F comme fou rire

Aux séances de lecture organisées pour toucher des (non) lecteurs, l’Adrienne est généralement la seule à rigoler.

Prenez mercredi dernier, par exemple, et cette histoire d’une riche dame anglaise en voyage aux Indes britanniques: comme elle a une envie folle de « faire plus fort » que son ennemie intime, elle s’arrange pour qu’un village lui procure un tigre, de préférence vieux, à moitié sourd et aveugle, qu’elle pourra tirer tout à son aise alors qu’il s’approchera d’une chèvre qu’on aura attachée à un pieu.

L’Adrienne donc rigolait en entendant Nadine faire la lecture:

« La seule grande source d’anxiété [des villageois] était qu’il vînt à mourir de vieillesse avant la date prévue pour la partie de chasse de la memsahib. Des mamans qui
ramenaient chez elles leurs bébés à travers la jungle chantonnaient plus bas de crainte d’abréger le sommeil réparateur du vénérable voleur de bétail. »

Pourquoi la douzaine d’autres personnes restaient de glace, elle ne le comprenait pas.

– C’est pas mon style, dit l’une.

– C’est exagéré, dit l’autre.

Nadine continue de lire et l’Adrienne de rigoler:

« Une chèvre douée d’un bêlement particulièrement persistant et d’un volume tel qu’on pût raisonnablement s’attendre à ce qu’il fût perceptible par une nuit calme même par un tigre partiellement sourd, avait été attachée à la distance voulue. Munie d’un fusil à lunette bien réglée et d’un paquet de cartes minuscules pour faire des réussites, la chasseresse attendait l’arrivée du gibier. »

Etc.

Vous pouvez juger vous-mêmes si vous le trouvez humoristique, la traduction en français est ici, et l’original en anglais est .

F comme fiançailles

Le dernier mariage de l’année 1754 dans la paroisse est celui de Pieter et Adriana, le 18 novembre.

Peu après commence le temps de l’Avent: on ne se mariait pas, puisque les fêtes étaient interdites pendant les quatre semaines qui précédaient Noël.

Si vous lisez les écritures un peu anciennes, vous verrez que le couple ne s’est fiancé que la veille, le 17 (‘sponsalia‘, la proclamation des bans) et qu’il a été dispensé des trois ‘bans’ prononcés obligatoirement sur trois dimanches à l’église.

Dispenses accordées, excusez du peu, par l’évêque de Gand et par le cardinal de Malines.

Une brièveté du temps de fiançailles – un seul jour – qui n’est égalée que dans certaines émissions à la télé où les couples se marient sans se connaître… ou par surprise 😉

F comme Frutti

D’abord, parlons du père, le point de référence, le dictionnaire, l’encyclopédie, le wikisaitout jusqu’à l’adolescence de l’Adrienne.

C’est sûrement de lui qu’on tient cet amour des langues et des mots.

Tutti frutti, par exemple, a dû être la première chose jamais entendue en italien.

Glace tutti frutti, disait le menu, les amis avaient dû trouver que ça faisait plus gastronomique en italien.

Ce qui n’avait pas empêché mini-Adrienne d’être déçue : les frutti en question étaient confits, résistaient sous la dent et coloraient vaguement de vert et de rouge la blancheur de la glace.

Ensuite, parlons du beau-père, le point de référence pour une autre sorte de fruits, les frutti di mare, avec ses opinions bien arrêtées sur la hiérarchie des vrais bons produits de la marée:
La langoustine et le crabe sont meilleurs que le homard.
Les crevettes grises sont une délicatesse.

Amen.

Les goûts, ça ne se discute pas!

***

Écrit pour l’Agenda ironique de janvier, proposé par Tiniak – merci à lui – qui demandait un minimum de 150 mots (ce que j’ai fait, exactement, ci-dessus) et un maximum de 223 (ce que vous trouverez exactement ci-dessous).
Parmi les mots imposés, il y a frutti di mare, tutti frutti, marée, crabe et amen.

En illustration, une photo prise à Ostende d’un de ces derniers petits bateaux qui sortent le soir et rentrent au petit matin avec la pêche de la nuit et les crevettes cuites à bord.

***

D’abord, il faut parler du père, point de référence, dictionnaire, encyclopédie et wikisaitout jusqu’à l’adolescence de l’Adrienne.

Après bien sûr on découvre d’autres sources de savoir et on arrive à cet âge bête où on croit qu’on en sait au moins autant que lui.

On le consulte encore, parce qu’on sait que ça lui fait plaisir.
Parce qu’on l’aime.

C’est sûrement de lui qu’on tient cet amour des langues et des mots.

Tutti frutti, par exemple, a dû être la première chose jamais entendue en italien.

Bombe glacée tutti frutti, disait le menu, les amis avaient dû trouver que ça faisait plus gastronomique en italien.

Ce qui n’avait pas empêché mini-Adrienne d’être déçue : elle ne voyait pas le rapport avec une bombe et les frutti en question étaient confits, résistaient sous la dent et coloraient vaguement de vert et de rouge la blancheur de la glace.

Ensuite, il faut parler du beau-père, le point de référence pour une autre sorte de fruits, les frutti di mare, avec ses opinions bien arrêtées sur la hiérarchie des vrais bons produits de la marée, celle de la nuit précédente, cela va sans dire:
– la langoustine et le crabe sont meilleurs que le homard
– les crevettes grises de la mer du Nord sont une délicatesse unique au monde.

Amen.

Les goûts, ça ne se discute pas

F comme Fanny

C’est la toute première fois que Fanny voit une de ses œuvres sélectionnée et accrochée au mur d’une véritable exposition.

Et croyez-le, ça lui donne des tas d’émotions fortes.

Confier un de ses « bébés » à d’autres, supporter l’idée du regard critique qui sera posé sur lui, d’abord par le jury, puis par le public, tout ça demande une bonne dose de confiance en soi.
Qu’elle n’a pas vraiment.
Mais ses parents, son chéri, ses professeurs ont été unanimes:

– Vas-y! Lance-toi!

Alors elle s’est lancée.

Puis le miracle a eu lieu: se retrouver parmi la poignée de finalistes sur les plus de cinq cents envois.
Elle en est fière, bien sûr.
Pourtant, lors du vernissage l’anxiété ne l’a pas quittée: est-ce que le public allait aimer? comprendre? ou se moquer?

Alors quand elle est revenue deux jours plus tard pour revoir toute l’expo à l’aise, elle est repartie de là tout heureuse:

– Cette œuvre-là est la vôtre? s’est exclamée la dame de l’accueil, étonnée de son tout jeune âge. C’est ma préférée! C’est la seule que j’aie photographiée, lors du vernissage! Et j’ai dit au conservateur, pour rire, bien sûr: « Celle-là, tout à l’heure, je l’emporte chez moi! »

***

Photo du sapin de Noël – cadeau de La Roche – dans toute sa splendeur illuminée, à la demande de Pastelle 🙂
Photo prise par un des photographes de la ville, la mienne n’était pas assez belle.

La photo de l’œuvre de Fanny peut être envoyée en privé à qui le demande 🙂

F comme fresque

Comme l’Adrienne avait trouvé à se loger dans un quartier de Bruxelles où elle n’était pas encore beaucoup allée – en tout cas pas depuis trrrrès longtemps – elle a découvert de nouvelles choses, comme cette fresque de Dupuy et Berberian, inaugurée en 2002.

Pour tout savoir sur la fresque et toutes les autres du parcours BD, voir ici.

***

photo prise à Bruxelles le 4 novembre dernier.

F comme fan!

Les parents consternés étaient assis face à monsieur H*rb**rt, l’instituteur de leur fils :

– Il faudrait qu’il lise, disait-il. Il est intelligent mais il n’apprend pas ses leçons. Et il ne lit pas.

Il le leur a encore bien répété quand ils ont pris congé de lui, croyant sans doute que si le goût de la lecture venait, celui des études suivrait :

– Il faudrait qu’il lise !

Qu’il lise, oui. Mais quoi ? La seule lecture qui intéresse cet enfant, c’est le résumé en quelques chiffres de la carrière des footballeurs de division 1 belge, dans ses albums Panini. Il est incollable sur leur taille, leur poids, le nombre de buts marqués et les divers clubs par lesquels ils sont passés.

Le père ayant grandi avec les albums de Tintin, la mère avec la Semaine de Suzette, c’est donc tout naturellement qu’ils ont fondé leurs espoirs dans la BD. Ils ont acheté une grande armoire laquée de jaune et elle s’est rapidement remplie de tout ce qu’il y avait sur le marché : Michel Vaillant, Gaston Lagaffe, Astérix et Obélix, Lucky Luke, Spirou et Fantasio, Boule et Bill, Tif et Tondu, Blake et Mortimer, Yoko Tsuno, Les Tuniques bleues, Benoît Brisefer, Blueberry, l’Agent 212, Achille Talon, Johan et Pirlouit, les Schtroumpfs, le Marsupilami (liste non exhaustive) et bien sûr le journal Pilote ainsi que tous les albums de Spirou et de Tintin.

Ceux qui dévoraient toutes ces saines lectures avec délectation, c’étaient le père et la grande sœur : ce n’est rien de dire qu’ils étaient à la fête 🙂

Peu à peu leur langage familial s’est enrichi de mots et de petites phrases sortant tout droit de leurs albums préférés, à commencer par le M’enfin ! de Gaston. Ils ne disaient plus ‘le thé’ mais ‘de la chaude eau’. Ils ne disaient plus ‘là, c’est stationnement interdit’ mais ‘sucette géante!’. Tout repas copieux recevait l’exclamation ‘c’est frugal’, tout avis différent recevait un ‘ils sont fous ces Romains’, tout ronchon devenait scrogneugneu.

Les injures du capitaine Haddock étaient des cadeaux du ciel grâce à leur inépuisable variété et leur forte expressivité, tout en restant parfaitement innocentes. Ils ne s’en privaient pas!

Seul le rongtudju de Prunelle était interdit par la mère, ce qui lui donnait évidemment une saveur supplémentaire.

– Mais si ! Je peux le dire ! Puisque c’est dans le livre ! affirmait le petit frère de son air le plus candide.

***

Texte écrit pour le Défi 736 où Walrus – merci à lui – proposait le mot scrogneugneu.

F comme Frans

Il est musicien professionnel mais depuis quelques années il a ouvert un petit magasin bio. Comme il n’est ouvert qu’à onze heures du mercredi au samedi, il peut le combiner avec la musique.

L’Adrienne y passe à peu près une fois tous les huit jours, en cette saison c’est surtout pour s’approvisionner en tomates et en aubergines.

– Vous savez, dit-il la semaine dernière, que j’ai sérieusement envisagé de passer à l’enseignement? A cause de la pénurie de profs.
– Ah bon! fait l’Adrienne, qui l’imagine devant une classe où les quelques machos du groupe auraient tôt fait de le manger tout cru, avec son profil de doux rêveur, ses petites lunettes rondes et ses cinquante-cinq kilos.

Quand elle y est retournée hier, il le lui a redit:

– Vous avez été prof, n’est-ce pas? J’ai pensé me tourner vers l’enseignement..
– Oui, vous me l’avez dit la semaine dernière. Et pour quelle matière?

En fait elle a dit: Voor welk vak?
Et là, second étonnement:
Frans!

Français, donc.

– J’ai eu la visite d’une ancienne collègue ce matin, dit-elle, tout va bien, ils ont réussi à pourvoir tous les postes vacants!

L’Adrienne préfère qu’il continue le magasin bio 😉

F comme Filigrane

Il n’est pas bon que l’homme reste seul, avait décrété Miranda, qui connaissait sa bible par cœur.

Alors elle a cherché et elle a trouvé.

Théodore s’est à peine débattu, comme s’il avait pris la voiture toute sa vie, ou comme s’il savait qu’une Dorothée – oui, un vrai cadeau du ciel – l’attendait là où Miranda l’emmenait.

N’est-ce pas, avait-elle dit, qu’avec ces noms-là ils étaient prédestinés!

***

Photo proposée par Filigranes pour le mois de juillet.

F comme folie finale

Fin de saison à la Monnaie et cette folie de près de cinq heures de musique que sont Les Huguenots mis en musique par Meyerbeer sur un livret d’Eugène Scribe.

Oui, celui de la Muette de Portici 🙂

Bon, on sait à l’avance que beaucoup de sang coulera – « c’est reposant, la tragédie », dit le Chœur dans l’Antigone d’Anouilh, « parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir » – même si dans ce cas on l’appelle drame, à la mode du 19e siècle.

Donc si l’Adrienne ce matin se lève tard – qui sait, tout peut arriver – c’est qu’elle a assisté hier à une répétition pré-générale de cette œuvre immense.

Avouez que ça ne se refuse pas, une folie finale 🙂

Toute l’info sur le site de la Monnaie.

F comme férule

Ces dames croyaient que c’était du fenouil mais vu que ça n’avait aucune odeur anisée, l’Adrienne a fait une petite recherche – les habitués de la zone méditerranéenne n’en auraient pas eu besoin 😉 – il s’agit de la ferula communis, une plante spectaculaire par sa taille et sa floraison jaune vif, qu’on peut voir partout sur les pentes rocheuses en grimpant jusqu’au site de Mystras.

Ce ne sont pas les jolies fleurs qui manquent en cette saison et on en voit de toutes les formes et de toutes les couleurs, principalement de belles inconnues (inconnues pour l’Adrienne) et d’autres belles sauvages qu’on sème en annuelles dans nos jardins.

Si quelqu’un sait comment s’appelle celle-ci, qu’il le dise 🙂