« J’ai vécu jusqu’à mes dix-huit ans dans un petit village d’Ardenne où mon imagination se trouve encore. Que je le veuille ou non, tout ce que j’écris vient de là: des quelques mètres carrés du hangar à poules de Papou, de l’odeur des fraises qu’il cultivait derrière l’église, face aux collines de Hoyemont, au-dessus de l’Ourthe et de l’Amblève, […] des bêtes sachant d’instinct trouver le bonheur, des machines agricoles défoncées par l’usage, dans le purin. »
Antoine Wauters, Le plus court chemin, éd. Verdier, 2023, p.9 (incipit)
« Je ne crois pas en la prédestination. L’idée ne me plaît pas. Mais j’ai tout de même parfois l’impression que certains d’entre nous ne peuvent pas faire autre chose que ce qu’ils font. Comme si c’était écrit. Bien que cela ne le soit pas. »
idem, p.31
« Et plus tard, les livres, la ville, les films. Et ces centaines de voix nouvelles glanées au musée du Cinéma, chez Tropismes, à la bibliothèque de l’université, partout, comme un dingue. Je lis et regarde tout ce que l’enfance n’a pu me donner. A la bibliothèque, ce sentiment étrange: je me sens chez moi. Je me sens bien. L’odeur du papier me parle. C’est la voix du souvenir. »
idem, p.35
« Une vie placée sous le signe d’un Dieu représenté par des curés, omnipotents et profiteurs, qui mangeaient indifféremment sur le dos des morts, des jeunes mariés, des communiants, des baptisés. Et des morts et des morts encore. Une vie placée sous le signe d’une nature immense, de kermesses à répétition, d’alcool et de ce bienheureux ennui dont je me sens si souvent orphelin aujourd’hui. »
idem, p.41
« Dans ce royaume des doux, le périmètre de la culture, c’était le dictionnaire Larousse, qui était le seul à répondre aux questions qu’on se posait. Pas d’ordinateurs. Pas de téléphones savants. On se débrouillait comme on pouvait. […] On usait nos habits jusqu’à la corde et, une fois anéantis, on les voyait se transformer en loques à poussière. »
idem, p.71
« De Mémé, j’aurais aimé conserver la statuette de saint Antoine. Je la lui avais ramenée de mon Erasmus à Padoue. Saint Antoine était son saint préféré, au point que je la soupçonne d’avoir égaré des objets exprès, pour pouvoir le prier davantage. Quand il ne l’aidait pas, Mémé tournait la statuette, face au mur, de manière à n’en voir que le dos. Elle ne voulait plus en entendre parler. Jusqu’à ce qu’elle remette la main sur ce qu’elle cherchait. »
idem, p.84
***
Et p.59, l’explication du titre:
« Puis un matin, écrit Joan Didion, j’ouvrirai simplement mon carnet et tout sera là, compte épargne oublié avec les intérêts cumulés. Péage de retour vers le monde d’alors. Tout reviendra. » L’écriture comme un raccourci. Oui. L’écriture comme le plus court chemin.
J’aime ce style simple qui correspond à ce « bienheureux ennui » rempli d’odeurs, de souvenirs liés à la terre, aux personnes, cette découverte de la lecture.
L’écriture est un raccourci, oui, nos mémoires sont tellement pleines…
Merci pour ces extraits et la vidéo si vraie, émouvante aussi.
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exactement! ce livre écrit par petites touches montre bien à quel point nos souvenirs d’enfance sont une mosaïque 🙂
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Merci pour cette présentation. Vous nous racontez souvent vos souvenirs, je suppose que vous avez beaucoup aimé ce livre.
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les souvenirs de l’auteur, malgré toutes les différences de détail avec les miens, ont finalement tant d’éléments reconnaissables qui les rendent en quelque sorte universels
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J’ai pratiqué ce sport combiné écriture/lecture… je me demande parfois pourquoi, même si je continue par moments. Un besoin de se dire qu’on a vraiment vécu et que ça en valait la peine ? J’ai comme un doute… Tiens, je vais déterrer mon journal intime et y lire combien j’étais con quand j’étais jeune… Presque autant que maintenant, je parie ! 😉
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toi tu es vraiment un grand tentateur 😉
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Mes archives te sont ouvertes (avant destruction, ne traîne pas trop…) 😉
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ooohhhhh! WAW 🙂
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Je prends aussi le plus court chemin pour me rendre à mes racines et une fois que j’y suis je me sens des ailes sur le chemin de mon enfance !
y a que ça de vrai , d’authentique
Bonne journée Adrienne
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on est fait de tellement de petites choses liées à notre passé, c’est assez vertigineux, quand on y pense 😉
merci, bonne journée
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Il donne envie de lire ce monsieur, en parfaite corrélation avec ton article d’hier. Les extraits que tu as choisis me parlent. Merci pour la découverte. Je crois que je vais chercher à lire davantage. ( Quand je m’y mets, un livre ne fait pas long feu !)
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je l’ai dévoré alors que j’aurais pu « picorer », vu que ce n’est pas une histoire linéaire mais une sorte de « puzzle » de souvenirs d’enfance reliés à la question du « pourquoi écrire » 🙂
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Merci beaucoup pour les extraits et la vidéo. Ce titre est noté depuis son prix Rossel l’an dernier, son heure viendra tôt ou tard.
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le bon moment, pour un livre, c’est important (et inexplicable :-))
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Il doit se livre à petites doses, je pense? Un livre à savourer… J’ai le défaut de lire trop vite. ;-)
Bon après-midi,
Mo
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c’est comme on veut! je l’ai déjà dit plus haut, je l’ai dévoré, mais on pourrait le lire de la façon qu’on veut et même dans le désordre, puisque ce n’est pas linéaire, ce sont de petites touches à assembler (ou non) comme un puzzle
bonne fin de journée!
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L’écriture ? Le plus court chemin vers la rigolade, même si le repas qui dure cinq heures chez des ami·e·s qui aiment à remplir votre verre comme ce jour n’est pas mal non plus !
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les extraits proposés me donnent très envie de lire ce livre, c’est parlant, on s’y retrouve!
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ah oui, c’est sur cette base que j’ai sélectionné les extraits donc rien d’étonnant à ce qu’ils te parlent aussi 😉
bises
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