Qu’est-ce qui t’a pris de nous faire faux bond dimanche dernier, le temps était parfait, la compagnie était parfaite et une de ces dames n’a pas manqué de s’inquiéter de ton absence!
Je lui ai raconté je ne sais plus quelle faribole, tu seras bien bon de ne pas me désavouer si elle t’en parle.
Et tu seras bien bon aussi de venir nous rejoindre dimanche prochain, sans faute!
Car les masses s’impatientent et murmurent et attendent une réponse immédiate à cette importante question: où est Pinchon?
Mon cher vieux Prunier
Je travaillais, figure-toi, à ta gloire et à la mienne, je suis allé montrer le papier que j’avais écrit sur toi, ce sera publié un de ces jours, m’a-t-on promis!
J’ai rencontré ta Princesse au parc, mais elle ne m’a pas même remarqué, elle n’avait d’yeux que pour un fringant militaire.
C’est l’été de 1930. Adrienne et son amie Rachel sont de toutes jeunes mariées que leurs époux ont décidé d’emmener à Knokke-le-Zoute par un beau dimanche de juillet.
Adrienne, qui fait toujours bien attention à rester élégante, ne s’est encore jamais mise en maillot. C’est Rachel qui l’a convaincue: la mer, le sable, le vent dans les cheveux, tu seras surprise toi-même comme la baignade est agréable et bienfaisante!
Adrienne riait: Rachel ne tenait toute cette science que grâce aux magazines féminins dans lesquels sa patronne trouvait des modèles de vêtements.
Cependant, la curiosité, le désir de la découverte, la chaleur de ce mois de juillet aussi, sans doute, l’avaient emporté sur la peur de dévoiler ses jambes, qu’elle avait pourtant fort belles, et elle le savait.
C’est ainsi qu’Adrienne a entendu pour la première fois le cri des mouettes et que ses yeux ont pu jouer l’indiscrétion en toute impunité: il n’y avait pas, sur la plage de Knokke-le-Zoute, que de vieux messieurs ventripotents 😉
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Merci à Monsieur le Goût pour son 186e devoir avec le tableau ci-dessus et dix mots imposés: ventripotent – curiosité – indiscrétion – sable – vent – attention – surprise – cri – maillot – découverte
Ma pauvre chérie ! Tu es vraiment la reine des pommes ! C’est tout de même pas si compliqué de passer un coup de fil, hein ?
Bon, ne nous énervons pas : écoute, regarde… et apprends !
Drrrrring Drrrrring Drrrrring
Bonjour ! Vous êtes en communication avec le secrétariat médical Le Pavé brûle. Toutes nos lignes sont occupées pour l’instant. Notre personnel fait tout ce qu’il peut pour vous aider. Merci de bien vouloir patienter. Goeiendag ! U bent verbonden met het medisch secretariaat De straatsteen brandt. Al onze lijnen zijn momenteel bezet. Ons personeel stelt alles in het werk om u te helpen. Dank voor uw geduld. Bonjour ! Vous êtes en communication avec le secrétariat médical Le Pavé brûle. Toutes nos lignes sont occupées pour l’instant. Notre personnel fait tout ce qu’il peut pour vous aider. Merci de bien vouloir patienter. Goeiendag ! U bent verbonden met het medisch secretariaat De straatsteen brandt. Al onze lijnen zijn momenteel bezet. Ons personeel stelt alles in het werk om u te helpen. Dank voor uw geduld. Bonjour ! Vous êtes en communication avec le secrétariat médical Le Pavé brûle. Toutes nos lignes sont occupées pour l’instant. Notre personnel fait tout ce qu’il peut pour vous aider. Merci de bien vouloir patienter. Goeiendag ! U bent verbonden met het medisch secretariaat De straatsteen brandt. Al onze lijnen zijn momenteel bezet. Ons personeel stelt alles in het werk om u te helpen. Dank voor uw geduld.
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Si un jour vous avez pensé « Ça n’arrive qu’à moi ! » Si on a déjà retrouvé votre téléphone en pièces détachées Si parfois vous avez eu envie de vous rouler par terre en hurlant « Pourquoi moi ? » Si vous avez hésité entre « On décime » et « On suicide » Si vous avez envisagé de le dire avec des pruneaux Si vous avez souhaité des refroidissements définitifs…
pensez à un scénario de film noir: demandez-vous pourquoi on n’y tombe jamais sur ce genre de machine et imaginez que ce soit le cas.
Faites-moi confiance, ça va vous changer la vie 😉
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Merci à Joe Krapov pour l’illustration et les consignes!
Les 10 expressions utilisées sont Ça n’arrive qu’à moi – Dites-le avec des pruneaux – En pièces détachées – Faites-moi confiance – La Reine des pommes – Le Pavé brûle – Ne nous énervons pas – On décime – On suicide – Pourquoi moi ? – Refroidissements (bon en fait ça fait onze ;-))
Il est temps, s’était dit l’Adrienne, de retourner au musée de Cluny, vu que la seule et unique fois où elle l’a vu, c’était lors de sa première visite à Paris: elle était encore étudiante.
C’est probablement pour ça qu’elle n’a reconnu que l’extérieur du bâtiment: dedans, tout est différent, et on le comprend en regardant la vidéo ci-dessus, il y a eu des travaux, des remaniements, tout un chamboulement.
Pour un résultat magnifique!
Si vous voulez une photo d’Adam, de la voûte de la chapelle, d’un Christ monté sur un âne, des couronnes de Wisigoths d’Espagne, de têtes d’ange ou de rois… il n’y a qu’à demander 🙂
Vous l’aurez deviné, Petit Frère, qui a dans son sous-sol un grand mur recouvert d’étagères avec une immense collection de bandes dessinées, s’est acheté le dernier Astérix et – ça aussi vous l’aurez deviné – l’Adrienne s’est empressée de le lire.
Elle n’avait pas vraiment fait attention au nom du scénariste et c’est donc par le plus grand des hasards qu’elle s’était acheté son dernier livre, Samouraï (Gallimard 2022, paru en Folio en 2023), à la gare de Lyon, vu qu’elle avait déjà lu tout ce qu’elle avait emporté.
Mais ce que ni vous ni l’Adrienne ne saviez avant ce jour, c’est à quel point Fabrice Caro (photo) ressemble au Petit Frère 😉
La boucle d’oreille, le visage émacié, la barbe de trois jours, grisonnante, le look T-shirt ou marinière, tout y est.
Sauf que les sourcils du Petit Frère sont roux 😉
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Pour feuilleter Samouraï (lire jusqu’à la page 23) c’est ici.
Le père, on l’a déjà dit, était adolescent au sortir de la guerre, ce qui explique son amour pour la musique américaine de ces années-là.
Si chez le grand-père on chantait Rina Ketty et Maurice Chevalier-Prosper-yoplaboum, avec le père on écoutait l’orchestre de Tommy Dorsey ou de Glenn Miller et les vedettes américaines qui chantaient aussi à l’écran, comme Bing Crosby et les Andrews Sisters.
Une brune, une blonde et une rousse, exactement comme le trio que l’Adrienne est allée voir en concert dans sa ville dimanche dernier, et qui n’a chanté que des morceaux des années 1950: toute la jeunesse du père a défilé et l’Adrienne est rentrée très émue et très contente, en chantant et en dansant le calypso 😉
D’abord, parce que le début de l’automne marque son anniversaire, il est né un 23 septembre.
Ensuite, parce que c’est la fin de la saison touristique, qu’on se retrouve un peu entre soi et qu’on n’a plus de ces journées de douze heures à fournir. Souvent même plus.
Et puis les automnes sont beaux. Ils sont doux, lumineux, colorés. On respire.
Cette année, il a attendu l’automne avec encore plus d’impatience: c’est le 23, le jour de son anniversaire, qu’est fixée la date de son mariage avec Jeanne.
Alors vous pensez bien qu’il a autre chose à faire qu’écouter la radio.
Autre chose en tête les jours suivants, quand il a emmené Jeanne en voyage de noces en Italie, que de suivre l’actualité.
Mais pendant ces quelques semaines, les événements se sont précipités et là-bas, à Ostende, une convocation est arrivée. Il est mobilisé. Les gendarmes sont même venus le chercher, puisqu’il ne répondait pas à l’appel.
– Mon fils n’est pas un déserteur! a tempêté sa mère. Il est en voyage de noces et je n’ai pas son adresse!
Elle mentait, bien sûr: bon fils, il lui avait donné la liste de toutes leurs étapes et les coordonnées de tous les hôtels 🙂
Mais que n’aurait-elle pas fait pour lui laisser ce sursis!
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La photo proposée par Monsieur le Goût pour son 169e devoir m’a rappelé cette anecdote de mes beaux-parents, vieille de 85 ans cette année.
En ce temps de vacances, l’Adrienne entend parler les uns et les autres de leur destination alors comme une amie évoquait le voyage en Finlande de sa fille, elle a voulu savoir où exactement, comme si elle connaissait ce pays de bout en bout.
Vous voyez Chien Parfait, là, à qui on a demandé de prendre la pose pour la photo?
C’est grâce à lui que le voyage en Finlande s’est fait, dans les années nonante.
Dans ce camping, où en route pour la première rencontre avec les amis roumains, ils n’ont passé qu’une seule nuit, Chien Parfait a fait la conquête de Ralf et Pirkko, qui l’ont invité à venir les voir en Finlande. Offrant du même coup des vacances merveilleuses à ses deux accompagnateurs, dans le golfe de Botnie.
Donc en entendant parler de voyage en Finlande, l’Adrienne a eu envie de ressortir l’album photo de l’époque.
Direction le grenier, avec son échelle de meunier dont elle a failli tomber – qui donc va sur ce genre d’échelle avec des tongs aux pieds?
Le lendemain, c’est Monsieur Filleul qui lui annonce qu’il a enfin un peu de vacances mais qu’ils resteront chez eux. Ils ont juste prévu des excursions dans le coin, il y a tellement de jolis endroits qu’ils n’ont jamais visités.
C’est vrai! dit l’Adrienne, qui le sait bien, puisqu’au moment où elle a fait la connaissance de la famille de sa future-belle-sœur, ainsi que les deux ou trois fois où elle y est retournée, elle a eu l’occasion de bien visiter la région.
– Si tu veux je te dis tout ce qu’on a vu de beau? Je vais chercher les albums photos!
Monsieur Filleul trouve l’idée « cool » et revoilà l’Adrienne sur son échelle de meunier, hier matin.
En tongs.
Heureusement elle est encore là pour vous en parler 🙂
– C’est pour les protéger des oiseaux? demande l’Adrienne à un gentil monsieur qui jardine en bord de trottoir et a tendu un grand filet de plastique vert au-dessus de la planche potagère.
– Non, c’est contre les papillons.
« Koolwitje« , il a dit, ce petit papillon blanc dont les chenilles sont friandes de nos choux.
– Il vous a fallu combien de temps pour avoir un arbre comme ça? demande une jeune femme qui passe pendant l’arrosage vespéral des tomates et des haricots.
Elle montrait le figuier, bien sûr, qui malgré des coupes sévères l’hiver dernier a de nouveau tout envahi.
– Je traverse toujours spécialement pour venir de ce côté, et avoir sa bonne odeur, dit-elle encore.
Et l’Adrienne est tout heureuse de rencontrer enfin quelqu’un qui apprécie sa façon de jardiner 😉
– Comment vont tes tomates? l’apostrophe le vieux monsieur à barbe grise, samedi dernier.
Question inutile parce qu’il les surveille quotidiennement, quand il va promener son petit chien et fait le tour du bloc.
– Elles n’ont pas encore la maladie?
« De plaag« , il a dit, c’est comme ça que chez nous les jardiniers appellent le mildiou.
Il est persuadé que les trois plants de tomates vont pourrir faute d’abri au-dessus de leur tête.
Pourtant avec cette canicule et ce manque d’eau, le risque n’est pas pour tout de suite.
Alors l’Adrienne lui répond en riant:
– Pas encore! Mais vers le mois d’août, peut-être bien!