K comme krapoverie

Déjà petite elle savait qu’elle allait se marier avec un prince. C’est pour ça qu’elle avait ce regard indulgent pour toutes les bêtes, y compris les crapauds: on ne sait jamais, pensait-elle. Un prince peut se cacher sous tellement d’identités, on en avait même vu un qui était mouton!

Alors, quand dans cet avant-jour propice aux grandes décisions, sa mère lui annonça tout de go « Tu te souviens de Guillaume? Le fils des voisins? Celui qu’on appelait ton petit amoureux quand vous aviez cinq ans? Il vient d’être élu prince Carnaval! », elle sourit à la pensée qui la traversa.

***

Merci à Monsieur le Goût pour sa consigne 155

Que peuvent se dire cette jeune femme et ce chat dans la toile d’Auguste Renoir ? Je suis sûr qu’il y a une histoire à raconter. Une histoire qui commencerait, comme beaucoup de contes de fée, par « Déjà petite elle savait qu’elle allait se marier avec un prince. » Et si elle se terminait sur « Elle sourit alors à la pensée qui la traversa. »

et merci à Joe Krapov pour sa consigne Dis-moi dix mots!

K comme kraakpand

Jason était fan de Da Flip et se voyait déjà faisant ses propres remix.

Il aurait bien aimé le rencontrer.
Il se disait qu’un mec comme lui ne pourrait que le reconnaître, voir en lui un successeur, en quelque sorte.
Quelqu’un à qui transmettre les ficelles du métier.
Prêter du matériel, aussi.
Parce que Jason avait tout juste de quoi se payer quelques bombes aérosol.

Il devait se rendre à l’évidence, les tags, ce n’était pas trop son truc.
Il ne réussissait pas à améliorer sa technique.
Il s’entraînait, pourtant.
La maison abandonnée entre les champs était idéale pour ça.

Non, son truc, il en était sûr, c’était le remix.
Commencer comme DJ.
Faire crier les filles.
Et gagner des sous en faisant ce qu’on aime.

Puis est arrivée la nouvelle.

Da Flip! le tribunal venait de prononcer sa faillite.

Alors il a juste tagué Fri 13.

Parce qu’on était le 13.

Même si c’était un lundi et pas un vendredi: c’était un jour de malchance.

***

Le titre réfère à la maison « violée », qu’on appelle kraakpand en néerlandais, littéralement « logement qu’on a forcé ».

Écrit pour le 153e devoir de Monsieur le Goût – merci à lui – qui offre la photo et la consigne suivante:

Cette photo me serre le cœur, il s’en dégage une impression, que dis-je des impressions diverses et opposées. Mais à vous ? Qu’inspire-t-elle ?

K comme krapoverie

V SÊtre amies
S SAmies pour la vie
V S S.Être amies d’enfance
V S AÊtre amies fidèles
A S SFidèles amies pour la vie
V S Adv.Être amies obstinément


V VVivre et mourir
V SMourir un jour, oui
V S S.Mais vivre jour après jour, en attendant que
S SUn jour ou une nuit
V S SS’arrête la vie, pas l’amitié
S S S.L’amitié, les souvenirs, la complicité


V S SMourir un jour d’hiver
A Np NpSeule à Mini-Ville ou à Maxi-Cité
S S S.Toute mort est solitude et séparation
V S AMourir dans un lit médicalisé
Np NpÀ Maxi-Cité ou à Mini-Ville
S V Adv.La mort arrive parfois trop tard


V SMourir sur la route
S V VVoiture percutée, éclatée
V S Adv.Tombée dans un ravin abruptement
Np Np Np SEn chemin vers Maxi-Cité, Mini-Ville ou l’Espagne au soleil
V A SMourir par beau temps
V V.En chantant en riant


A S NpJoyeuses en route vers Mini-Ville
V S V SEn chantant des ballades en racontant des blagues
S V SLe ravin s’ouvre sur la droite
V SQue cache un virage
S V SLa vitesse t’emporte, la vitesse
V V S.Te porte et t’attire au fond


S A SAmitié, belle amitié
V adv SOn te garde intensément au cœur
S S V advDans le cœur et dans la tête tu es là
V ATu es vivante
Adv A advIntensément présente, toujours
S S VL’amitié, la complicité restent
S adv S SLes souvenirs, toujours du bonheur et une tendresse
V adv.Qui ne finit jamais


Ecrit selon les consignes de Joe Krapov qui demandait un poème sur l’amitié en suivant le schéma imposé comme indiqué dans la colonne de gauche, A = adjectif ; V= verbe ; S = substantif ; Adv = adverbe ; Np = nom propre.

Ouf 🙂

L’illustration vient d’un ancien devoir de Lakévio.

K comme Kiribati

Kiribati? s’étonne l’Adrienne en lisant le message de MSF.
C’est quoi, ça? ça se trouve où?

Bon, si ça vous intéresse, vous ferez comme elle, vous irez sur wikisaitout et vous comprendrez pourquoi ça vous est inconnu: c’est un petit atoll qui n’est devenu indépendant qu’en 1979 et qui ne s’appelait pas comme ça avant 🙂

Mais ce qu’il a d’emblématique, c’est qu’il est un bel exemple (si on peut dire) de ces endroits du monde qui ne sont pas les plus gros pollueurs mais qui sont les premières victimes.

Le point culminant de leurs îles s’élève à trois mètres au-dessus du niveau de la mer.

Oui, vous avez bien lu: trois mètres.

Bref, en lisant le billet de MSF on ne peut que conclure « het is dweilen met de kraan open« , comme on dit chez nous, ce qui peut se traduire par « on passe la serpillière alors que le robinet continue de couler ».

K comme Kleinigkeiten

Si la lecture du billet du mois dernier, G comme gratis, n’a éveillé en vous que de tristes souvenirs, n’allez pas plus loin dans celui-ci.

Mais si, comme Tania à l’époque, vous voulez savoir si la requête et les formulaires envoyés ont reçu une réponse, voici l’affaire.

Jeudi l’Adrienne a reçu un mail d’Anett Dremel (Leiterin der Dokumentationsstelle/ Stellvertretende Leiterin der KZ-Gedenkstätte Mittelbau-Dora Stiftung Gedenkstätten Buchenwald und Mittelbau-Dora) contenant quelques données à propos de celui dont elle s’enquérait, mort au camp d’Ellrich en janvier 1945.

« He was brought to Buchenwald concentration camp on 23 May 1944 and registered as a political prisoner. A few days later, on 8 June 1944, he was transferred to Dora and shortly afterwards to the subcamp Ellrich-Juliushütte. The inmates of the Ellrich Juliushütte subcamp had to do hard physical labour on construction sites around Ellrich. Most of the inmates worked on the expansion of tunnel systems for relocation projects of the Junkers-Werke near the village of Woffleben. Due to the hard forced labour and the catastrophic accommodation and care, many of the prisoners fell seriously ill after only a short time. He died on 29 January 1945 in the Ellrich-Juliushütte subcamp. His body was brought to Mittelbau-Dora the following day and cremated in the crematorium. »

C’est peu de choses, on est d’accord.

Il y avait aussi un lien vers quelques documents photographiés.

Le document qui résume le mieux l’annihilation de l’individu est cette petite carte du 22 mai 1944 où on n’a même plus complété les données: on l’a barrée trois fois, au crayon noir, en rouge, en bleu et on y a écrit qu’il ne s’agissait que de Kleinigkeiten, des bricoles, que la valise a été détruite (Koffer vernichtet) et tout son contenu confisqué (alles entnomen): les deux pull-over, les deux chemises, les deux pantalons, les chaussettes, le linge… que Zélie, son épouse, avait dû tristement plier dans une petite valise lors de son arrestation.

Comme en témoigne cette fiche du 23 mai, avec ce subtil euphémisme, afgegeben, « il l’a donné », au lieu du alles entnomen, « on lui a tout pris ».

La casquette aussi, qui venait de chez le grand-père de l’Adrienne.

Puis on lui demande d’y apposer sa signature pour confirmer (bestätigen) que tout est correct (richtig).

Richtigkeit, ci-dessus.

Bestätigt, ci-dessous.

K comme krapoverie

Ah! la Belle Époque où on purgeait bébé, où on faisait commerce des pots de chambre en porcelaine, où on allait à l’opéra comme aujourd’hui on va à l’apéro!

Ah! la belle rigolade scatologique, les envolées lyriques sur les mérites du laxatif et un Toto déjà enfant-roi.

Ah! la folle cavalcade entre les portes qui claquent, les femmes sémillantes, les maris trompés et la bonne un peu bête mais pas dupe.

C’était le crépuscule des dieux mais ils ne le savaient pas.

***

Écrit en l’honneur de la création mondiale à la Monnaie d’On purge bébé et d’après les consignes de Joe Krapov – merci à lui! – avec les mots suivants: La Belle Époque – apéro – cavalcade – création – crépuscule – envolée – rigolade – sémillante.

K comme karicol

C’était tout de même un drôle de hasard que précisément le jour où il avait été question ici de leur père, le fils aîné de l’ami José envoie un message annonçant que son frère allait venir lui rendre une petite visite de deux jours, depuis sa lointaine province.

Un véritable événement: les deux frères ne s’étaient plus vus depuis l’enterrement de leur maman.
En novembre 2018.

– J’apprends que tu seras par chez nous, écrit l’Adrienne au cadet, si tu as un peu de temps dans ton programme, tu es le bienvenu chez moi!

C’est ainsi qu’elle a pu constater que les deux frères se ressemblent de plus en plus, physiquement, et que s’ils ne sont d’accord sur presque rien, ils le sont au sujet de leur père.

Alors que l’Adrienne l’évoquait avec bonheur et attendrissement, ils se récriaient et ne lui concédaient que deux bons points: oui, il avait des tas de talents et oui, c’était toujours lui qui suggérait des sorties et prenait des initiatives:

– On va manger des caricoles?

Et tout le monde le suivait, même s’il était le seul à en manger 😉

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écrit pour le Défi du samedi 728 où Walrus – merci à lui – proposait la photo ci-dessus.

K comme Kroniek

Une autre lecture qui avait été conseillée à cette fameuse cinq-centième de la TGL dont il était question hier, c’est L’Intranquillité de Pessoa mais à sa bibliothèque communale, l’Adrienne a trouvé le livre ci-dessus et rien ne pouvait mieux lui convenir que ce titre qui parle du temps qui passe 😉 et qui commence par un point commun qu’elle a avec l’auteur – et qu’ont de nombreux enfants, probablement – faut juste espérer que ça s’arrête là, les points communs, parce que le type était quand même assez fou.
Plus fou que l’Adrienne, ose-t-elle penser!

Ik heb van kleins af aan de behoefte gehad mijn wereld te verrijken met fictieve persoonlijkheden, zorgvuldig door mij geconstrueerde dromen die met een fotografische helderheid voor mijn geestesoog verschenen en door mij tot in het diepst van hun ziel begrepen werden. Toen ik nog maar vijf jaar oud was – een eenzaam maar niet ongelukkig kind – kreeg ik al gezelschap van figuren uit mijn dromen: een Kapitein Thibeaut, een Chevalier de Pas en anderen die ik nu vergeten ben. Ik herinner me ze vaag of helemaal niet meer, hetgeen tot de dingen in mijn leven behoort die ik het meest betreur.

Fernando Pessoa, Kroniek van een leven dat voorbijgaat, Van Oorschot, Amsterdam, 2020, p.7 (incipit) – ou ‘chronique d’une vie qui passe’, textes rassemblés et traduits par Michaël Stoker.

Tout petit déjà j’avais besoin d’enrichir mon univers de personnages fictifs, de rêves soigneusement construits que je voyais aussi nettement que des photos et que je comprenais du fond de l’âme. Je n’avais que cinq ans – un enfant solitaire mais pas malheureux – quand j’avais déjà la compagnie des figures nées de mon imagination: un Capitaine Thibeaut, un Chevalier de Pas et d’autres que j’ai oubliés. Je m’en souviens vaguement ou pas du tout, ce qui est une des choses de ma vie que je regrette le plus. (traduction de l’Adrienne)

K comme Kardamyli

Tout avait commencé à cause des femmes.

Elles avaient dû lire dans leurs magazines féminins que la mode était aux voyages entre amis et s’étaient convaincues les unes les autres de tous les avantages, comme celui de pouvoir louer une grande villa avec piscine et de partager les frais à trois ménages.
De partager les corvées courses, repas, vaisselle.
Des arguments de ce genre, qui omettent évidemment d’évoquer les problèmes de promiscuité ou de salle de bains, soit occupée, soit dévastée.

– Toi qui hurles déjà quand j’oublie d’abaisser la lunette des toilettes… avait-il tenté, mais Anne lui avait tout de suite coupé la parole, avec cette mauvaise foi qu’elle pouvait avoir dans ce genre de discussion:
– T’inquiète! On sera en vacances, on sera zen et d’ailleurs: on sera trois contre trois!

Et en effet, ils étaient zen – surtout les femmes, il n’avait jamais vu la sienne aussi ‘zen’ que cet été-là! – et trois contre trois: elles étaient parties toute la journée à leurs activités, faisaient du yoga sur la plage, allaient au massage et autres c…ries du genre – se faisait-il masser, lui? et par des éphèbes, en plus! – pendant que les hommes faisaient mollement un peu de tennis ou de piscine en attendant l’heure de l’apéro et des grillades.

Vous les voyez, là? sur la terrasse de leur blanche villa grecque à regarder la mer à six heures du soir? à attendre que les épouses reviennent de leur cours de planche à voile? ou était-ce de la plongée, ce jour-là?

Il n’en sait rien, tout ce qu’il sait c’est que les moniteurs sont toujours des gars bronzés aux boucles brunes, taillés comme des Adonis de la tête aux pieds et tout ce qu’il y a entre les deux.

Et que lui, d’un ‘commun accord tacite’ – comment cela s’est-il fait? il n’en sait rien! – se trouve avec les deux autres maris qui semblent bien contents de ce partage.

***

Kardamyli se trouve sur la côte sud du Péloponnèse, images ici. Merci à monsieur le Goût pour son 127e devoir de lakévio:

Ce tableau d’Aldo Balding vous inspire-t-il quelque chose ?
Quant à moi je me demande ce que font ces trois hommes.
On verra bien lundi ce qui sort de nos cogitations…