A comme Abraham

Quand dans la seconde moitié des années 1870 Van Gogh est pris de zèle religieux et se sent une vocation de prédicateur, il va de déception en déception: les études de théologie ne lui conviennent pas, ne l’intéressent pas, ni à Amsterdam, ni ensuite à Bruxelles, et son travail de prédicateur laïc dans le Borinage ne se passe pas non plus comme il l’avait espéré.

Le vendredi 1er août 1879 il entreprend à pied les 50 km qui séparent Cuesmes, où il vit et travaille, du petit hameau de Korsele, en Flandre Orientale, pour y rencontrer le pasteur Abraham van der Waeyen Pieterszen qu’il connaît grâce à son séjour bruxellois.

Korsele, c’est ce qu’on appelle ici le Geuzenhoek, le « coin des gueux », gueux étant le mot injurieux employé pour désigner cette poignée de protestants qui résistaient, trop pauvres pour se refaire une nouvelle vie dans les provinces hollandaises, et qui ont survécu aux persécutions en vivant cachés dans les bois.

Cet Abraham Pieterszen avait apparemment la confiance de Van Gogh, comme prédicateur mais aussi comme artiste, il avait eu une formation de peintre.

Et c’est après cette rencontre – qui a finalement eu lieu à Bruxelles, le pasteur Abraham Pieterszen n’était pas chez lui quand Van Gogh y est arrivé après deux jours de marche – qu’on voit que Van Gogh délaisse ses projets de prédicateur pour se tourner entièrement vers le dessin et la peinture.

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Photo prise le 27 mai dans l’église protestante de Speyer, où une classe enfantine était en visite 🙂

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Dans une lettre à son frère, datée du 5 août 1879, de retour à Cuesmes, Van Gogh écrit:

« Ben onlangs nog op een atelier geweest, n.l. bij DPieterszen die schildert in den trant van Schelfhout of Hoppenbrouwers en wel verstand van kunst heeft. » (récemment j’ai encore visité un atelier, celui du pasteur Pieterszen, il peint dans le style de Schelfhout ou Hoppenbrouwers et s’y connaît en art – traduction de l’Adrienne)

Adrienne est émue

La conversation entre Oksana et l’Adrienne était une belle preuve de ce que Madame avait précisément expliqué à la jeune fille désireuse d’apprendre le français en trois semaines: pour que « le message passe », il faut d’abord se lancer et oser se jeter pleinement dans une tentative de message.

C’est ainsi que belle-maman, qui n’avait peur de rien, réussissait à parler toutes les langues 😉

Oksana est Ukrainienne, donc la conversation s’est déroulée à l’aide de trois mots d’anglais, d’un peu de néerlandais, de beaucoup de ‘body language‘, de gestuel et d’une appli sur le portable.

– Si tu ne trouves pas le mot exact, expliquait Madame à la jeune fille, il ne faut pas que ça t’arrête: il y a toujours moyen de dire autrement, ce sera plus long, avec des mots plus simples, mais tu te feras comprendre. Rester la bouche fermée n’est pas une option!

C’est à l’aide de cette méthode qu’Oksana a réussi à raconter tout ce qu’elle avait à cœur de dire.
Son exil.
Son fils de douze ans.
Son talent pour la peinture à l’huile.
Son autisme.

Et qu’on a surtout vu son amour et sa fierté.

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Photo prise dans ma ville le 30 avril

Adrienne sème

Petite fille, elle a joué quelquefois à ce jeu magique, jusqu’à ce qu’un jour son grand-père la surprenne et lui dise qu’ainsi, elle « semait des mauvaises herbes ».
Elle ne l’a plus jamais fait.

Dans les années quatre-vingts, quand elle a eu son propre jardin, elle était partagée entre deux contraires: la fleur est belle, utile aux pollinisateurs et fait de délicieuses gelées, les feuilles se mangent en salade à un moment où rien de frais ne pousse dans les jardins, mais la mode était aux pelouses bien « propres » et Monsieur Mari maniait le pulvérisateur.

Aujourd’hui dans le jardinet en ville, les censeurs sont toujours là.
L’Adrienne a trouvé un compromis: elle laisse venir la floraison puis coupe la tige au moment où les graines vont se former.

Ce qui demande bien sûr une inspection quotidienne minutieuse.
Et chaque fois elle pense au petit Prince et à ses graines de baobabs 😉

Merci à Bricabook et à @ Johannes Plenio pour la photo du jeu 432!

Adrienne jubile

Non, ça ne lui avait pas plu du tout, à l’Adrienne, quand d’un seul coup d’œil sur le bureau, Berthe avait décrété:

– Moi aussi je suis bordélique.

Bon, on peut s’entendre sur le vocabulaire, elle a dit « ik ben ook slordig » et ‘slordig‘ peut se traduire par négligeant, désordonné, pas soigneux

Mais là n’est pas la question.

Ce qui n’a pas plu à l’Adrienne, c’est cette conclusion pour le moins hâtive, alors que tout le reste de la maison est parfaitement rangé et que sur le bureau, le désordre n’est qu’apparent.

Bref.

Aujourd’hui l’Adrienne jubile: elle vient de lire que la gourou du rangement a déclaré:

« Ma maison est en bazar, mais la façon dont je passe mon temps est la bonne pour moi à ce moment-là, à cette étape de ma vie. Jusqu’à présent, j’étais une professionnelle du rangement, donc je faisais de mon mieux pour garder ma maison bien rangée à tout moment. J’ai en quelque sorte renoncé à cela, dans un bon sens pour moi. »

Si vous avez un doute, allez voir vous-mêmes 🙂 

Adrienne est fière :-)

Il y a un jour dans l’année où Monsieur Filleul appelle l’Adrienne par son titre honorifique, c’est le premier janvier:

– Bonne année, Marraine!

Le petit échange de vœux et de civilités d’usage fait que l’Adrienne apprend le scoop de l’année: le 27 décembre dernier, Monsieur Filleul et son épouse ont scellé un accord avec un couple d’agriculteurs qui prépare sa retraite et vend son petit domaine agricole: ils se sont serré la main, à l’ancienne.

« Une promesse est une signature », disait le grand-père de l’Adrienne, alors espérons que tout se passe comme prévu et qu’ils puissent réaliser leur rêve de vivre à mille mètres d’altitude, au milieu de nulle part 🙂

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photo prise l’été dernier, le type en mocassins et son épouse rêvaient d’ouvrir un gîte à 1000 mètres d’altitude et le petit au chapeau n’avait pas encore les mots pour exprimer ses rêves à lui 🙂

Adrienne se souvient

Combien d’années ont passé depuis la dernière fois que l’Adrienne a entendu son père chanter ce Rorate coeli, difficile à dire, mais de gros, gros paquets d’eau ont coulé sous les ponts, depuis.

Et pourtant!

A la première note elle se retrouve dans l’ambiance de ces célébrations du temps de l’Avent, avec le froid de l’église, la dureté des chaises, les odeurs d’encens, les bougies qu’on allume… et ces voix d’hommes venant du jubé, lieu mystérieux où la petite fille n’a jamais eu le droit de monter.

Bon anniversaire à tous ceux qui sont nés un 2 décembre 🙂

Adrienne rêve de voyage

« Le premier hôtel de l’espace ouvrira en 2025 », lit l’Adrienne éberluée, vendredi dernier.

Pour elle, ces choses-là en sont restées au stade « On a marché sur la lune » avec Tintin (en couleurs) puis avec Armstrong (en noir et blanc) et à part ça elle aimerait bien qu’on laisse la lune tranquille.

Elle ne veut pas savoir ce que ça va coûter – en dollars et en énergie – ni quelle sorte de gens se sont mis sur la liste pour ce tourisme spatial.

Elle ne veut pas savoir à quoi ils s’y occuperont pour passer le temps – lire des Tintin? regarder A space odyssey? – s’il y aura une piscine, un jacuzzi, un restaurant gastronomique…

Elle veut continuer à rêver aux étoiles et se dire que le petit Prince est là, quelque part 🙂

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Merci à Joe Krapov pour l’image et la consigne!

Adrienne est nareuse!

Photo de cottonbro sur Pexels.com

Que de fois n’a-t-on reproché à Mini-Adrienne de « manger avec les yeux »!

– Keskesèksa? Moi n’aime pas ça! singeaient les parents, encore vingt ans après qu’elle avait osé un jour employer cette expression devant une assiette de champignons malodorants qui baignaient tout noircis dans un jus aqueux et brunâtre.

Il suffisait qu’elle mette le nez dans une assiette au lieu de l’attaquer tout de suite avec couteau et fourchette pour qu’ils la lui ressortent, cette petite phrase.

Mais ils se trompaient!

Bien sûr, « het oog wilt ook wat » (1), c’est agréable et appétissant qu’un plat soit joli, mais le plus important, c’est le nez.

Et le nez de la petite fille de cinq ans se trouve beaucoup plus près de l’assiette que le nez d’un corps adulte 😉

Alors imaginez le bonheur de l’ex-petite fille quand grâce à Walrus et à sa consigne pour demain elle peut enfin mettre un mot sur ce qu’elle est: nareuse!

Même si la définition du Robert lui semble un peu trop unilatérale: « (Nord-Est, Belgique) (Personne) qui se montre difficile quant à la propreté de la nourriture et des couverts ; qui éprouve facilement du dégoût. »

Étant donné que l’étymologie remonte au mot ‘nez’ (2), le sens et la définition devraient plutôt être « (Personne) qui se montre difficile quant à l’odeur de la nourriture et qui éprouve facilement du dégoût si l’odeur lui déplaît. » 🙂

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(1) littéralement, ça peut se traduire par « l’œil aussi veut quelque chose », on l’utilise pour souligner l’importance de l’aspect esthétique d’une réalisation, et pas seulement sa fonctionnalité.

(2) nez en latin se dit ‘nasus’ et narine est ‘naris’ en latin classique, ‘narina’ en latin populaire.