Il trouve normal, quand vers treize heures quinze la cour est remplie d’un gros millier d’élèves, que Madame le repère tout de suite dans cette foule, lui qui n’est ni gros ni grand, et qui est habillé de ces deux ou trois teintes dont s’habillent absolument tous les autres, et que là, du haut de la fenêtre du second étage, elle lui fasse un petit signe de la main pour lui dire: Oui! je t’ai vu! je t’attends!
Catégorie : I
I comme image
Il faudra retourner à Rome.
On ne sait pas quand, mais il faudra: on aimerait vérifier un truc qu’on vient de lire.
Il s’agit d’une œuvre de Rubens dans une église de Rome – il y en a tant que les précédents séjours n’ont évidemment pas permis d’en voir un nombre aussi grand qu’on aurait voulu, surtout qu’il n’y a pas que des églises, n’est-ce pas – œuvre à propos de laquelle on vient de lire quelques trucs intéressants.
Il s’agit de la Chiesa Nuova, appelée aussi Santa Maria in Vallicella, fondée par les Oratoriens.
Que la congrégation, au début des années 1600, ait commandé des œuvres à Rubens, préférant cet ‘estranger‘ à leurs propres artistes, est déjà remarquable, on n’est pas moins chauvin à Rome qu’ailleurs 😉 et Rubens, né en 1577, est à ce moment-là un jeune peintre venu se perfectionner en étudiant les grands maîtres italiens.
Mais la toile qu’il réalise est refusée par les Oratoriens.
Les versions diffèrent pour expliquer leur refus, un chercheur propose ici une piste intéressante, d’autres disent que c’était un problème de luminosité et que c’est pour cette raison qu’il a refait une seconde œuvre en la peignant sur de l’ardoise.
Une ardoise de 425 sur 250 cm, tout de même 😉
Ce que la réalisation a de plus particulier cependant, comme on peut le voir dans la vidéo, c’est que Rubens a dû créer un système de cordes et de poulies pour permettre d’escamoter le panneau central ovale: derrière celui-ci se trouve une fresque des années 1400, représentant elle aussi une madone à l’enfant.
Une madone à laquelle le fondateur des Oratoriens, Filippo Neri, semblait tenir beaucoup puisqu’il a fait transporter cette fresque dans son église.
Comme on le dit dans la vidéo, un jour qu’elle avait été heurtée par une pierre, ‘un sasso‘, la fresque avait ‘saigné’, ‘ha sanguinato‘.
On a donc voulu la mettre à l’abri comme objet de dévotion.
Aujourd’hui encore on la montre au public, à la messe du samedi soir on fait jouer les cordes et les poulies 🙂
La toile refusée n’est pas perdue: on peut la voir à Grenoble.
I comme il y a
Il y a K***, venue d’Afghanistan avec son papa, sa maman, sa petite sœur et son petit frère. Pour que les petites filles puissent aller à l’école.
Il y a E*** et sa voisine de chambrée, au centre d’accueil des réfugiés. Elles ont fui l’Ethiopie pour que leurs petites filles ne soient pas excisées.
Il y a Médiatrice et sa voisine de chambrée, de la région du Kivu. Inutile de préciser ce qu’elles fuient, n’est-ce pas.
Et puis il y a celles qui ne peuvent même plus fuir, sur qui tombent les bombes et qu’écrasent des chars.
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Pour son 187e devoir, Monsieur le Goût propose cette photo de femmes afghanes.
I comme irascible
Puisqu’on aura nos beaux habits, avait dit Palmyre, et que de toute façon on sera déjà chez le photographe pour le mariage d’Emilienne, on va se faire tirer le portrait à nous deux aussi!
Évidemment Gustave avait ronchonné: Portrait! nous? et pourquoi faire? c’est de l’argent jeté!
Et patati et patata.
Palmyre laissait dire et attendait son heure.
Palmyre maîtrisait toujours le scénario.
Et puis est arrivé le jour du mariage d’Emilienne. C’est là que le photographe avait été prié d’apporter la touche finale, l’élément crucial:
– Monsieur Coppenolle! s’était-il écrié, les deux bras en l’air comme un parfait acteur de théâtre, Monsieur Coppenolle! On vous l’a sûrement déjà dit: quelle belle tête vous avez! On dirait Georges Clemenceau!
Et c’est comme ça que Gustave a pris la pose, sérieux, grave et digne comme Clemenceau, son héros, à côté d’une Palmyre triomphante.
– Apprends, ma fille, apprends! a-t-elle l’air de dire à Emilienne.
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Même consigne krapovienne qu’hier, merci Joe!
I comme incipit
Par la fenêtre ouverte, force est de constater qu’Alexandre-Benoît, flamberge à l’air, fait la pige à la société de bigophones venue tout spécialement de Joigny pour honorer sa candidature aux élections municipales.
Depuis qu’il s’occupe de son standinge, Berthe et lui ne jurent plus que par Marguerite et Méphisto, ce qui leur va très bien, comme chacun sait Berthe aussi est un parangon de bon goût.
Bref, il est dans sa période mousse et pampre et ça marche du tonnerre, pas besoin de relire les textes védiques ou le calendrier aztèque pour savoir qu’il sera élu.
Béru, je l’ai déjà souvent dit, c’est un rustre qui a du génie.
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Texte écrit pour l’Agenda ironique de janvier selon les consignes de Tiniak, qui impose l’incipit et quelques termes surannés qui n’auront pas manqué de vous sauter à la figure 😉
I comme impact
L’art, qu’on le pratique de manière passive ou active, a un impact positif sur la santé mentale et physique.
C’est ce qu’a démontré une étude de l’OMS réalisée en 2019, qui regroupait tout ce qui avait paru sur le sujet de 2000 à 2019.
La période covid nous l’a d’ailleurs bien fait sentir, que ce soit en nous en privant ou en nous le permettant.
Nous n’avons jamais autant ressenti le besoin (et les bienfaits) de chanter ensemble, de balcon à balcon, dans les parcs ou sur internet 😉
On pourrait donc s’attendre à ce que nos gouvernants en aient pris connaissance, de tous ces effets positifs tant préventifs que curatifs, et en tiennent compte dans leurs décisions.
Or en Flandre, depuis que nous avons des gens de droite à l’enseignement et à la culture, on constate le contraire.
Et le ministre concerné ne nous a pas vraiment fait rire en qualifiant les cours du soir de « clubs de hobbys socialistes ».
« Clubs » dont en même temps il ne cesse d’augmenter le prix et de durcir les conditions.
Par exemple si tu rates trois fois le cours, tu es exclu pour le reste de l’année.
Sans remboursement, bien sûr.
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Le pdf est ici.
La photo de la petite fille peignant a servi à un jeu d’écriture.
I comme immanence
– Je voudrais avant tout vous dire une chose… commence Vlad, à peine arrivé au seuil de la classe, tenant la porte encore à moitié ouverte.
Dans son néerlandais si déficient que souvent Madame a du mal à le comprendre.
– Je voudrais vous dire que je sais que mon test d’hier n’est pas bon. Mais je voudrais vous dire que comparé à ce que je savais avant, c’est énorme ce que je sais maintenant.
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Et c’est comme ça, amis lecteurs, qu’ils vous embobinent et vous tiennent par le bout du cœur 🙂
I comme il y a
Il y a un local prévu pour le premier cours mais au bout d’un quart d’heure il y a un collègue qui vient vous en déloger.
Il y a la cheffe des finances qui vous promet de commander le manuel de première année mais quand vous lui demandez, au bout de quinze jours, combien de temps il se passera encore avant qu’il ne vous parvienne, elle vous répond qu’elle n’a jamais promis de vous le commander.
Il y a la directrice adjointe qui vous a promis que vous auriez un accès complet à la plate-forme de l’école mais trois semaines plus tard ce n’est toujours pas le cas.
Il y a le gamin qui attend depuis trois semaines l’ordinateur portable que tout élève doit avoir pour suivre les cours, faire les tâches, etc. mais au secrétariat personne ne sait dans quel délai il l’aura.
Par conséquent il y a Madame qui est dégoûtée et qui l’a fait savoir à la directrice et à l’adjointe en ces termes – mais en néerlandais 😉
je regrette d’avoir dit oui à votre demande
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Et il y a Madame et le gamin qui en ce moment apprennent les verbes impersonnels 🙂
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Vous connaissez ce tableau, il a servi à un devoir de Monsieur le Goût et il est très approprié parce que Madame, dans son petit mot à l’intention des directrices, a ajouté – toujours en néerlandais 😉
c’est à pleurer!
I comme insolation
Une des choses qui énervent beaucoup l’Adrienne, mais alors vraiment BEAUCOUP, ce sont les plaintes qu’on peut entendre même aujourd’hui à propos de la météo en Belgique.
Ainsi vendredi matin s’est-elle étranglée dans son café en lisant ceci: « L’été se termine, mais a-t-il jamais commencé, ici en Belgique ? »
Pardon?
Alors qu’on vient de pulvériser un nouveau record, celui d’une canicule en septembre?
Après avoir pulvérisé tous les autres records, quoi qu’en pensent les gens sur « l’été pourri » dès qu’il tombe une goutte?
Mais que leur faut-il donc ?
Des arguments, on veut des arguments, clament ceux qui continuent à dire que le changement climatique, c’est « fake news« .
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Merci à Monsieur le Goût pour son 170e devoir du lundi.
I comme inouï
Pour ses activités avec des enfants, des jeunes et des adultes qui veulent apprendre le néerlandais, Julie (1) a besoin d’aide.
– Alors j’ai pensé à vous, dit-elle à Madame.
Demain elle organise une avant-midi de jeux de société.
– Je n’y arriverai pas toute seule, dit-elle encore.
Résiste-t-on à cela?
Non, bien sûr.
Mais à peine Madame a-t-elle dit oui que le doute l’étreint, comme dirait Walrus.
En effet, elle ne connaît pas tous ces jeux de société.
Petite fille, elle jouait aux dames avec l’ami d’enfance, jusqu’à ce que qu’elle en ait marre que le règlement change précisément au moment où elle allait gagner 😉
Mais demain on ne jouera pas aux dames.
Avec le petit frère, elle jouait au Monopoly.
Dès qu’il n’avait plus de sous, il se fabriquait des billets de 10 000 et refusait d’aller en prison 😉
Mais demain on ne jouera pas au Monopoly.
Avec ses neveux et nièces, elle a joué à Uno.
Elle perdait toujours parce qu’elle oubliait de crier « uno! » quand il ne lui restait plus qu’une carte en main.
Bref demain Madame va jouer à des jeux qu’elle ne connaît pas avec des gens qu’elle ne connaît pas 🙂
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(1) Non, ce n’est pas celle qui conduit des trains – le prénom a été très populaire pendant de nombreuses années – c’est une Julie qui a fait des études d’institutrice et qui maintenant est « coach » de néerlandais à la bibliothèque.
L’illustration vient du site de Nintendo.