F comme fan!

Les parents consternés étaient assis face à monsieur H*rb**rt, l’instituteur de leur fils :

– Il faudrait qu’il lise, disait-il. Il est intelligent mais il n’apprend pas ses leçons. Et il ne lit pas.

Il le leur a encore bien répété quand ils ont pris congé de lui, croyant sans doute que si le goût de la lecture venait, celui des études suivrait :

– Il faudrait qu’il lise !

Qu’il lise, oui. Mais quoi ? La seule lecture qui intéresse cet enfant, c’est le résumé en quelques chiffres de la carrière des footballeurs de division 1 belge, dans ses albums Panini. Il est incollable sur leur taille, leur poids, le nombre de buts marqués et les divers clubs par lesquels ils sont passés.

Le père ayant grandi avec les albums de Tintin, la mère avec la Semaine de Suzette, c’est donc tout naturellement qu’ils ont fondé leurs espoirs dans la BD. Ils ont acheté une grande armoire laquée de jaune et elle s’est rapidement remplie de tout ce qu’il y avait sur le marché : Michel Vaillant, Gaston Lagaffe, Astérix et Obélix, Lucky Luke, Spirou et Fantasio, Boule et Bill, Tif et Tondu, Blake et Mortimer, Yoko Tsuno, Les Tuniques bleues, Benoît Brisefer, Blueberry, l’Agent 212, Achille Talon, Johan et Pirlouit, les Schtroumpfs, le Marsupilami (liste non exhaustive) et bien sûr le journal Pilote ainsi que tous les albums de Spirou et de Tintin.

Ceux qui dévoraient toutes ces saines lectures avec délectation, c’étaient le père et la grande sœur : ce n’est rien de dire qu’ils étaient à la fête 🙂

Peu à peu leur langage familial s’est enrichi de mots et de petites phrases sortant tout droit de leurs albums préférés, à commencer par le M’enfin ! de Gaston. Ils ne disaient plus ‘le thé’ mais ‘de la chaude eau’. Ils ne disaient plus ‘là, c’est stationnement interdit’ mais ‘sucette géante!’. Tout repas copieux recevait l’exclamation ‘c’est frugal’, tout avis différent recevait un ‘ils sont fous ces Romains’, tout ronchon devenait scrogneugneu.

Les injures du capitaine Haddock étaient des cadeaux du ciel grâce à leur inépuisable variété et leur forte expressivité, tout en restant parfaitement innocentes. Ils ne s’en privaient pas!

Seul le rongtudju de Prunelle était interdit par la mère, ce qui lui donnait évidemment une saveur supplémentaire.

– Mais si ! Je peux le dire ! Puisque c’est dans le livre ! affirmait le petit frère de son air le plus candide.

***

Texte écrit pour le Défi 736 où Walrus – merci à lui – proposait le mot scrogneugneu.

24 commentaires sur « F comme fan! »

  1. Waouh , en effet
    Toute lecture peut apporter un p’tit qq’chose qui reste en mémoire
    Chez moi pour mes filles des collections entières elles ont dévorées mais pas trop de BD à vrai dire elles étaient par contre le dada de Monsieur , et plus tard mes petits fils ont été demandeurs de BD aussi
    @ la maison on ne manquait pas de bouquins
    Bonne journée Adrienne

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  2. Ma première BD me fut lue par mon papounet, et c’était « Les mousquetaires endiablés » de Mr Lambique. Je n’ai jamais supporté, par la suite, l’évolution de Petit Jérome en sorte de super-miniman de mauvais goût 🙂 . Image par image j’ai à la fois découvert les mousquetaires (mon papounet était fan des Quatre Mousquetaires sous toutes les versions…), le duc de Richelieu, le petit dauphin déguisé en dauphine (ou le contraire), les bonbons à l’anis… et le trio Lambique, Bob et Bobette (je ne sais pas si Sidonie faisait partie de ce livre???). Jamais oublié cette émotion!

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  3. Mes parents ne lisaient pas ! j’ai découvert la lecture dès que j’ai su lire. J’aimais les bandes dessinées comme Tintin, Mickey et Lisette. Et puis je suis passée à la Bibliothèque Rose et Verte 😉

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    1. ma mère trouvait que lire était une occupation d’oisif et l’oisiveté étant la mère de tous les vices, la lecture m’était interdite.
      alors évidemment vers les 10-11 ans du petit frère, ça a un peu changé 😉 mais je devais quand même lire en cachette, quand j’avais « le temps de lire », elle préférait que je m’occupe à du tricot ou du ménage…

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  4. Si la bédé de cet âge d’or n’avait pas existé la vie aurait encore plus été une erreur que si un tyran débile ou un dieu mélophobe avait décidé de supprimer la musique.

    C’est bien simple – je n’en parle jamais parce que je ne suis pas là pour raconter ma vie (LOL !) mais la bande dessinée, j’ai le nez dedans tous les jours !

    – Comment, Joe Krapov ? Tu es encore allé chez Mondial Relay ? Tu as encore racheté sur Internet une bédé de ton enfance ?

    – Fallait pas me montrer comment ça marchait, une e-carte bleue , d’abord !

    😉

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  5. Chez nous c’est Titou le grand dévoreur de BD!
    On fait les brocantes pour compléter nos collections et pour lui apporter de la nouveauté. Mais ça en vaut la peine car il peut les lire et les relire de nombreuses fois sans se lasser!
    Le seul problème, c’est qu’on ne sait bientôt plus où les mettre! On en a bientôt dans tous les coins de la maison!

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    1. Ah oui, l’armoire jaune était pleine aussi, jusqu’au plafond 🙂
      Et maintenant dans sa maison c’est tout un mur d’une pièce au sous-sol, tout un mur d’étagères pleines d’albums !

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