Voilà des années déjà que nos étudiants universitaires comme non-universitaires subissent deux sessions d’examens au lieu d’une seule, comme à l’époque lointaine de Madame, où tout se jouait en juin.
Désormais on peut stresser aussi en janvier, et passer ses vacances de Noël à étudier 😉
C’est ce qu’ont fait Hajar et Nabila, étudier, étudier, réviser, puisque toutes les deux ont rendu Madame très heureuse en lui annonçant leur réussite totale, pour Hajar en sciences économiques et pour Nabila comme future institutrice en maternelle.
– Il faut qu’on fête ça! a dit Madame à Hajar.
Et c’est toute sautillante que Madame marchait à ses côtés alors elle a ajouté:
– Tu vois? Grâce à toi, je suis sur mon petit nuage 🙂
« J’ai vécu jusqu’à mes dix-huit ans dans un petit village d’Ardenne où mon imagination se trouve encore. Que je le veuille ou non, tout ce que j’écris vient de là: des quelques mètres carrés du hangar à poules de Papou, de l’odeur des fraises qu’il cultivait derrière l’église, face aux collines de Hoyemont, au-dessus de l’Ourthe et de l’Amblève, […] des bêtes sachant d’instinct trouver le bonheur, des machines agricoles défoncées par l’usage, dans le purin. »
Antoine Wauters, Le plus court chemin, éd. Verdier, 2023, p.9 (incipit)
« Je ne crois pas en la prédestination. L’idée ne me plaît pas. Mais j’ai tout de même parfois l’impression que certains d’entre nous ne peuvent pas faire autre chose que ce qu’ils font. Comme si c’était écrit. Bien que cela ne le soit pas. »
idem, p.31
« Et plus tard, les livres, la ville, les films. Et ces centaines de voix nouvelles glanées au musée du Cinéma, chez Tropismes, à la bibliothèque de l’université, partout, comme un dingue. Je lis et regarde tout ce que l’enfance n’a pu me donner. A la bibliothèque, ce sentiment étrange: je me sens chez moi. Je me sens bien. L’odeur du papier me parle. C’est la voix du souvenir. »
idem, p.35
« Une vie placée sous le signe d’un Dieu représenté par des curés, omnipotents et profiteurs, qui mangeaient indifféremment sur le dos des morts, des jeunes mariés, des communiants, des baptisés. Et des morts et des morts encore. Une vie placée sous le signe d’une nature immense, de kermesses à répétition, d’alcool et de ce bienheureux ennui dont je me sens si souvent orphelin aujourd’hui. »
idem, p.41
« Dans ce royaume des doux, le périmètre de la culture, c’était le dictionnaire Larousse, qui était le seul à répondre aux questions qu’on se posait. Pas d’ordinateurs. Pas de téléphones savants. On se débrouillait comme on pouvait. […] On usait nos habits jusqu’à la corde et, une fois anéantis, on les voyait se transformer en loques à poussière. »
idem, p.71
« De Mémé, j’aurais aimé conserver la statuette de saint Antoine. Je la lui avais ramenée de mon Erasmus à Padoue. Saint Antoine était son saint préféré, au point que je la soupçonne d’avoir égaré des objets exprès, pour pouvoir le prier davantage. Quand il ne l’aidait pas, Mémé tournait la statuette, face au mur, de manière à n’en voir que le dos. Elle ne voulait plus en entendre parler. Jusqu’à ce qu’elle remette la main sur ce qu’elle cherchait. »
idem, p.84
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Et p.59, l’explication du titre:
« Puis un matin, écrit Joan Didion, j’ouvrirai simplement mon carnet et tout sera là, compte épargne oublié avec les intérêts cumulés. Péage de retour vers le monde d’alors. Tout reviendra. » L’écriture comme un raccourci. Oui. L’écriture comme le plus court chemin.
La souquenille, lit-on dans le Larousse en ligne, vient de l’ancien français souquanie, issu d’un mot du moyen haut allemand sukenîe, qui est lui-même un mot d’origine slave. Il s’agit d’une longue blouse, en grosse toile, que portaient les cochers ou les palefreniers aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Il n’en faut pas plus à l’Adrienne pour repenser à l’été 1990, quand en apprenant ses premiers rudiments de roumain, une langue romane, elle s’étonne que ‘ami’ se dise ‘prieten‘.
Origine slave, oui.
Mais en général on reconnaît la racine latine, cheval est cal et parapluie umbrella, heureusement d’ailleurs, sinon la conversation avec l’adorable Mamaie serait impossible.
Parfum se dit parfum et tubéreuse tuberoza, on a bien compris que Mamaie a été une jeune fille heureuse, comblée, dans les années 1930, quand Bucarest était un « petit Paris« .
Un après-midi, Mamaie et une autre vieille dame sont en train de chuchoter comme des conspiratrices, assises dans le coin de la pièce où il y a la petite table ronde.
– C’est typique des vieilles dames de chez nous, explique son petit-fils, elles sont tout le temps à se chuchoter des secrets comme des gamines de quinze ans.
Et c’est vrai qu’elles ont l’air de bien s’amuser toutes les deux, à rigoler devant une tasse de café vide.
– Ma mère a invité son amie pour qu’elle lui lise l’avenir dans le marc de café, dit Violeta. Elle le fait très bien!
Il faut pour cela faire du café ‘comme là-bas’, c’est-à-dire du café turc, qui en Roumanie ne s’appelle évidemment pas turc, en boire une tasse puis la retourner sur la soucoupe.
La ‘lectrice’ de marc de café la prend alors en mains pour observer les traces laissées par le café et le marc dans la tasse.
– Et qu’est-ce qu’elle a prédit? demande l’Adrienne. – Oh! ça! Mamaie ne le dira pas! ça restera entre elles!
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Photo du bloc H 3 escalier C – non, visiblement on n’est pas à Vierzon mais en Roumanie à l’été 1990.
Et pendant ce temps-là, les pingouins, que faisaient-ils?
Ils riaient aussi, ce qu’ils n’auraient pas fait si on leur avait lu l’avenir dans le marc de café…
Tout ça tout ça, ce n’est pas de la fiction et c’est pour répondre aux consignes de l’Agenda ironique de novembre chez Carnets paresseux, merci à lui!
– C’est quoi ta couleur préférée? demande Alexandra. – Pour mes vêtements, c’est le rouge, répond Madame.
Preuve à l’appui: ce jour-là, son pull (photo ci-dessus) était rouge. La semaine d’après, c’étaient ses chaussettes. Ou alors la blouse à pois (photo ci-dessous)
Mais la chose la plus importante, à propos de rouge, c’est ce qui peut se fêter aujourd’hui même: Madame est à mi-chemin du remboursement de son prêt hypothécaire pour l’achat de sa maison.
Dix ans en ce 20 juin qu’elle a signé.
Toute seule comme une grande 😉
Dans dix ans, chaque centimètre carré de son logis avec jardinet sera vraiment à elle 🙂
Si elle vit encore, évidemment.
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écrit pour le Défi du 20 chez Passiflore – merci à elle! – qui proposait pour ce 20 juin, vous l’avez deviné: ROUGE!
« Moi je dors avec nounours dans mes bras », chante la petite qui serre très fort contre elle la peluche plus grosse qu’elle. « Le matin, c’est moi qui le réveille », dit la chanson, et c’est tellement vrai. « Je l’aime autant que maman et papa. Moi je dors avec nounours dans mes bras » – Ah non! dit la mère. Ce n’est pas bien! On ne peut pas aimer un ours en peluche comme on aime ses parents! Non! ce n’est pas bien! La petite est tout étonnée. Ne se rendait pas compte du mal qu’elle faisait. Un gros péché, sûrement. Puis la mère a donné le nounours à dépecer au petit frère. Mais même sans les yeux et avec un bras démis, la petite l’aimait encore. Alors la mère l’a jeté à la poubelle.
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écrit pour Lali, merci à elle pour l’illustration et la consigne En vos mots 766.
Des papas, des mamans, des enfants, massés à côté du bus qui devait emmener les petits prendre le bon air de la campagne.
Deux hommes montaient les bagages sur le toit, et sur les gravillons de la cour, ça jacassait, ça pépiait, ça trépignait, ça y allait des dernières recommandations sur le chaud, le froid, le boire et le manger… quand tout à coup on entendit des « Zut! zut! » et on vit courir Marie-Thérèse en direction de sa maison.
Au lieu de prendre la valise du petit, elle avait pris son cartable.
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source ici, le non-devoir de Monsieur le Goût, parti aux colonies ce lundi.
Qui d’autre que l’Adrienne, dans sa ville au passé presque entièrement voué au textile, et dont l’arbre généalogique ne mentionne que des tisserands, ourdisseuses, fabricants de flanelle, bobineuses, ouvriers teinturiers et autres apprêteurs, qui d’autre donc pourrait traverser la ville à pied un dimanche matin avec sous le bras sept kilos de coton à petits carreaux bleus et dans la main un gros paquet de toile de lin beige?
Tout en marchant, elle se demande deux choses: d’abord, ce qu’elle en fera; ensuite, d’où sa mère continue à sortir ces kilos de textile divers…
Mais bien sûr, quand on est la petite-fille d’une couturière, on ne refuse pas un ’bout de tissu’ et on se dit que ça pourra sans doute servir un jour…
D’ailleurs, dès l’après-midi elle taille des rideaux dans la toile beige et des draps dans le coton bleu à rayures, trimbalé de la même façon plus tôt dans la semaine 😉
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photo déjà mise sur ce blog, avec une des cheminées d’usine de la ville, vestiges de son passé industriel
Atavique: qui se transmet par atavisme, « Transmission continue, de génération en génération, des caractères héréditaires, physiques ou moraux » (source CNRTL)
– Alors? dit la mère de l’Adrienne, à peine leur improbable trio était-il monté dans le train du retour vers Hull. Alors? tes activités sont déjà planifiées, pour le mois de septembre?
Mes activités pour septembre, se dit l’Adrienne interloquée. Quand on n’est que le 20 juillet et qu’on rentre de vacances dans le Yorkshire? Était-elle supposée régler ça depuis Skipton?
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Vendredi dernier, l’Adrienne téléphone à sa mère. La semaine a été caniculaire, mais la mère de l’Adrienne refuse d’ouvrir une fenêtre du côté de la rue, en matinée ou en soirée. Ça ferait entrer des poussières. Au troisième étage.
Elle refuse aussi de se tenir tranquille aux heures les plus chaudes: elle sort pour ses promenades entre 13.30 h. et 16.30 h., point barre.
– Alors? lui dit-elle au téléphone, tu as géré ton mois d’août?
– Gérer mon mois d’août? répond l’Adrienne. Qu’est-ce que ça veut dire?
– Et bien ça veut dire profiter de tes vacances!
Décidément, l’Adrienne et sa mère ont des vues très opposées.
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Photo prise du train entre Skipton et Hull le 20 juillet dernier.
Admirez surtout les beaux gros nuages aux nuances variées de gris 😉