma mère récupérait avant de donner ou de jeter un vêtement usagé!
    Quand un autre vêtement perdait un de ses boutons, elle cherchait ds sa boite à boutons si l’un d’entre eux ne pouvait pas convenir… raté! à chaque fois
    La boite un jour a explosé ;-))))

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  6. bonjour Céline!
    l’allumeur de réverbères, c’est une association d’idées qui s’imposait à moi (je connais le petit prince quasiment par coeur ;-)) mais pas forcément à d’autres, n’est-ce pas…
    merci à toi et bonne journée!

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  7. j’aime ces souvenirs d’enfance
    et je milite pour l’imparfait du subjonctif drôle et souvent difficile à contourner. vous franchîtes brillamment et courageusement l’obstacle : respect !
    avec mes cousines,j’aimais fouiller dans les tiroirs de ma grand mère, elle le savait et ne s’y opposait pas. ma maman ne voyait dans ces tiroirs que vieilleries bonnes à jeter . ma grand mère m’a laissé une de ses boites à trésors

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  8. merci Zigmund
    toute fouille se faisait après avoir obtenu la permission, c’est évident 😉
    et oui, pour ma mère aussi tout ça c’était du « brol », comme on dit chez nous…
    je crois qu’il faut de l’amour pour y trouver de la valeur…
    merci et bonne soirée!

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  9. Bonjour Adrienne ! J’aime bien l’imparfait du subjonctif aussi o;))) (et pourtant, en lisant trop vite, je ne l’ai pas vu – à première lecture) par contre, à la deuxième lecture, oui, là, j’ai souri ! Par contre, je n’ai pas fait le lien avec l’allumeur de réverbères, mais le Petit Prince et moi, ça fait deux… J’ai bien aimé la rose et le renard en leur temps, mais à force de l’entendre répéter, cela devient lassant… Par contre, j’aime bien les dessins du boa qui digère un éléphant.
    C’est pour ça que j’ai beaucoup aimé l’analyse du Petit Prince par Lika… Cela « désangélisait » l’oeuvre – et l’écrivain.
    Soit, cela nous éloigne des boutons – chez moi, c’était une boîte (que j’ai toujours d’ailleurs), mais les boutons sont partis depuis longtemps. Pour moi, c’était des trésors !!! J’aime bien aussi tes souvenirs d’enfant…

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  10. je sais pour le petit Prince et toi, Pivoine 😉 et j’ai lu avec intérêt l’analyse de Lika!
    mais il n’empêche que l’allumeyr de réverbères reste pour moi celui qui fait un travail devenu absurde puisque la consigne n’a pas changé et que ça l’oblige à éteindre et allumer chaque minute…
    j’aime tout dans le petit Prince, surtout le chapitre un, c’est vrai! j’ai du mal moi aussi à parler « golf ou cravates » avec les grandes personnes et on a également contrarié ma carrière de dessinateur LOL
    merci à toi et bonne journée!

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  11. Chez le grand Pére il y avait un petit atelier avec des bouts de bois ,et il me donnait des vieux clous tout tordu. J ai appris à les redresser et faire des petits trucs. Dans le jardin il y avait une voiture à pédales, mais vieille ( des années trentes) quand je pense ce que cela coute en antiquité, et naturellement elle a été jettée.
    Bonne soirée Adrienne
    Latil

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