V comme visionner

Voilà, vous voyez l’époque.

On ne disait pas encore qu’on allait « visionner » un film.
On disait voir.
Ou regarder.

On ne disait pas non plus qu’il fallait « solutionner » les problèmes.
On disait: résoudre.

Par contre on était fous d’Amérique.
Les libérateurs!
Leur musique.
Leurs cigarettes.
Leur coca cola.
Leur cinéma.

Oui, c’est comme ça que ça a commencé.

Qu’on s’est tous mis à l’anglais.

I love you baby yeah yeah yeah 🙂

Merci à Bricabook pour la photo de la consigne 428 qui m’a permis ce clin d’œil à la jeunesse de mon père!

V comme Vrouw

Une autre des chansons proposées par Joe Krapov est une chanson enfantine d’origine hollandaise.

Ce texte aujourd’hui nous interpelle plus que lorsque nous avions huit ans – quoique… mini-Adrienne était déjà un peu féministe à l’époque 😉 mais apparemment on le fait toujours chanter aux petits Hollandais.

Comment expliquer en peu de mots où ça coince?

D’abord, c’est une question de vocabulaire.
Pour désigner une femme, le mot en néerlandais est vrouw.
Ici on emploie le mot wijf, qui est un synonyme à connotation fortement péjorative.

Ensuite on fait rimer oude wijven avec kijven: les vieilles femmes, que font-elles? criailler, se disputer, faire des reproches…
Plus jamais, jure le charretier, je n’emmènerai des vieilles au marché!

Il décide de ne plus emmener que des jeunes filles: elles sont gaies et chantent 🙂

V comme vive les maths!

En revenant à pied de son deuxième jour de dog-sitting, l’Adrienne a bien sûr remarqué le décor peint sur la fenêtre d’une maison.

– Tiens, se dit-elle, voilà qui va intéresser mes amis matheux!

Une petite auto arrivait justement, prenait l’allée, et une jeune femme en est descendue, a sorti le maxi-cosy avec son bébé bien emmitouflé, la conversation pouvait être engagée:

– Vous permettez que je prenne une photo de votre fenêtre? a demandé l’Adrienne.
– Bien sûr! c’est là pour ça!

Puis elle a invité l’Adrienne à s’approcher, à venir dans le jardin, et en effet, il a fallu au moins prendre six photos de plus près, de gauche, de droite, avant d’avoir celle-ci où tout est à peu près lisible.

– J’ai une paire d’amies profs de maths, dit-elle à la jeune femme, ça va leur faire plaisir!
– Oh! j’espère que tout est correct!

Il y a des gens, tu leur dis le mot ‘prof’ et ils paniquent par peur de la ‘faute’ et du stylo rouge…

– Mais en principe tout est bon, dit-elle après réflexion, ça devrait être correct.
– Ne vous inquiétez pas, a ri l’Adrienne, mes amies vous le diront!

Ce que l’Adrienne voit surtout, c’est que le bébé est un petit garçon qui s’appelle Gust 🙂

V comme vive la famille!

On m’appelle l’homme des bois et non, ce n’est pas une légende.

Ce n’est pas le Hollandais du 17e siècle qui a mal compris le langage local ou mal interprété ce qu’il entendait pour la première fois.

Le malais et le javanais me donnent ce nom depuis le premier millénaire: urang, qui veut dire homme, être humain, et hutan, qui désigne les bois, la forêt.

D’ailleurs, vous le savez bien que nous sommes frères.
Ou plutôt cousins, pour être exact.
Vous êtes frères des chimpanzés et des bonobos, que ça vous plaise ou non.

Vous m’avez vu faire face aux machines venues détruire les arbres qui m’abritent et me nourrissent.
Geste désespéré et dérisoire, je le sais bien.
Je suis assez intelligent pour le savoir.
Mais on fait de ces choses désespérées quand on l’est.
Vous comme moi.

Vous le savez bien, pourtant, que je suis sur la liste rouge, celle des animaux menacés, en danger critique d’extinction.

Merci à Joe Krapov pour sa consigne, je lui avais envoyé un de mes dessins du temps où Bruxelles brusselait et l’Adrienne dessinait 😉

Tout savoir sur l’origine du mot orang-outan? c’est ici.

V comme vivre heureux

Aujourd’hui, dit Joe Krapov, nous poursuivons l’écriture de notre propre « Dictionnaire de la bonne humeur« .

Il nous demande de lister cinq noms de célébrités (auteurs-autrices, acteurs-actrices, chanteurs-chanteuses, personnages de fiction, de bandes dessinées, autres) qui nous mettent de bonne humeur, d’en choisir une ou deux et d’expliquer pourquoi ou comment leur existence nous réjouit.

– Fastoche! se dit l’Adrienne, qui voit surgir des noms en foule, le premier étant celui de l’ami Gaston Lagaffe.

Mais aussitôt elle se ravise: tant de fois déjà elle lui a consacré un billet! déclaré son amour!

– Mozart, alors, se dit-elle.

Mozart? Sans blague? Celui pour qui elle irait jusqu’à inventer la machine à remonter le temps, histoire de lui éviter sa mort prématurée?

(« Non, l’ami! pas touche à ces boulettes de porc! oui je sais que tu adores ça, mais crois-moi, pas aujourd’hui! pas celles-ci! » et voilà, le tour est joué, il peut encore composer des tas d’œuvres possiblement encore plus géniales)

Soupir.

Tous ceux qui la rendent heureuse, par leur musique, leur humour, leur présence passée ou présente, les amis, les anciens élèves, les grands-parents, la Tantine… tous ont déjà eu largement leur place ici et il en sera sûrement encore question.

Même Jean-Luc Fonck 🙂

Alors le billet se termine ainsi, avec un mot de gratitude pour tous ces gens-là, porteurs de bonheur, et pour Joe Krapov, qui nous permet de faire la consigne de manière scrupuleuse ou de la faire comme nous voulons 😉

***

photo prise à Ostende, cabine de plage 🙂

V comme village

Le dimanche après-midi on s’offre un cruchon chez Firmin, tous les quatre, et Edmond apporte le journal.

Il est le seul à savoir lire alors on compte sur lui pour nous dire les nouvelles du monde.

On ne comprend pas tout, ça parle surtout de gens et de pays qu’on ne connaît pas, mais on écoute et on s’intéresse.
Et puis ça fait passer le temps.

On a bien senti dès le début que l’Émile était fort nerveux, même s’il prétendait que non, il n’arrêtait pas de se tortiller sur le banc pour voir la route, comme s’il guettait quelqu’un ou quelque chose…

Edmond s’est arrêté de lire et a doucement posé sa main sur son bras:

– C’est aujourd’hui que ta fille revient de Paris, peut-être? il lui a demandé, mais l’Émile a fait la sourde oreille.

Poings serrés.
Mâchoires serrées.

Sa fille a trouvé du travail à la capitale, il en était bien fier d’ailleurs, quand elle est partie, pourtant il n’aime pas qu’on en parle.

***

Merci à Monsieur le Goût pour son 183e devoir:

Cette toile d’Émile Friant m’a frappé car elle me dit quelque chose.
Mais quoi ? La discussion semble animée autour de ce pichet de vin.
Sur quoi peut-elle bien porter ?

V comme Vinau

Les rideaux d’or et d’ombre 
adoucissent le temps
nous partageons nos corps 
avec des choses étranges
des douleurs des espoirs 
des peurs et des souvenirs
nos nourrissons nourris d’un drôle d’appétit
les mouches aux plafonds 
les questions dans les cendres
nous avons donné des noms aux fleurs 
aux lapins 
aux secondes
nous avons inventé chansons chaussures 
et confitures
nous jouons à tourner 
nos yeux fermés vers le ciel 
en comptant les couleurs 
qui n’existent pas
à sentir l’haleine des fantômes
à tuer les étoiles
sans jamais cessé d’être habités 
par ce qui nous manque

Thomas Vinau, sur son blog, le 23 août.

Cette fois sans traduction en néerlandais 😉

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tous les billets sur Thomas Vinau ici.

Photo de l’été 1932, à peu près.

V comme Vanden Broecke

Sous les arcades des Venetiaanse Gaanderijen il y a toujours de chouettes expos de photos et cette photo-ci était particulièrement attirante grâce à la citation de Bernard-Marie Koltès par l’acteur flamand Bruno Vanden Broecke.

Dans l’interview qui a paru en mars 2021 dans le Standaard (rappelez-vous, pandémie, théâtres fermés…) il explique « ça fera bientôt quatorze ans que je porte en moi cette citation de Bernard-Marie Koltès » reçue d’un ami alors qu’ils travaillaient à une représentation de la pièce de Koltès, Dans la solitude des champs de coton.

« Sur scène il ne faut pas se montrer triste, il faut montrer qu’on essaie de ne pas pleurer » explique-t-il.

Et aussi: « Ne reste pas accroché dans la déprime s’il t’arrive un malheur, ressaisis-toi. La mort de ma mère quand j’avais vingt-cinq ans a été un des coups durs de ma vie mais paradoxalement ça m’a aussi donné de la force. Je la vois encore devant la fenêtre un matin de mars, elle ne savait pas si elle tiendrait jusqu’à l’été. Nous savions que c’était son dernier printemps, la dernière fois qu’elle verrait des fleurs s’épanouir. »

Mais elle arrivait à jouir de la beauté de l’instant et a dit: « Regarde! L’herbe est si verte! »

***

‘Al bijna veertien jaar draag ik deze uitspraak van de Franse theaterauteur BERNARD-MARIE KOLTÈS mee. Mijn boezemvriend Raven Ruëll reikte me ze aan tijdens onze heropvoering van Koltès’ stuk In de eenzaamheid van de katoenvelden. Het is een waardevol inzicht voor mijn vak: op het toneel moet je immers niet tonen dat je triest bent, je moet tonen dat je probeert niet te wenen.’

‘Zoals een prisma kun je dit citaat van allerlei kanten bekijken. Wat er ook in zit: blijf bij tegenslag niet hangen in zwaarmoedigheid, herpak jezelf. De dood van mijn moeder op mijn 25ste was een van de hardste klappen in mijn leven, maar paradoxaal genoeg heeft het me ook veel kracht gegeven. Ik zie haar nog voor het raam staan op een ochtend in maart, toen ze niet wist of ze de zomer nog zou halen. We wisten dat dit haar laatste lente was, de laatste keer dat ze bloemen zou zien uitbotten. Ze zei: “Maar Bruintje, kijk! Dat gras is zó groen!” (glimlacht) Ze was de schoonheid van de dag intens aan het drinken … Natuurlijk moet je soms bezig zijn met de toekomst, maar het is zonde om zo vaak voorbij te gaan aan het potentiële geluk in het hier en nu.’

‘De dingen die mij helpen als het minder gaat – lezen, muziekmaken, lopen … – maken dat ik niet bezig ben met wat morgen komt. Iedereen krijgt klappen in dit leven, ieder van ons heeft weleens het gevoel van een vrije val. Maar ik blijf nooit meer te lang in negatieve gevoelens hangen: elke hartslag is er toch één dichter bij je laatste.’

Vergezeld van een oude Hasselblad-camera reist Alexia Leysen van mens tot mens, op zoek naar ieders comfort words : woorden die kracht geven wanneer het leven moeilijk doet.

V comme voyage, voyage

– Je ne comprends pas, dit la mère de l’Adrienne au téléphone, toi qui aimes tant le train, pourquoi tu veux absolument venir en auto!

Il faut trois secondes à l’Adrienne éberluée pour savoir comment y répondre calmement:

– Mais tu sais bien qu’il y a ces cadres? Ces deux peintures que tu voulais garder?

Sans compter qu’ils encombrent le couloir depuis deux ans. Le plus grand fait 128 cm sur 100, même pas sûr que ça y rentre, dans la voiture achetée spécialement avant les vacances au lieu d’attendre la fin de l’année.
Et qu’il y a aussi un gros sac avec des affaires que la mère avait oubliées à l’appartement, le jour du départ et qu’elle a bien demandé de lui apporter.
Comment mettrait-on tout cela dans une valise dans le train?

– Oh! fait-elle, ces cadres! Tu peux les garder!

Et elle ajoute même:

– Tu n’aurais jamais dû les prendre chez toi!

Faites donc plaisir au gens 😉

***

Bref, aujourd’hui l’Adrienne prend la route pour aller passer huit jours chez sa mère.

V comme von Stackelberg

C’est tout de même incroyable, se dit l’Adrienne, cette désinvolture, cette évidente facilité avec laquelle certains s’approprient les biens culturels d’autres, pour leurs propres musées et pour leur propre commerce, et ceci non seulement dans des régions lointaines auxquelles on se croit supérieur, mais aussi en Europe et jusque dans ce fameux « berceau » de notre civilisation qu’est la Grèce!

Stupéfaite, oui, une fois de plus 😉 de constater que chaque expédition archéologique en Grèce, jusqu’au 19e siècle, a agi de cette façon: on y va, on prend ce qui est transportable, on revend ce qui a de la valeur marchande.
Comme c’est « à la mode », on n’a aucun mal à trouver des musées et des particuliers prêts à y mettre le prix.

C’est donc aussi ce qui est arrivé à Bassae, avec une « expédition » – qui était une sorte de « Grand Tour » – organisée principalement par des Britanniques et à laquelle participait Otto von Stackelberg, qui a fait de merveilleux dessins qu’on peut voir ici, comme l’illustration ci-dessus.

Pour ceux que ça intéresse, la biographie de von Stackelberg et des infos sur l’expédition sont ici.

Détail frappant – mais est-ce un détail? – les Grecs vivant sur place aux alentours de Bassae, font à tous ces gens qui viennent les dépouiller de leurs « antiquités » et autres « vieilles pierres », le meilleur accueil.

Von Stackelberg raconte dans son journal comment le dimanche, bergers et bergères viennent chanter dans le temple d’Apollon – reconnu par l’Unesco depuis 1986 – accompagnés de la lyra et danser le syrto de la région: hommes et femmes dansent ensemble mais ne se touchent pas, ils forment une ligne en tenant à la main une longue bande de tissu qui, pour von Stackelberg, est un rappel du fil d’Ariane.