Être octogénaire et avoir encore ses deux parents en vie, si vous croyez que c’est impossible, allez voir à Houthalen-Helchteren!
Un couple de presque centenaires vient d’y fêter ses noces de chêne, c’est-à-dire quatre-vingts ans de mariage.
Comme ils disent gaiement dans l’interview, « ‘t was van moeten« , c’était la case obligée, un bébé était en route, qu’ils avaient fabriqué pendant l’hiver 42-43.
Parce que vous savez comment ça va, ajoute le fringant Eduard, 99 ans sous sa moustache et son nœud papillon, il la trouvait bien mignonne, la sœur d’un de ses amis, « en van het een kwam het andere« , une chose en amène une autre.
Le jeune papa avait 19 ans, la jeune maman 17 et c’était pour tous les deux « eerste liefde« , le premier amour.
Encore jusqu’à aujourd’hui, conclut Angeline: « het leven kan mooi zijn« , la vie peut être belle.
Normalement, au début de janvier, vous avez deux possibilités: soit la fête a lieu par un froid de canard et les plus heureux sont ceux qui ont prévu un déguisement sous lequel ils peuvent porter trois couches de pulls ou même une vraie doudoune; soit le temps est doux sous sa couverture de nuages et alors il pleut, auquel cas il vaut mieux avoir prévu un déguisement imperméable.
Par contre, ce qui était inenvisageable, c’est ce qui est arrivé ces dernières années, rappelez-vous, ce mal que le ciel en sa fureur inventa pour punir les crimes de la terre et qui a donné lieu à tout un nouveau vocabulaire, assez de nouveaux mots pour remplir plusieurs abécédaires, de A comme ARN-messager à Z comme zoonose, oui celui-là donc avait empêché les festivités.
Bref, cette année il faisait exceptionnellement doux.
Et un peu pluvieux.
Mais comme vous pouvez le voir, Nathalie et ses amis avaient la frite 😉
Vous le savez, quand on va à une expo, c’est pour découvrir des choses, les voir de près, les voir en « vrai », les scruter, se documenter.
Le plus souvent, on apprend aussi des choses auxquelles on ne s’attendait pas.
Par exemple à l’expo à la KBR on apprend que notre province de Hainaut, en espagnol, se dit Henao.
– Mais que diable… vous demandez-vous.
Et bien c’est simple: l’Adrienne aime avoir un fascicule explicatif sur papier. Il y en avait en deux langues. Allemand ou espagnol? Vous avez compris 🙂
***
Tout savoir sur les Chroniques de Hainaut? C’est ici.
Vous y trouverez également l’illustration ci-dessus, le document entier est numérisé et consultable ici.
Pour la « véritable histoire » de la succession du Hainaut, c’est ici.
En pénétrant dans la pièce, on ne peut que la voir, énorme, occupant toute la cheminée de marbre gris, avec le grand miroir derrière, ses lianes touchant presque jusqu’à terre, en pleine floraison:
– Quel magnifique hoya carnosa! s’exclame spontanément l’Adrienne. – Euh… Quoi? demande Barbara. – Oh pardon! fait l’Adrienne, qui s’excuse quand les autres la bousculent ou lui marchent sur le pied, donc a fortiori quand elle emploie un mot qui peut sembler pédant.
Hélas, elle est ainsi faite, elle aime connaître le nom des choses et les mots exacts, mais il vaut souvent mieux garder toute cette « science » pour soi.
Heureusement, Barbara ne s’en formalise pas:
– Oh moi je n’y connais rien en plantes, j’essaie juste de ne pas les faire mourir, ce qui ne réussit pas souvent.
Mais là, avec le hoya carnosa, elle a de la chance: c’est vraiment très résistant. L’Adrienne le sait, elle en avait un dans la maison d’autrefois, où il y avait de la place pour des tas de plantes, même des géantes comme le philodendron ou l’araucaria, un exemplaire magnifique qu’elle avait reçu tout petit et qui touchait le plafond.
Puis il a fallu partir et elle a tout donné. Dans la maison de ville, il y a à peine la place pour quelques orchidées.
Hier pour la première fois nous n’avons pas pu lui parler, la voir, l’embrasser pour lui souhaiter son anniversaire. Elle nous manque beaucoup. A son mari, à ses enfants, à ses petits-enfants et à l’Adrienne, qui l’appelait sa Tantine.
Hier chez l’ostéopathe, quand l’Adrienne expliquait que ses crampes d’estomac ont commencé la nuit où elle a été l’auditrice (très) involontaire d’une violente dispute entre ses voisins, dispute à laquelle assistait aussi une petite fille qui logeait chez eux, l’ostéopathe lui a demandé pourquoi ça la touchait tellement et la réponse « parce que c’est un enfant! on ne peut pas faire ça à un enfant, ça me déchirait le cœur de l’entendre éclater en sanglots » ne l’avait pas satisfaite.
Probablement, disait-elle, que ça touchait quelque chose de plus personnel, un souvenir de sa propre enfance, peut-être?
Évidemment que l’Adrienne a un souvenir d’enfance comme celui-là. Qu’elle a été témoin d’une dispute violente, à l’âge de sept ans, assise dans un coin de la pièce où les trois adultes l’avaient apparemment oubliée et se lançaient les unes aux autres leurs « quatre vérités ».
Les trois adultes de la photo ci-dessus. Et l’adorable Tantine est celle du milieu, bien sûr 🙂
– Ah! tout de même! tout de même quelqu’un! – Maman, je te signale qu’on est là tous les jours… – Ferme la porte!
Elle le sait bien, pourtant, que sa vieille maman « est perdue dans sa tête » comme elle-même le disait à propos de sa propre mère. Que tous ses souvenirs des dernières décennies sont noyés dans un magma affolant. Que le jour viendra où elle ne se souviendra plus du nom de ses enfants, elle qui les a tant aimés. Que cette perspective effrayante l’attend sans doute aussi et qu’elle fera vivre à son fils ce qu’elle vit en ce moment: une vieille maman tout usée, qui ne trouve plus rien et s’effraye de tout. Qui pleure quand elle a un moment de lucidité. Et à d’autres moments ne sait plus que cette jeune femme attirante, brune et souriante sur la photo à côté de ce jeune homme aux yeux bleus, c’est elle.
Qui veut qu’on ferme la porte quand elle est ouverte et qu’on l’ouvre quand elle est fermée.
– Vieillir comme ça, disait-elle à propos de sa propre mère, mieux vaut mourir!
Encore une histoire de porte. Celles qui donnent sur de nouveaux mondes. Celles qui donnent sur des mondes anciens. Ce qui serait chouette, c’est que vous réussissiez à y mettre les mots: attirer – affoler – effrayer – fermer – ouvrir – trouver – aimer – perdre – mourir – noyer.
Peu importe le temps, le mode, ou que ces verbes soient usés de façon pronominale ou non.
Dominique nique nique chantait mini-Adrienne à une époque où les moins de vingt ans ne connaissaient pas encore le terme argotique, devenu si banal aujourd’hui qu’on peut entendre une jeune maman parlant de sa fille de dix mois: « Elle a complètement niqué sa robe! » *soupir*
Réflexe de prof, sans doute, Madame aurait préféré entendre « Elle a sali sa robe » ou « sa robe est bonne à jeter » et toutes les gradations entre ces deux.
Misère de la langue française! Petit frère s’est bien adapté et dit désormais lui aussi « Donne-lui pas ça! », histoire de se fondre dans le décor ambiant.
Fatalement, les oreilles de l’Adrienne ont tinté toute la journée, à cette fête avec 120 personnes 😉
Solécisme, c’est comme ça que ça s’appelle, quand on emploie de manière fautive une forme grammaticale existante. Mais bien sûr on a gardé le silence. On n’a pas fait sa prof 😉
La faute à qui ou à quoi, si tous là-bas disent « mets-toi pas là! » au lieu de « ne te mets pas là »? Pourquoi de telles erreurs alors que c’était parfaitement à la portée des petits Flamands de Madame?