C comme coumarine

Voici mes réponses aux questions de Coumarine, qui prépare un second ouvrage sur les blogs. Coumarine a déjà écrit un premier livre sur le sujet, Tout d’un blog Éd. CouleurLivres, mars 2008 et son blog est ici:
http://coumarine.blogspot.com.

Vos questions m’ont interpellée parce qu’elles rejoignent un souci constant de ma part. J’avais bien réfléchi à tout ça déjà avant de me lancer avec mon propre blog…

– vous est-il arrivé de vous faire taper sur les doigts par quelqu’un que vous connaissez suite à ce que vous avez écrit sur votre blog? Quelqu’un qui vous reproche d’avoir parlé de lui par exemple? (quid des photos aussi?)

Quand j’ai commencé ce blog, j’ai décidé (1) qu’il serait le plus anonyme possible et (2) que je n’en parlerais à personne de mon entourage. Et (3): je ne voulais pas non plus en faire un journal intime.

Premier point : l’anonymat. Maintenant que mon blog a deux ans et qu’il est de plus en plus lu, je constate que le risque d’être « découverte » est très réel. J’ai toujours soigneusement évité les noms de lieux et de gens : je respecte aussi l’anonymat de ceux dont je parle. Mais un jour j’ai commis l’erreur de mettre le prénom et le nom d’un de mes anciens élèves, un jeune homme mort d’un cancer. Ce qui fait qu’en « googlant » son nom, des gens sont arrivés chez moi… Or, je crains par-dessus tout que mon blog soit découvert par des collègues ou des élèves. Non pas que je dise des choses irrespectueuses sur eux, mais tout simplement parce que je tiens à ce que mon blog reste un lieu personnel (voir le deuxième point). Je fais très attention aussi aux photos, je ne montre pas les gens, je ne montre pas de photos de mon école, de ma ville etc. Mais en mettant des photos du coin de nature où je vis j’ai constaté qu’un de mes visiteurs avait deviné l’endroit… Danger donc, là aussi !

Deuxième point : lieu personnel, donc journal intime quand même ? Je ne voulais pas qu’il soit un journal intime mais je constate qu’il l’est dans une large mesure. Il m’arrive de le regretter, mais je ne peux faire autrement : je parle beaucoup de moi. Ma vie, ma famille, mes amis, mon métier de prof, mes voyages… et mes états d’âme. Sur ce point aussi, je pratique beaucoup l’autocensure !

Troisième point : mon entourage. Vu ce souci d’anonymat, je n’ai parlé à personne de mes proches de ce blog. Puis, au bout d’un an environ, j’ai commencé à mettre au courant deux ou trois amies qui habitent très loin (Roumanie, Angleterre, Espagne) car j’y voyais un moyen de garder le contact. L’amie roumaine et l’Anglaise ne viennent quasiment jamais et l’amie espagnole ne met jamais de commentaire. J’ai aussi une amie française qui a un blog et je lui ai fait découvrir l’existence du mien en mettant des commentaires chez elle 😉
Elles sont les seules à savoir !

Dernièrement, j’ai eu un commentaire mécontent d’une dame dont j’évoquais le nom dans ma rubrique sur les aptonymes. Elle n’a pas apprécié et a cru que je me moquais de son nom. C’est une chose qui m’incite à encore plus de vigilance mais c’est la seule réaction un peu négative que j’aie jamais eue. Je lui ai répondu, me suis expliquée et excusée.

– gardez-vous farouchement votre anonymat pour vous sentir libre d’écrire comme vous en ressentez le besoin? Ou comme vous aimez le faire?

Oui, l’anonymat est une garantie de
liberté. Je ne me vois pas paraître devant mes élèves chaque matin en me demandant lesquels d’entre eux ont lu mes billets…

– vous est-il arrivé de supprimer après publication un billet qu’après réflexion vous avez jugé trop intime, trop personnel? (par honte, gêne, peur du jugement, de briser votre « image »)

Un jour j’avais préparé un billet sur ma mère qui disait vraiment de quoi il retournait. Mais finalement je ne l’ai pas publié. Pas par honte, gêne, peur du jugement, de briser mon « image » mais parce que je ne voudrais pas que quelqu’un qui la connaît le lise. Je reste prudente. Autocensure, oui, constamment je pèse le pour et le contre.

– vous freinez-vous dans ce que vous avez envie de raconter? Cela concerne-t-il vos enfants, votre couple? Ou bien plutôt vous et ce que vous vivez, mais que vous considérez comme « indicible », inracontable?

Je n’ai pas d’enfants donc ce problème ne se pose pas. J’ai un frère mais je ne parle pour ainsi dire jamais de lui, par choix délibéré. Il se peut que je change un jour d’avis à ce propos. Je parle un peu de mon ex-mari, une petite touche ici et là, mais ce n’est pas pour le dénigrer. Les seuls membres de ma famille dont je parle (à part ma mère) sont décédés : mon père, mes grands-parents. Je ne raconte que ce qui entre dans la ligne de mon blog : des anecdotes, des souvenirs, des pensées. Je ne raconte pas ma vie dans ce sens que je ne dis pas au jour le jour tout ce que je fais ou vis.
J’évite de raconter la vie des autres ou de faire de l’humour aux dépens des autres.

– vous est-il arrivé de raconter des choses de vous, soit par le biais de l’écriture « automatique » (dont vous êtes donc seul(e) à connaître la clé?) Soit pas le biais de la fiction, du récit?

Ce que je raconte est assez scrupuleusement vrai, même dans les dates et les détails. Mais je travaille la forme (le souci du mot juste, de la formulation) et je cultive la « distanciation », j’essaie de raconter avec un peu d’humour.

– êtes-vous touché(e) en profondeur quand vous lisez un billet dans lequel l’auteur se dévoile? Ou au contraire mal à l’aise, jugeant que c’est de l’exhibitionnisme?

Ça me touche, bien sûr, et très fort la plupart du temps! Mais souvent je me demande si ça ne se retourne pas contre eux. Rares sont les gens, je pense, dont personne dans leur entourage n’a connaissance de leur blog, comme c’est mon cas. Je me demande toujours comment leur entourage réagit à certaines choses qu’ils écrivent…

Mon moi intime n’est pas sur mon blog. J’ai des amies avec qui je peux en parler en face à face.

-autres considérations auxquelles vous pensez?

Ces derniers mois, il y a des échanges de visites et de commentaires entre mon blog et quelques autres. Ça donne vraiment l’impression de se connaître et de nouer des liens d’amitié. Aussi, j’ai de plus en plus envie de rencontrer certaines personnes « en vrai ».

En même temps, j’ai l’impression de me dévoiler : des lecteurs assidus ou qui prennent la peine de tout lire depuis le début (il y en a !) doivent avoir, à mon avis, une image assez précise de qui je suis, de mon vécu, de mes goûts… Aussi longtemps que mon blog était « jeune » et que je n’avais que des visiteurs rares et irréguliers, et quasiment aucun commentaire, j’avais l’impression d’écrire plus librement. Tandis que maintenant, j’ai l’impression de connaître un peu mon public, de ressentir certaines attentes de sa part et peut-être d’écrire en tenant compte de cette connaissance que j’ai de mon public.

Un exemple : je me suis dit l’autre jour qu’il y avait longtemps que je n’avais plus écrit de billet avec une « chute » rigolote. C’est une pensée qui m’est venue parce qu’une de mes lectrices avait écrit une fois ou deux qu’elle appréciait ce style, avec une chute rigolote…

Publié dans C

5 commentaires sur « C comme coumarine »

  1. Je n’ai pas répondu aux questions de Coum. Je vois que cela n’aurait pas servi à grand-chose, vous avez tout dit. Je comprends qu’elle ait eu de la matière pour sa retraite à Orval !
    Quelle recherche dans votre analyse et quelle précision dans la formulation de vos conclusions.
    Et vous vous étonnez que certains lisent tout votre blog ? J’y ai pris à la fois un grand intérêt et un énorme plaisir.

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