Question idiote

Selon le site où on l’a trouvée, cette photo daterait de l’ère victorienne, donc de la seconde moitié du 19e siècle.

Le geste que font ces dames, se frotter les deux index l’un contre l’autre, à plusieurs reprises, aurait comme signification « shame!« , honte sur toi.

Il y a eu un gros déclic dans la tête de l’Adrienne (oui oui 😉 ) parce que ce geste-là se faisait aussi dans la cour de récré de l’école primaire, fin des années 60.

Si elle se souvient bien, c’était une forme de moquerie.
Une façon de traiter l’autre de bébé ou de minus.
Mais les souvenirs sont flous.

Ce qui étonne l’Adrienne avec cette photo, c’est qu’apparemment ce geste existait déjà un siècle plus tôt et dans d’autres pays de par le monde: ce cliché se retrouve sur les réseaux sociaux où des gens d’est en ouest, de la Tchéquie aux USA, réagissent exactement comme l’Adrienne, « Ah! oui! j’avais oublié mais on faisait ça quand on était petits! »

D’où la question idiote qu’elle se pose: comment ces petits gestes voyageaient-ils d’une cour de récré à l’autre, de pays en pays, quand il n’y avait ni internet ni autres tiktokeries pour les populariser?

Question de titre

Les sculptures étaient des assemblages de bouts de bois ou de pièces métalliques et l’Adrienne – qui aime « comprendre » – allait de l’une à l’autre lire les titres des œuvres, espérant y trouver une clé pour les comprendre.

Mais la plupart avaient une étiquette « Sans titre » et une autre disait joyeusement « à vous d’en proposer un« .

Bon, s’est-elle dit, je lui pose la question idiote ou je me retiens?

Alors évidemment elle la lui a posée, vu qu’on pouvait supposer qu’il était venu là pour ça, l’artiste.

– Dites-moi, fait-elle en essayant de ménager les susceptibilités du créateur, quand vous réalisez une œuvre, vous partez d’une idée ou l’idée vous vient au fur et à mesure? … De façon presque organique, en quelque sorte? … Selon le matériau utilisé? … Puisque je vois qu’il y a beaucoup de matériel de récupération, non?

Avec après chaque point d’interrogation « un blanc », joint au regard interrogateur, pour lui laisser le temps de réagir.

Hélas, il ne réagissait pas.

Puis il finit par dire:

– J’aime bien voir ce que les gens proposent, comme titre.

Alors elle en a conclu que si ses œuvres sont « Sans titre« , c’est qu’il ne faut pas chercher ce qu’elles représentent 😉

Ce qu’il a en quelque sorte confirmé un peu plus tard en disant:

– On peut y voir ce qu’on veut, en fait!

***

Par contre celui qui a fait le dessin en illustration ci-dessus savait ce qu’il représentait et ne laissait pas le choix du titre au spectateur 🙂

Question existentielle

Chaque mardi après-midi depuis l’automne dernier, l’Adrienne traverse ce quartier où elle n’était plus allée depuis l’enfance.

Chaque fois elle passe devant la boucherie qui a été celle du père de son grand-père, là où armé de grands couteaux et ceint de deux tabliers blancs officiait le grand-oncle Marcel.

Voilà bien longtemps qu’il a pris sa retraite, bien longtemps qu’il est mort, la boucherie est morte avec lui mais elle est toujours reconnaissable et chaque fois l’Adrienne se demande s’il reste, derrière ces rideaux tirés, des éléments du décor d’autrefois.

Le grand comptoir de marbre gris blanc.
L’épaisse porte en bois de la glacière où à d’énormes crochets pendaient des demi-bœufs.
Le billot creusé par l’usage et les nettoyages.

L’autre jour, la porte du magasin était entrouverte.
On avait fait des courses, on déchargeait une voiture mal garée.

L’Adrienne a réprimé une forte envie de traverser la rue et de jeter un œil à l’intérieur de cet endroit où avec ses grands-parents, toute petite fille, elle venait passer une partie du samedi après-midi.

***

Merci à Bricabook et à Fred Hedin pour la photo 430!

Question existentielle lunaire

Vous savez ce que c’est avec les rendez-vous: il s’agit de ne pas se rater et ça commence par avoir une montre qui marque l’heure exacte.
Qu’elle ne soit pas à l’arrêt faute de piles.
Qu’elle ne soit pas à l’heure d’hiver quand on est passé à l’heure d’été, ou le contraire.

La semaine passée, l’Adrienne a pu prendre connaissance dans la presse de ce problème crucial… sur la lune.

Puisque dans un avenir relativement proche des équipes diverses – européennes, américaines… – devront s’y rencontrer, il faudra qu’elles mettent leurs montres à l’heure… lunaire.

Donc les divers pays participant à des programmes sur la lune devront se mettre d’accord sur le même temps lunaire, la même façon de le calculer, pour tous, au lieu de procéder comme ils l’ont fait jusqu’à présent, chacun à sa manière.

Comment va-t-on y arriver?

En installant tout un dispositif qui est bien expliqué ici.

Le seul ‘hic’, c’est que tout ça n’est qu’au stade du projet, avec encore des tas de décisions à prendre sur où, quand et comment l’installer.

Question existentielle

Hier l’Adrienne était dans le train et trois dames devisaient sans crainte d’être entendues.

Pourtant deux d’entre elles disséquaient allègrement la vie amoureuse de leurs filles respectives et quand Bruxelles était presque en vue, la vieille dame qui les accompagnait – leur maman – a commencé à évoquer son désir de léguer une partie de son bien à ses petits-enfants, grâce à une vente immobilière qu’elle réaliserait.

Les filles trouvaient qu’il valait mieux que ce soit elles qui héritent – beaucoup plus simple, disaient-elles, et après nous ça va de toute façon à nos enfants.

Pas folles, les guêpes 😉

Bref tout ça était extrêmement intéressant et l’Adrienne s’est demandé si ces wagons « silencieux » auxquels pense la SNCB pour un futur proche étaient vraiment une si bonne idée 😉

Question existentielle

Le Faune:

« Cette nymphe, je veux l’emballer.
Peau claire,
Cheveux légers qui voltigent dans l’air
Elle me rend fou.

Aimai-je un rêve?
Mon doute s’achève
Fini d’être subtil, elle verra de quel
Bois je me chauffe, et je lui prouverai que moi seul triomphant
Lui ferai une nuit parfumée de roses.

Réfléchissons…

Oui les femmes dont je rêve
Parlent à mes sens fabuleux!
Faune je suis et j’aime les yeux bleus
Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste:
La rousse, tout soupirs, forme avec moi ce contraste
Comme brise du jour contre haleine de la nuit.
Elle, immobile et lasse, en pâmoison
Suffoquant de chaleur sur ma mobylette,
Me murmure des mots qui ne laissent aucun doute !
Au bosquet je l’emmène; et le seul vent
Accompagnera nos soupirs et nos gémissements. »

C’est ainsi que vers l’horizon filait le faune
Fier et serein sur son nuage artificiel
De la fatuité qui s’imagine au septième ciel.

O vanité ! Tu saccages
Les fleurs et les étincelles,
Les songes creux, les EGO domptés :
Pas de talent; que du pipeau,
Alors on se sauve
Ou on plonge…

Pauvre Faune qui se voit dans l’heure fauve
Avec ce doux rien par leurs lèvres ébruité,
Le baiser, qui tout bas des perfides assure,
Et qui n’est que morsure
Trouble de la joue,
Rêve de beauté, chant crédule,
Songe ordinaire…

Avec un cri de rage la belle
A la splendide chevelure rousse
Meurtrie entre des bras hasardeux et frivoles,
En courroux comme une vierge outragée
Et farouche
Veut fuir en un éclair
Laissant le faune à sa frayeur:
L’inhumaine qui faisait sa timide
L’innocente aux yeux humides
De larmes folles ou de moins tristes vapeurs.

« Ton crime, éructe-t-elle, c’est d’avoir
Divisé la touffe échevelée
Que je gardais si bien mêlée:
Car, à peine m’avais-tu touchée
Par un doigt simple, dans ma candeur de plume
Pour que je naisse à l’émoi qui s’allume,
Moi, naïve et ne rougissant pas:
Que de tes bras à jamais je me délivre !
Tant pis! vers le bonheur d’autres m’entraîneront
Je me ferai des tresses de leur passion,
De leurs éclats et de leurs murmures;
Eux au moins sauront me saisir,
Et satisfaire mes éternels désirs. »

Envoi :

Couple, adieu; je vais voir l’ombre que tu devins.

***

Écrit pour le devoir 147 de Monsieur le Goût – merci à lui – qui demandait d’utiliser ce vers final de l’Après-midi d’un faune et cette toile de Joseph Lorusso.

Question existentielle

La petite école où Madame s’occupe de deux enfants chaque mardi est un bâtiment vétuste: vieux radiateurs individuels, fenêtres à simple vitrage, tout absolument tout y a des odeurs d’autrefois et bien sûr d’où devraient venir les moyens de moderniser, n’est-ce pas, on a déjà besoin de tous les fonds disponibles pour qu’il y ait des ordinateurs, des jeux éducatifs et tant d’autre matériel scolaire, ou pour payer les factures d’énergie.

Dès la première fois, Madame avait évidemment observé les toilettes: elles sont à l’image du reste et il ne faut en jeter la pierre à personne. C’est comme ça: l’école fait ce qu’elle peut.

Quarante ans passés comme prof après toutes les autres années passées comme élève suffisent amplement pour savoir que le problème est complexe et reste un problème.

Même si dans l’école de Madame les toilettes des années 1950 ont été complètement rénovées, combien de fois le personnel d’entretien n’est-il pas venu se plaindre…

On fournit du papier hygiénique en suffisance?
Un rigolo en profite pour boucher les WC.
Il y a de beaux lavabos avec savon et papier?
Un autre rigolo fabrique une pâtée pour boucher les éviers.
Ou exprime sa créativité par des graffitis sur les murs ou les portes.
Etc.

A l’occasion de ce 19 novembre, qui est – Madame vient de l’apprendre – la journée mondiale des toilettes, une nouvelle enquête a été réalisée pour savoir pourquoi tant d’enfants se retiennent d’aller aux toilettes dans leur école.

Il s’agit de 7 enfants sur 10, en Belgique.
Une enquête similaire en France parlait de 8 enfants sur 10 et les causes sont toujours les mêmes: vétusté, manque d’intimité, de propreté, de temps…

Question existentielle

C’était le début des années nonante et l’Adrienne se promenait en ville avec sa grand-mère qui ne cessait de s’exclamer, chaque fois qu’elle voyait apparaître un nouveau chantier ou s’élever des étages de béton:

– Encore des appartements!

Et elle ne manquait jamais d’ajouter la question qui restait sans réponse:

– Mais qui va habiter là-dedans?

Trente ans plus tard, il y a toujours des chantiers pour de nouveaux blocs d’appartements qui se construisent, jusque dans la rue de l’Adrienne où un ensemble de six blocs porte le nom charmant de « parc » et chaque fois qu’elle passe devant, c’est-à-dire tous les jours, l’Adrienne pense à la question de sa grand-mère: est-ce que tout ça trouvera acquéreur?

Alors vendredi soir, assise avec une maman d’élève à la terrasse d’un café – oui ces jours-ci même en Belgique à la mi-octobre on peut passer une soirée en terrasse non chauffée et même sans manteau – quand vendredi soir leur regard à toutes deux s’est porté sur un nouveau bloc d’appartements au coin de la grand-place, elles ont exprimé la même pensée, sauf que chez l’autre dame la question lui vient de son père:

– Mais qui va habiter dans tous ces appartements?

***

photo prise dans ma rue, la démolition d’une villa avec usine et cheminée d’usine, pour construire six blocs d’appartements. Le beau saule pleureur n’a pas survécu non plus.

Question existentielle

– Bon, voyons ce questionnaire.

Il s’est assis sur un des bancs derrière l’église, a croisé les jambes et chaussé ses lunettes.
Il avait pris soin d’imprimer le feuillet qu’on lui avait envoyé les jours précédents.
Tout un questionnaire, qu’il relisait au moins pour la troisième fois, toujours avec un étonnement croissant.

Non, il n’en comprenait pas vraiment le sens.

« Avez-vous une manie? »
« Quel est votre talon d’Achille? »
« Qu’est-ce que vous regrettez le plus? »
« Quel est le gros mot que vous dites quand vous êtes contrarié? »
« Êtes-vous adroit de vos mains? »

Non, franchement, il ne voyait pas le rapport entre ce questionnaire et ce boulot de croque-mort pour lequel il était venu se présenter.

***

Merci à Monsieur le Goût pour son 137e devoir :

Ce monsieur, peint par Jackie Knott semble… Semble quoi ? Il est d’un sérieux papal, soit. Mais encore ? J’espère qu’on en saura plus lundi, grâce à nos efforts communs pour lire sa pensée.

Questions existentielles

Madame est allée voir sa « doctoresse » préférée, celle qui est une charmante ancienne élève à qui elle a délégué la responsabilité de veiller à ce qu’elle ne meure pas du même mal que son père.

– Je compte sur toi, lui a-t-elle dit.

Même si évidemment il faudra bien qu’elle meure de quelque chose.

Puis c’est la secrétaire qui s’est occupée d’elle et comme une des questions était « vous prenez des drogues? » Madame n’a pu s’empêcher d’éclater de rire et – vous la connaissez – de s’étonner:

– Est-ce que vraiment vous pensez que les gens vous répondent la vérité, quand vous leur posez ce genre de questions?

***

Bref, le plus beau de l’histoire, c’est que ces questions sont inutiles: la prise de sang révèle tout.