I comme imitation

Vous voyez cette citation sur l’art qui doit imiter la nature?

Non, Boileau n’est pas mort.

Même si le romantisme, le cubisme, le surréalisme et tous les autres -ismes sont passés depuis lors 😉

L’art doit imiter et plaire.
L’art doit imiter pour plaire.

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La photo représente une partie d’un serpent et a été prise le 27 juin dernier, au parc près de chez ma mère.

A comme Adamo

« Moi je dors avec nounours dans mes bras », chante la petite qui serre très fort contre elle la peluche plus grosse qu’elle.
« Le matin, c’est moi qui le réveille », dit la chanson, et c’est tellement vrai.
« Je l’aime autant que maman et papa.
Moi je dors avec nounours dans mes bras »
– Ah non! dit la mère. Ce n’est pas bien! On ne peut pas aimer un ours en peluche comme on aime ses parents! Non! ce n’est pas bien!
La petite est tout étonnée.
Ne se rendait pas compte du mal qu’elle faisait.
Un gros péché, sûrement.
Puis la mère a donné le nounours à dépecer au petit frère.
Mais même sans les yeux et avec un bras démis, la petite l’aimait encore.
Alors la mère l’a jeté à la poubelle.

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écrit pour Lali, merci à elle pour l’illustration et la consigne En vos mots 766.

Z comme zut!

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Des papas, des mamans, des enfants, massés à côté du bus qui devait emmener les petits prendre le bon air de la campagne.

Deux hommes montaient les bagages sur le toit, et sur les gravillons de la cour, ça jacassait, ça pépiait, ça trépignait, ça y allait des dernières recommandations sur le chaud, le froid, le boire et le manger… quand tout à coup on entendit des « Zut! zut! » et on vit courir Marie-Thérèse en direction de sa maison.

Au lieu de prendre la valise du petit, elle avait pris son cartable.

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source ici, le non-devoir de Monsieur le Goût, parti aux colonies ce lundi.

A comme atavique Adrienne

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Qui d’autre que l’Adrienne, dans sa ville au passé presque entièrement voué au textile, et dont l’arbre généalogique ne mentionne que des tisserands, ourdisseuses, fabricants de flanelle, bobineuses, ouvriers teinturiers et autres apprêteurs, qui d’autre donc pourrait traverser la ville à pied un dimanche matin avec sous le bras sept kilos de coton à petits carreaux bleus et dans la main un gros paquet de toile de lin beige?

Tout en marchant, elle se demande deux choses: d’abord, ce qu’elle en fera; ensuite, d’où sa mère continue à sortir ces kilos de textile divers…

Mais bien sûr, quand on est la petite-fille d’une couturière, on ne refuse pas un ’bout de tissu’ et on se dit que ça pourra sans doute servir un jour…

D’ailleurs, dès l’après-midi elle taille des rideaux dans la toile beige et des draps dans le coton bleu à rayures, trimbalé de la même façon plus tôt dans la semaine 😉

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photo déjà mise sur ce blog, avec une des cheminées d’usine de la ville, vestiges de son passé industriel

Atavique: qui se transmet par atavisme, « Transmission continue, de génération en génération, des caractères héréditaires, physiques ou moraux » (source CNRTL)

Z comme zèle (ter)

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– Alors? dit la mère de l’Adrienne, à peine leur improbable trio était-il monté dans le train du retour vers Hull. Alors? tes activités sont déjà planifiées, pour le mois de septembre?

Mes activités pour septembre, se dit l’Adrienne interloquée. Quand on n’est que le 20 juillet et qu’on rentre de vacances dans le Yorkshire? Était-elle supposée régler ça depuis Skipton? 

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Vendredi dernier, l’Adrienne téléphone à sa mère. La semaine a été caniculaire, mais la mère de l’Adrienne refuse d’ouvrir une fenêtre du côté de la rue, en matinée ou en soirée. Ça ferait entrer des poussières. Au troisième étage.

Elle refuse aussi de se tenir tranquille aux heures les plus chaudes: elle sort pour ses promenades entre 13.30 h. et 16.30 h., point barre.

– Alors? lui dit-elle au téléphone, tu as géré ton mois d’août?
– Gérer mon mois d’août? répond l’Adrienne. Qu’est-ce que ça veut dire?
– Et bien ça veut dire profiter de tes vacances!

Décidément, l’Adrienne et sa mère ont des vues très opposées.

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Photo prise du train entre Skipton et Hull le 20 juillet dernier.
Admirez surtout les beaux gros nuages aux nuances variées de gris 😉

Le bilan du 20

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Lui, c’est André. Sous la tignasse sombre, les sourcils froncés et l’air buté, se cache un regard bleu qu’on est toujours surpris de découvrir.

Il a vingt ans tout juste en juillet 1945 et des tonnes d’ambition. Il est celui qui transgresse. Celui qui fait fi des frayeurs du père. C’est pourtant grâce au père qu’il est encore en vie.

L’été de 1944 ses amis résistants ont tous étés tués dans un guet-apens à la ferme Miclotte. Trop jeunes, trop fous, trop inexpérimentés et se croyant invincibles, à l’approche des libérateurs et voulant tellement faire leur coup d’éclat, eux aussi. Mais pour l’empêcher d’aller à ce rendez-vous fatal, le père l’a enfermé. Il ne lui en est même pas reconnaissant. Il veut en découdre.

Alors en septembre, quand passent les libérateurs dans sa petite ville, il s’engage dans la brigade Piron. Le père a beau tempêter, cette fois il est mis devant le fait accompli. Il ne revoit son fils qu’un an plus tard. Il a enfin pu en découdre. Il a suivi la brigade jusqu’au bout, jusqu’à Arnhem. Huit mois de combats. Puis le 18 avril 1945, fin de partie.

André a vingt ans tout juste en juillet 1945 et des tonnes d’ambition. Prêt à en découdre avec la vie.

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carte en provenance du site de la brigade Piron où on voit les mouvements du 3e bataillon entre le 4 et le 18 avril 45.

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tableau et consigne chez Lakévio, que je remercie: parce que c’est l’anniversaire du Fils, je vous propose d’écrire à propos d’un des jeunes hommes peints par Michael Carson.

Le bilan du 20

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Saint-Clair, bientôt! On en apercevait déjà le clocher, il était temps de sortir de sa torpeur, remettre un peu d’ordre dans sa coiffure, retoucher son maquillage, avant d’affronter le regard de sa belle-mère. Anne de la Trave, si fière de son nom, de ses hectares de rochers et de son fils. dans cet ordre-là. En elle-même, Thérèse ne l’appelait que par son nom complet, Anne de la Trave, par dérision. Sa présence était lourde à porter, au quotidien, et la jeune femme n’avait eu que trois semaines de répit, trois semaines à jouir de l’absence de sa belle-mère.

L’étrange est que Thérèse ne se souvient des jours qui suivirent le départ d’Anne de la Trave que comme d’une époque de torpeur. Un vide, comme la convalescence après une grave maladie. Elle en avait profité pour faire ce qu’elle aimait par-dessus tout depuis qu’elle était à Argelouse: rien. Traînasser. Fumer des cigarettes. Feuilleter des magazines. Se coucher tôt et se lever tard. Son mari était loin du compagnon agréable des vacances à la plage. Il se plaignait constamment de maux divers et avait finalement accepté de voir un médecin.

Bernard, sur le seuil, guettait le retour de Thérèse: « Je n’ai rien! » cria-t-il, dès qu’il aperçut sa robe dans l’ombre. Evidemment qu’il n’avait rien, elle le savait bien. Mais il fallait montrer de la joie et du soulagement. Elle se demanda si elle n’aurait pas préféré que le docteur lui ait trouvé quelque chose mais décida que non, un diagnostic différent aurait permis à Bernard de geindre toute la journée et de délaisser complètement sa maigre pratique.

Saint-Clair, enfin. Ce bout du monde où elle s’est enterrée à vingt ans et dont elle se demande quand et comment elle en sortira.

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Ecrit d’après cette consigne de Joe Krapov, que je remercie, avec les incipits des quatre chapitres suivants du livre de Mauriac dont il était déjà question hier 🙂

Photo de Kai Pilger sur Pexels.com

22 rencontres (17 bis)

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Maintenant que les pharmacies vous offrent une carte de fidélité comme un vulgaire magasin à grande surface, que tous vos précédents achats se retrouvent répertoriés dans leur ordi ainsi que vos données personnelles les plus intimes, vous vous demandez si vous avez bien le droit de changer de fournisseur de pilules. 

Parce qu’au départ, il y a bien longtemps, vous aviez choisi le lieu pour sa pharmacienne, qui était une toute jeune ancienne élève venant de s’installer. Vous vous disiez qu’il fallait encourager les jeunes, surtout si c’étaient des anciens élèves, et vous y êtes devenue cliente. Non pas une de ces clientes qui rapportent gros, même si vele kleintjes maken een groot – et c’est évidemment tant mieux pour vous.

Au fil de quelques années, la pharmacie est passée de mains en mains et Madame ne sait plus très bien pourquoi elle y reste fidèle, alors qu’une demi-douzaine d’autres dans sa ville sont désormais tenues par des anciens élèves.

Alors mercredi dernier, Madame a poussé une porte différente et offert sa mince clientèle à A* et S*, les plus charmantes pharmaciennes du pays 🙂

Et croyez-le: ça fait du bien de retrouver leur sourire 🙂

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vele kleintjes maken een groot, littéralement ‘beaucoup de petits font un grand’, l’équivalent des petits ruisseaux qui font les grandes rivières.

20 miracles de la nature (3 bis)

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Bien sûr, il y a ce petit miracle annuel des premiers chants d’oiseaux, des premières fleurs, des bulbeuses qui sortent de terre ou des bourgeons qui grossissent.

Mais dans ce qui était – il y a quatre ans – le potager de l’Adrienne, des légumes continuent de germer et de pousser sans qu’une main humaine ne s’en soit occupée.

Il a suffi de laisser monter en graines quelques oignons, plants de mâche ou de roquette, et ils reviennent fidèlement pendant les trois années suivantes. 

Ce qui n’empêche pas vos voisins de croire que vous avez un jardin « de mauvaises herbes » 😉