Question existentielle

Vous aussi probablement recevez de toutes parts des appels aux dons et vous non plus ne savez pas à qui ni à quoi donner en priorité, Amnesty, la Croix-Rouge, les aveugles, les réfugiés, les parturientes congolaises… et ces derniers temps le monde culturel agite lui aussi de plus en plus frénétiquement la cloche d’alarme.

Ainsi l’Adrienne vient de recevoir cet appel de son ancienne université pour l’aider à restaurer et conserver un incunable.

On est d’accord, ce livre est un fort bel objet et mérite certainement sa survie pour la postérité. C’est déjà un miracle qu’il soit arrivé jusqu’à nous, les bibliothèques ayant une fâcheuse tendance à brûler et si la combustion n’est pas spontanée, les armées d’envahisseurs s’en chargent.

(Entre parenthèses, c’est un des plus lointains souvenirs d’Henry Bauchau, il en parle dans L’enfant rieur…)

Bref, cet incunable est le fruit d’un projet ambitieux de Bernhard von Breydenbach et un des tout premiers « guides de voyage illustrés » (1486). L’itinéraire du voyage en terre sainte est donné en détail et pour les illustrations, Bernhard von Breydenbach a emmené un artiste hollandais, Erhard Reeuwijk (son nom est germanisé en Reuwich).

On peut y voir les villes traversées, les populations rencontrées, des animaux encore inconnus du public européen de l’époque, comme la girafe, et y apprendre des tas de choses sur les différents lieux, langues, alphabets, coutumes…

Le voyage a débuté le 25 avril 1483 à Rödelheim et la boucle est bouclée un an plus tard, en février 1484 à Mainz.

A Venise ils ont pris le bateau pour Corfou, Modon (Methoni, dans le Péloponnèse) et Rhodes jusqu’à Jaffa (Haïfa). Ils ont bien sûr visité des lieux bibliques comme Jérusalem ou Bethlehem, sont passés par le désert du Sinaï pour se rendre au monastère Sainte-Catherine puis sont revenus par le Caire et Alexandrie, ont pris un bateau sur le Nil jusqu’à Rosette et sont retournés à Venise pour rentrer en Allemagne.

Ouf 🙂

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La photo d’illustration vient du site de la KULeuven – où on peut en voir d’autres – et montre la prof. dr. Lieve Watteeuw avec la vue de Jérusalem dans l’incunable Peregrinatio in Terram Sanctam.

P comme pléonexie

C’est le mot qui traduit le mieux l’anglais ‘greed‘ pour lequel jusqu’à présent l’Adrienne n’avait pas trouvé de bon équivalent en français: cupidité, convoitise, rapacité, avidité, c’est déjà assez significatif, oui, mais ça ne dit pas tout 😉

Pléonexie‘, donc, (du grec πλεονεξία) c’est « le désir d’avoir plus que les autres en toute chose« , dit Wikisaitout.

Pas étonnant par conséquent que le premier site où on trouve le mot soit un site de marketing puisque bien évidemment toute la publicité tourne autour de cette faiblesse humaine, vouloir plus et mieux que le voisin.

Pour ceux que ça intéresse, un article, un livre et deux vidéos ici 🙂

F comme Flirt Flamand

Les activités en intérieur sont encore interdites, sécurité sanitaire oblige? Qu’à cela ne tienne, la Foire du Livre de Bruxelles sera virtuelle.

Pas de longue queue donc pour la dame au chapeau (noir) qui lui sert d’armure – et au verre de champagne fétiche, mais rassurez-vous, elle ne partira pas ivre, la flûte pleine se réchauffe doucement sur le coin de la table…

Envol virtuel vers la Suisse, à l’honneur cette année, et une initiative belgo-belge qui, sous des airs légers, veut nous faire prendre conscience de ce qui se passe au niveau culturel chez ceux qui parlent l’autre langue nationale – ou plutôt l’écrivent.

Comment faire éclater cette frontière qui coince lecteurs et écrivains sous leur clocher?

Car comme l’écrit Jeanne Labrune, les rencontres font partie des Choses qui rendent heureuse:

« La mousse sur le café qui sort du percolateur.
Elle ressemble parfois au pelage d’un tigre du Bengale, parfois à l’écume de la mer.
L’amour avec quelqu’un qui ose aimer.
La mousse du savon. L’eau tiède sur la peau.
Le menton d’un homme couché et les lignes droites de son visage.
L’arrivée dans un pays étranger.
Une nuit blanche pendant laquelle on écrit.
La première neige qui tombe à gros flocons et le dernier jour de gel.
Le premier matin froid piquant et le premier matin tiède. »

***

La rencontre entre Amélie et Monsieur Neveu avec photo du chapeau et du champagne, c’est ici.

Écrit pour les Plumes d’Émilie – merci Émilie! – avec les mots imposés suivants: SAVON – CHAMPAGNE – IVRE – éCRIRE – éCLATER – INTéRIEUR – ENVOL – LINGER(E) – LéGER(E) – SéCURITé – COINCER – MOUSSE – AIR – AIGUILLE – ARMURE

E comme embarras du choix

Le magazine continue quotidiennement son ‘tip tegen de coronadip‘ qui a déjà été évoqué ici.

Le conseil de lundi dernier dit ceci: replongez-vous dans le livre préféré de votre enfance.
Laissez-vous emporter à nouveau par ce livre qui a réjoui votre enfance ou votre adolescence.

Excellent conseil, se dit l’Adrienne, mentalement déjà en route vers son grenier, là où il y a la boite de livres d’enfance.

Puis elle se ravise: prendra-t-elle un volume de Heidi ou de la Comtesse de Ségur?

Deux jours plus tard, elle n’a toujours rien décidé 😉

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Finalement, ce sera comme dans la pub des fromages belges: un peu de tout!

Z comme zoom alors!

Qui était-ce, parmi les commentateurs, à avoir signalé dernièrement l’importance et la présence des bibliothèques en fond visuel chez tous ceux qui sont obligés de montrer un peu de leur intérieur dans une de ces nombreuses visioconférences et autres sessions zoom?

Et bien, il/elle avait raison de le signaler.

L’Adrienne, qui avait surtout vu et écouté des musiciens jouer chez eux devant un mur blanc et une plante verte, vient de découvrir qu’aux Etats-Unis il y a même une firme spécialisée dans le prêt d’une bibliothèque en vue de faire de l’effet quand on est filmé chez soi et qu’on veut donner une certaine image de soi, soigneusement étudiée: Booksbythefoot!

Et du soin, il en faut, parce que d’autres sont spécialisés dans le ‘scrutinising‘ de ces vrais faux décors de livres: les spécialistes du Bookcase credibility.

Bref, le petit reportage ci-dessus résume tout ça en disant que ce décor de livres donne l’impression que vous savez de quoi vous parlez et même que ces livres sont plus importants que ce que vous dites.

Ils montrent votre appartenance à une classe sociale, votre niveau d’éducation, l’état de vos finances et à quoi vous vous intéressez.

Ils sont « étrangement rassurants ».

Et surtout, parfaitement instagrammables 🙂

J comme Jolabokaflodid

Jólabókaflóðið

Deux bonnes raisons de s’inspirer de l’Islande en ce moment de l’année, d’abord pour se rappeler le voyage fait il y a deux ans, plein de péripéties mais sans aurores boréales – on aurait préféré le contraire 😉 – et ensuite pour cette belle tradition de s’offrir des livres.

Dans Jólabókaflóðið, il y a ‘Jol‘, qui ne nous dit rien mais qui signifie Noël, puis il y a ‘bok‘ et là on reconnaît le mot germanique pour ‘livre’ (book, boek, Buch…) et enfin le mot ‘flod‘ (comme flood, vloed, Flut…).

Donc au total ça donne un flux, un déferlement de livres pour Noël.

On en explique l’origine et les modalités sur le site qui porte son nom – l’illustration ci-dessus est sa bannière.

La coutume remonterait à la fin de la guerre de 40, quand tout ou presque était denrée rare, sauf le papier. Ce qui fait que les cadeaux qu’on pouvait le plus facilement s’offrir, c’était des livres.

Ce qui est merveilleux, c’est que la tradition perdure.

Il est vrai que les Islandais sont très fiers de leur culture et qu’ils sont conscients que la sauvegarde de leur langue passe en grande partie par leur littérature.

Depuis à peu près mille ans 🙂

X c’est l’inconnu

Une bible bien plus ancienne que l’ouvrage signé Tante Léa  est également en possession de l’Adrienne qui ne sait plus du tout – mais alors vraiment plus du tout – comment elle est arrivée chez elle.

Elle date de 1906 et s’intitule en toute simplicité 🙂 L’Art de bien manger suivi de l’Art de choisir les vins et de les servir à table et d’un chapitre spécial, orné de figures explicatives sur le découpage. 

« Le tout recueilli et annoté par Edmond Richardin ».

On y trouve les aphorismes de Brillat-Savarin, une préface d’André Theuriet, des reproductions d’estampes expliquées par Gustave Geffroy…
Bref, vous n’avez qu’à lire la page de garde sur la photo ci-dessus et vous saurez tout 🙂 On peut même le lire en ligne sur Gallica.

Parmi les luxueux menus cités en fin de volume, voyons celui offert au prince Tenicheff (1844-1903) le premier janvier 1900 à l’Elysée Palace Hôtel

Huîtres natives.
Hors-d’oeuvre à la russe.
Crème Windsor.
Consommé Chevreuse.
Truite au bleu sauce mousseline.
Selle de chevreuil grand veneur.
Chasse royale.
Salade Palace.
Parfait de foie gras au porto.
Fonds d’artichauts au velouté.
Bombe 1900.
Corbeille de friandises.
Dessert.

L’ouvrage, en plus de son origine inconnue, ne dit pas ce qu’est la crème Windsor, le consommé Chevreuse, la chasse royale, la salade Palace… ni d’où les huîtres sont natives… justifiant ainsi triplement la place de ce billet sous le titre X c’est l’inconnu 🙂

T comme Tante Léa

Jour après jour, le départ définitif de la mère de l’Adrienne se prépare:

– Est-ce qu’il y a des livres de ton père qui t’intéressent? demande-t-elle.

Bien sûr qu’ils l’intéressent! Elle les prendrait bien tous, si elle avait la place pour les mettre. Mais il faut se raisonner. En prendre deux ou trois. Mettons cinq ou six et n’en parlons plus 😉

En donnant la préférence à ceux qui ont vraiment compté pour le père.

Comme celui de l’illustration, qui a dû être un de ses tout premiers achats d’homme marié: Menus et recettes de Tante Léa, paru aux éditions de la Libre Belgique en 1959.

Deux choses frappent tout de suite à la lecture de l’introduction de cette bible de plus de six cents pages.

D’abord, qu’elle s’adresse uniquement à un public féminin:

« […] notre but a été d’essayer de procurer à [nos] lectrices un recueil de conseils pratiques répondant aux mille problèmes que se posent journellement les maîtresses de maison. » (p.7)

Ensuite, que les familles étaient sans doute plus nombreuses à l’époque:

« L’indication précise des ingrédients nécessaires, chaque plat étant calculé pour six personnes. » (p.7)

Enfin, on remarque aisément que la page qui a été le plus consultée est celle des carbonnades flamandes 🙂

Viande de bœuf 3/4 de kg, 1/4 de kg d’oignons, 50 gr de beurre, 1 tranche de lard gras, une demi-bouteille de bière de ménage, 2 morceaux de sucre, une tranche de pain, une cuillerée à soupe de moutarde, thym, laurier, sel et poivre. (p.161)

P comme polar

Le Polar pour les Nuls, grand format par Aubert

Le Polar pour les Nuls, voilà un beau cadeau (merci les éditions First) pour découvrir tous les secrets, les ficelles, les grands noms, les personnages célèbres, les romans ‘incontournables’ – ce mot revient assez souvent 😉 … de ce genre de littérature qui est, paraît-il, celui qui connaît le plus gros chiffre de vente au monde.

Les pandores et les malfrats, la nuit et ses oppressants mystères, du plus psychologique et raffiné au franchement ‘gore’, c’est tout un univers plus varié qu’on ne le penserait qui s’ouvre au lecteur sous la couverture en carton souple.

Bref, ne tirez pas sur les pianistes si elles ont ‘oublié’ un nom qui vous serait cher, ce livre, elles le précisent, n’est pas une encyclopédie. C’est un outil assez complet, bien plus qu’une simple béquille pour soutenir vos connaissances trop rudimentaires du sujet.

Comme celles de l’Adrienne, qui a pu constater grâce au questionnaire en début de volume, qu’elle était vraiment nulle 🙂 

***

et pour ceux qui aiment cette littérature, voici les dix œuvres recommandées par Les Nuls, dans l’ordre chronologique:

1. Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskervilles, 1901) d’Arthur Conan Doyle

Dans le sud-ouest de l’Angleterre, un chien démoniaque pourchasserait, selon une vieille légende, les membres de la famille Baskerville. Sherlock Holmes et le docteur Watson enquêtent sur la mort étrange de Sir Charles

2. L’Aiguille creuse (1909) de Maurice Leblanc

Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur, a aménagé la cachette où il entrepose le trésor des rois de France dans un gigantesque rocher au pied de la falaise d’Étretat. Il continue de piller les environs de Dieppe pour alimenter sa collection.

3. Moisson rouge (Red Harvest, 1929) de Dashiell Hammett

Un détective employé par l’agence Continental se rend dans une bourgade minière du Montana à la demande d’un journaliste local. Mais à peine arrivé, le détective découvre son client assassiné et la ville entièrement assujettie à des bandes rivales de gangsters, ex-briseurs de grève, qui en ont pris le contrôle.

4. La Nuit du carrefour (1931) de Georges Simenon

Pourquoi ce Maigret-ci plutôt qu’un autre ? Maigret au Picratt’s pour l’ambiance de Pigalle, ou Maigret aux Assises pour la réflexion sur le métier d’enquêteur et ses rapports avec la Justice ? Parce que Maigret nous impressionne à l’issue de 17 heures d’interrogatoire… Tenace, il file aussitôt au Carrefour des Trois Veuves pour surveiller le pavillon des Michonnet : un concentré de sa méthode, patience et osmose.

5. Dix petits nègres (And Then There Were None, 1939) d’Agatha Christie

Dix personnes sont conviées par un mystérieux inconnu à séjourner sur la luxueuse et fascinante île du Nègre. Les dix invités accourent avec enthousiasme. Un après l’autre, ils connaîtront pourtant le même sort funeste…

6. The Long Goodbye, anciennement Sur un air de navaja (The Long Goodbye, 1953) de Raymond Chandler

Sans doute son meilleur livre avec Adieu ma jolie (Farewell, my lovely, 1940). Le chevalier Marlowe n’aurait pas dû faire trop confiance à son ami Terry Lennox, accusé du meurtre de sa femme… Un hommage mélancolique à l’amitié trahie.

7. Le Dahlia noir (The Black Dahlia, 1987) de James Ellroy

À travers l’évocation d’une célèbre affaire criminelle de 1947 jamais élucidée – une starlette atrocement assassinée, surnommée « le Dahlia noir » – Ellroy décrit avec une force hallucinante une enquête de police dans le Los Angeles des années 1950.

8. Le Silence des agneaux (The Silence of the Lambs, 1988) de Thomas Harris

Clarice Starling, une profileuse du FBI, essaie de retrouver un dangereux psychopathe en sollicitant le docteur Hannibal Lecter, psychiatre emprisonné pour meurtres. On ne le dira jamais assez, il faut surtout lire le roman qui précède, Dragon rouge (Red Dragon, 1981), moins connu mais essentiel.

9. Moloch (1998) de Thierry Jonquet

À la fois peinture sociale dérangeante et absolue descente aux enfers au cœur de la psyché humaine, ce roman noir magnifiquement écrit démarre par une enquête sur d’affreux meurtres d’enfants. Éprouvant, mais jamais complaisant.

10. La Griffe du chien (The Power of the Dog, 2005) de Don Winslow suivi de Cartel (The Cartel, 2017)

Le combat homérique, développé en deux romans inoubliables et d’un réalisme troublant, entre Art Keller, incorruptible agent de la DEA américaine, et Adàn Barrera, inspiré du narcotrafiquant le plus célèbre du monde, El Chapo. Barrera vise le contrôle de tous les cartels et Keller ressemble de plus en plus à Don Quichotte.

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écrit pour les Plumes d’Emilie avec les mots imposés suivants: PANDORE – BÉQUILLE – NUIT – CADEAU – SECRET – SUCRE – CARTON – OUVRIR – OPPRESSER – OUTIL

H comme Henri Beauvillard

henri b

« C’est grâce à Henri Beauvillard, dit le professeur émérite, botaniste, spécialiste en microbiologie, que j’ai appris des choses sur le corps humain. Mes parents avaient son livre « De geneesheer der armen » (1) et je l’ai dévoré en cachette. »

Voilà qui fait sourire l’Adrienne parce que ça lui rappelle meilleure-amie-depuis-l’âge-de-trois-ans, dont la maman tenait caché dans un buffet – caché, croyait-elle – un épais ouvrage médical à couverture sombre, où meilleure-amie-etc, qui à l’époque n’avait pas encore de petit frère, avait découvert – et voulait faire partager à Mini-Adrienne – ce qui différenciait physiquement l’homme de la femme.

Ce brave docteur Beauvillard le savait bien, vu qu’il précise en première page de son ouvrage, en guise de pub pour un autre de ses écrits:

« TRAITÉ DES Maladies Secrètes & Contagieuses DANS LES DEUX SEXES

Vu le caractère confidentiel de ces maladies, nous n’avons pu en parler plus longuement dans le Médecin des Pauvres, qui est lu par tous et se trouve même entre les mains des enfants.

Mais les personnes qui désirent avoir des renseignements complets sur ces terribles maladies peuvent nous demander l’ouvrage intitulé Traité des Maladies secrètes, etc, prix franco, 2 fr. 50. (Envoi discret.) »

Bref, nil novi sub sole 😉

Dans sa conférence (2), il s’agissait bien sûr de son domaine à lui: les plantes.
De leur classification au travers des âges.
Et du problème de savoir de quelle plante on parle, dans les écrits anciens, vu qu’il n’y avait ni classification, ni description, ni illustration.

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(1) sur Gallica on peut lire l’ouvrage en ligne en français, « Le médecin des pauvres« , d’où vient l’illustration ci-dessus: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5455234c.texteImage 

(2) Sa conférence était, semble-t-il, basée sur un des nombreux ouvrages qu’il a publiés, De historia naturalis, et dont on peut lire les premières pages ici.