Elle ne s’appelle pas Juliette et son grand-père, à quatre-vingts ans, a les cheveux à peine grisonnants.
Il n’a pas la barbe buissonnière, il se rase de près chaque matin.
Elle ne décompte pas les vingt-quatre jours avant la venue du père Noël, dans sa région le père Noël n’existe pas.
Toute la magie de son enfance consiste en l’arrivée d’un bébé sur la paille d’une étable et d’une messe où il faut aller à l’heure où d’habitude on dort profondément.
Il ne faut donc pas non plus surenchérir pour les cadeaux qu’on vendrait ensuite sur V*nt*d.
C’est le six décembre que le grand saint Nicolas apporte un jouet.
La table n’est pas cette petite chose carrée qu’on voit dans le coin sur la photo. On sort les deux rallonges et on y met tout ce que grand-mère a de plus beau, nappe damassée, porcelaine blanche à liséré doré, argenterie.
Elle s’applique à une parfaite symétrie mais ne va pas jusqu’à sortir le mètre ruban pour vérifier l’équidistance des couverts 😉
Grand-mère ne porte pas de guipure au réveillon: même si ce n’est pas elle qui cuisine ce soir-là, elle garde son grand tablier rayé.
Grand-père n’est pas péroreur: assis en patriarche en bout de table, il soutient la conversation, raconte des anecdotes, fait rire tout le monde.
C’est le seul jour de l’année où elle est heureuse de voir arriver l’obscurité vespérale: c’est le seul jour de l’année où on allume des bougies.
Non, elle n’est pas d’accord avec Georges Perros: « La mémoire est comme le dessus d’une cheminée. Pleine de bibelots qu’il sied de ne pas casser, mais qu’on ne voit plus. »
Elle ne les voit que trop bien.
***
Merci à la Licorne pour la photo et ses consignes:
un titre de livre, « Décembre ou les 24 jours de Juliette » d’Hélène Desputeaux. Il s’agira d’égrener l’attente du jour « magique », celui qui illumina notre enfance, sous la forme qui vous plaira : récit, nouvelle, dialogue, conte, comptine, chanson, poème, anecdote, lettre, recette, blague, journal intime, article de presse, compte-rendu ou fiche de fabrication d’un calendrier de l’avent ! Mais il serait bienvenu que vous placiez zégalement dans votre texte les 7 mots suivants : Juliette, mètre, vespéral, surenchérir, péroreur, guipure et buissonnière ainsi que cette phrase (empruntée à Georges Perros): « La mémoire est comme le dessus d’une cheminée. Pleine de bibelots qu’il sied de ne pas casser, mais qu’on ne voit plus. »
Bravo pour cette évocation.
C’est toujours émouvant de lire vos souvenirs que vous ne voyez « que trop bien ».
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Merci Mme Chapeau. J’ai hésité à faire ce billet parce que ce sont des souvenirs que j’ai déjà racontés, comme vous savez.
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Oui, mais les contraintes étaient différentes. Et puis, mesurer au mètre ruban l’équidistance entre les couverts, c’est un bibelot fraichement déposé sur votre cheminée, non?
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C’était le point de départ 😉
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Ah, les soupers de Noël qu’on interrompait avant le dessert pour se rendre à la messe de minuit, pas toujours à la porte d’à côté et rarement sous la neige…
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Chez mes grands-parents on avait toujours fini le dessert 😉
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Noël et la sensation infiniment douloureuse de ne pas être comme les autres, blessure toujours béante.
Bon dimanche de l’Avent en écoutant le Rorate caeli 😉
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Il n’y a pas de norme dans ce domaine.
Bien sûr il y a toute l’imagerie autour de cette fête mais depuis que ma mère est partie à 850 km et que ma Nipotina est malade, je passe ces jours de Noël seule et je survis aussi 😉
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Coucou Nicole, bonsoir chère Adrienne, je réponds en miroir à l’une et l’autre… émouvant ton texte, je viens de lire la page 1 … nous sommes en coeur à coeur. Drôle Nicole, j’ai écouté aussi le Rorate ce matin, nous sommes reliées les un(e)s aux autres… Bisous du soir.
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Nous n’avions pas ce rituel
Une maison juste heureuse
Mais point de Messe à Minuit
Juste la grande famille réunie
Mais j’ai assisté plus tard
Car même athée
J’aime ces moments de communion
Village réuni …
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oui beaucoup de touristes à Pâques et à Noël, ces jours-là l’église était bondée 😉
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J’aime tes souvenirs, Adrienne.
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Merci.
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Nous n’avions pas de messe de minuit chez nous et les cadeaux étaient distribués le 4 décembre au soir et non le 25 au matin…J’aime beaucoup ton texte.
Bon après-midi,
Mo
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Merci, bonne journée !
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Merci pour ta participation, Adrienne.
Tu t’en es très bien sortie. On ne voit (presque) pas la contrainte.
Bon, c’est sûr que quand c’est la Saint Nicolas qui est fêtée…
c’est plutôt « Décembre et les six jours de Juliette ».
L’attente est moins longue !
J’ai dans ma famille plusieurs personnes qui fêtent aussi ce début de décembre
(l’une aux Pays-Bas, d’autres en Alsace).
Vive la variété !
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L’attente est la même, elle commence juste plus tôt 😉
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Les bibelots sur ma cheminée sont parfois un peu cachés par les babioles plus récentes mais ils surgissent comme ça sans crier gare, comme dans mon billet du jour!
Les tiens sont toujours émouvants et tu sais si bien nous les raconter!
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Ils surgissent à tout propos, c’est sûr 🙂
Bises, bonne journée !
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Un calendrier de l’avent boudé pour lui préférer une nihil-liste, en voilà une riche idée, Adrienne.
Une magie demeure, celle des émotions que tu égrènes ici avec brio, chapeau (de lutrin) !
Zoubis, Mamie 😘🌲🎁
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merci, même si je ne suis pas Mamie 😉
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quand je parle d’une grand-mère, c’est de la mienne qu’il s’agit, ma grand-mère Adrienne 🙂
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Oups ! 😳😅 🤣
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Beau texte. C’est drôle, en lisant ton texte, les commentaires et dans d’autres AI, je retrouve beaucoup de choses que j’ai vécu. Je ne sais pas si on retrouverait maintenant cette communion dans tous les foyers du pays.
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c’est sur une telle remarque que Ronsard s’impose: « le temps s’en va, le temps s’en va, Las, le temps, non, mais nous nous en allons »
😉
merci d’être passé et d’avoir fait un commentaire!
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La mémoire, le meilleur tremplin vers le renouveau.
Et je suis bien d’accord pour que tout le monde ne soit pas d’accord.
L’idée de tourner les mots à inclure en décollant l’étiquette du rite, bravo.
Il ou elle n’est pas ceci ou cela.
Je n’y aurais pas pensé.
Un agenda d’Adrienne en janvier à proposer ?
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merci, j’ai choisi de faire du positif avec des phrases négatives 😉
et non, je ne propose pas, je ne me sens pas à la hauteur
Merci d’être passé(e)!
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Bravo Adrienne. C’est vrai que chez nous Saint-Nicolas passe pour les enfants avant le Père Noël mais l’important est de passer de bons moments en famille.
Je te souhaite de doux derniers jours de 2023.
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merci, bonne fin d’année à toi aussi et plein de moments d’écriture en 2024, puisqu’ils sont signe que tout va bien 🙂
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Très beau texte tout en contraste. Je ressens bien la force des émotions éveillée par l’évocation de vos souvenirs.
Bonne et douce fin d’année ! Surtout, que votre année 2024 soit heureuse.
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Merci, c’est très gentil!
Bonne année à vous aussi.
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Bonjour Adrienne,
la foule en délire te propose d’animer l’agenda ironique de janvier ; es-tu volontaire ?
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Oh! Désolée pour cette « foule », que je remercie, bien sûr, mais je laisse cet honneur au vrai gagnant, qui est Tiniak!
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Tant pis pour la foule ! 😂Je préviens Tiniak !!
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