K comme Kroniek

Une autre lecture qui avait été conseillée à cette fameuse cinq-centième de la TGL dont il était question hier, c’est L’Intranquillité de Pessoa mais à sa bibliothèque communale, l’Adrienne a trouvé le livre ci-dessus et rien ne pouvait mieux lui convenir que ce titre qui parle du temps qui passe 😉 et qui commence par un point commun qu’elle a avec l’auteur – et qu’ont de nombreux enfants, probablement – faut juste espérer que ça s’arrête là, les points communs, parce que le type était quand même assez fou.
Plus fou que l’Adrienne, ose-t-elle penser!

Ik heb van kleins af aan de behoefte gehad mijn wereld te verrijken met fictieve persoonlijkheden, zorgvuldig door mij geconstrueerde dromen die met een fotografische helderheid voor mijn geestesoog verschenen en door mij tot in het diepst van hun ziel begrepen werden. Toen ik nog maar vijf jaar oud was – een eenzaam maar niet ongelukkig kind – kreeg ik al gezelschap van figuren uit mijn dromen: een Kapitein Thibeaut, een Chevalier de Pas en anderen die ik nu vergeten ben. Ik herinner me ze vaag of helemaal niet meer, hetgeen tot de dingen in mijn leven behoort die ik het meest betreur.

Fernando Pessoa, Kroniek van een leven dat voorbijgaat, Van Oorschot, Amsterdam, 2020, p.7 (incipit) – ou ‘chronique d’une vie qui passe’, textes rassemblés et traduits par Michaël Stoker.

Tout petit déjà j’avais besoin d’enrichir mon univers de personnages fictifs, de rêves soigneusement construits que je voyais aussi nettement que des photos et que je comprenais du fond de l’âme. Je n’avais que cinq ans – un enfant solitaire mais pas malheureux – quand j’avais déjà la compagnie des figures nées de mon imagination: un Capitaine Thibeaut, un Chevalier de Pas et d’autres que j’ai oubliés. Je m’en souviens vaguement ou pas du tout, ce qui est une des choses de ma vie que je regrette le plus. (traduction de l’Adrienne)

24 commentaires sur « K comme Kroniek »

  1. Je n’ai pas lu celui-ci, mais te recommande moi aussi le livre de l’intranquillité.

    Contrairement à lui, ne t’en fais pas, tu circules dans le monde au-delà de ton quartier!!!!
    Bonne journée.

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      1. L’intranquillité, ça commence comme ça, j’ai pas le temps de poursuivre, je dois faire courir le chien qui…

        14 mars 1916
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        Je vous écris aujourd’hui, poussé par un besoin sentimental — un désir aigu et douloureux de vous
        parler. Comme on peut le déduire facilement, je n’ai rien à vous dire. Seulement ceci — que je me trouve
        aujourd’hui au fond d’une dépression sans fond. L’absurdité de l’expression parlera pour moi.
        Je suis dans un de ces jours où je n’ai jamais eu d’avenir. Il n’y a qu’un présent immobile, encerclé
        d’un mur d’angoisse. La rive d’en face du fleuve n’est jamais, puisqu’elle se trouve en face, la rive de ce
        côté-ci ; c’est là toute la raison de mes souffrances. Il est des bateaux qui aborderont à bien des ports,
        mais aucun n’abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n’est pas de quai où l’on puisse
        oublier. Tout cela s’est passé voici bien longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne encore.
        En ces jours de l’âme comme celui que je vis aujourd’hui, je sens, avec toute la conscience de mon
        corps, combien je suis l’enfant douloureux malmené par la vie. On m’a mis dans un coin, d’où j’entends
        les autres jouer. Je sens dans mes mains le jouet cassé qu’on m’a donné, avec une ironie dérisoire.
        Aujourd’hui 14 mars, à neuf heures dix du soir, voilà toute la saveur, voilà toute la valeur de ma vie.
        Dans le jardin que j’aperçois, par les fenêtres silencieuses de mon incarcération, on a lancé toutes les
        balançoires par-dessus les branches, d’où elles pendent maintenant ; elles sont enroulées tout là-haut ;
        ainsi l’idée d’une fuite imaginaire ne peut même pas s’aider des balançoires, pour me faire passer le
        temps.
        Tel est plus ou moins, mais sans style, mon état d’âme en ce moment. Je suis comme la Veilleuse du
        Marin,
        les yeux me brûlent d’avoir pensé à pleurer. La vie me fait mal à petit bruit, à petites gorgées, par
        les interstices. Tout cela est imprimé en caractères tout petits, dans un livre dont la brochure se défait
        déjà.

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  2. Se raconter des histoires, chercher des solutions dans sa tête, on fait tous ça non?
    J’ai même entendu dire que certains tenaient des carnets endophasiques pour ne rien oublier.

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    1. Merci Mme Chapeau ! Grâce à vous j’ai appris un nouveau mot.
      Quant à Pessoa, une tentative inaboutie ! D’ailleurs les auteurs portugais sont souvent d’étranges étrangers.

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  3. Un grand solitaire que Pessoa. Voici un livre que j’ai lu et relu depuis mes 30 ans. Et que je continuerai à lire et relire pendant ma retraite… Entrer en soi à travers un auteur est un beau voyage.

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