Un chouette petit concert donné par Jos Van Immerseel où on a pu entendre ce morceau de Mozart que l’Adrienne ne connaissait pas encore 🙂
Mais bien sûr avec Jos Van Immerseel c’était sur un instrument d’époque, un pianoforte viennois (copie du Hammerflügel d’Anton Walter) comme celui sur lequel Mozart (ou Haydn et même Beethoven) ont composé et joué.
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Ce qui était super aussi, c’est qu’après le concert, le public intéressé a pu voir l’instrument de près et poser toutes ses questions 🙂
Entendre Frank Sinatra chanter, alors qu’il n’a pas du tout la voix pour le faire: Là ci darem la mano, Là mi dirai di sì. Vedi, non è lontano; Partiam, ben mio, da qui, ça a quelque chose de comique. (Là je te donnerai la main, là tu me diras oui. Regarde, ce n’est pas loin; partons d’ici, ma chérie)
Puis entendre la ravissante Kathryn Grayson lui donner la réplique, elle se défend bien, comme soprano: Vorrei e non vorrei, Mi trema un poco il cor. Felice, è ver, sarei, Ma può burlarmi ancor. (je voudrais bien et en même temps je ne veux pas, mon cœur tremble un peu. Je serais heureuse, c’est vrai, mais il peut encore une fois se jouer de moi)
Juste avant cette scène de séduction, juste avant que don Giovanni vienne déranger leurs plans, Zerlina était tout heureuse de voir enfin arriver le jour de ses noces avec Masetto et chante aux jeunes filles ses amies de ne surtout pas laisser passer l’âge de l’amour ni des plaisirs: si vous avez le cœur qui bouillonne, dit-elle en montrant son fiancé et le groupe des jeunes gens, le remède est là! Giovinette che fate all’amore, non lasciate che passi l’età, se nel seno vi bulica il core, il rimedio vedetelo qua. Ah! Che piacer, che piacer che sarà!
A quoi Masetto répond de ses propres conseils à l’adresse de ses amis, jeunes têtes folles qui picorent ici et là: ce genre de fête ne dure pas! Giovinetti leggieri di testa non andate girando di qua e là. Poco dura de’ matti la festa, ma per me cominciato non ha. Ah! Che piacer, che piacer che sarà!
Cinq ans après la triste expérience des trains allemands, l’Adrienne va retenter le coup: demain elle monte dans le train pour Mannheim avec changement de correspondance à Cologne, autant dire que c’est de l’optimisme pur 🙂
Comme il n’y aura ni sa mère, ni Monsieur Neveu, elle n’a qu’à se préoccuper d’elle-même, c’est dire que le souci est bien petit.
Mais pourquoi diable aller à Mannheim, vous demandez-vous.
Et bien, c’est fort simple, pour visiter Heidelberg et assister à quelques concerts d’un festival de musique.
Voilà voilà.
Le plus périlleux sera le retour, et qu’à Bruxelles le dernier train en direction sa petite ville soit parti depuis longtemps.
Vous vous souvenez de ces trois rendez-vous ratés avec Mozart pour cause d’éternelle pandémie? Ces trois opéras avec Da Ponte que l’Adrienne attendait avec joie et impatience depuis des mois? Le 5 février 2020 elle y croyait encore et quelques jours plus tard tout était annulé.
Vous vous souvenez aussi de son émotion en avril dernier, quand elle a constaté qu’il suffirait de sauter par-dessus le Channel pour assister à des réjouissances mozartiennes?
Et bien c’est fait: elle a écouté les conseils épicuriens (« on ne vit qu’une fois » a dit Mme Chapeau), pris un passeport international, pris le train, et la voilà prête à partager avec vous ce soir même un grand moment festif, un verre de bulles qui pétillent à la main 🙂
Merveilleuses retrouvailles pour un plaisir immense et éphémère qu’est le spectacle vivant!
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Merci à Émilie d’avoir repris ses Plumes avec – sous le thème des retrouvailles – les mots imposés suivants:
EMOTION, PARTAGER, FESTIF, REJOUISSANCE, RENDEZ-VOUS, IMPATIENCE, SE SOUVENIR, JOIE, VERRE, PETILLER, EPICURIEN, ETERNEL et EPHEMERE.
Quand la Grande-Bretagne a décidé de quitter l’Union européenne et introduit l’obligation du passeport international – alors qu’autrefois on prenait le bateau Ostende-Douvres avec une simple carte d’identité, mais bon, bref – l’Adrienne un peu fâchée s’est dit: « Et bien si c’est comme ça, moi je n’y vais plus! »
Serment d’ivrogne qui ne boit pas, pourrait-on dire: elle a vu par hasard ces jours-ci qu’au festival de Glyndebourne il y aura l’ami Mozart, sans compter les magnifiques jardins et l’inégalable climat du Sussex 😉
Tout ça pour vous dire qu’elle a très très envie d’oublier ses serments et d’aller chercher un passeport international à l’hôtel de ville 😉
Hier l’Adrienne réfléchissait à un billet F comme Fa, dans lequel elle vous expliquerait son petit souci de casting à la chorale: non, elle n’est pas vraiment une soprano mais le chef pense que si 🙂
Alors elle qui n’arrive qu’à peine à chanter le fa dans « judicandus » devrait arriver jusqu’au la dans « homo reus« . Mission impossible, donc.
– Blijven oefenen, a rigolé un ténor quand elle a dit qu’elle n’atteindrait jamais ce sol et ce la. Blijven oefenen, continuer à s’entraîner, a-t-il répété, hilare, comme si l’exercice allait y changer quelque chose, mais bon, elle a ri aussi.
Et puis dans sa boîte aux lettres elle a trouvé un courrier de la police.
Pour lui signifier que son figuier (appelé « struik« , « buisson », alors qu’il est déjà plus haut que son toit ;-)) a des branches qui envahissent le trottoir: « het voetpad is bijna volledig overwoekerd« .
Dangereux, ça! Et une invasion du domaine public, « inname van het openbaar domein » en plus!
Bref, le billet du jour serait plutôt F comme figuier.
Ou tout autre mot en F qui vous viendrait à l’esprit après la lecture de ce billet 😉
– Tu permets? dit l’ami en tendant la main vers une anthologie de poèmes que l’Adrienne avait choisie à la bibliothèque pour montrer à Estevan qu’il existait autre chose que des poètes neurasthéniques et suicidaires, puisque telle était son opinion après dix mois passés en compagnie de Baudelaire e tutti quanti.
– Bien sûr, fait-elle.
Mais il feuillette à peine le livre et lui demande:
– Qui c’est, ton poète préféré?
Alors là! Impossible de répondre!
– Je ne saurais même pas lesquels garder et lesquels laisser tomber si je devais en choisir dix, dit-elle. Il y en a plusieurs par siècle, à commencer par ceux du moyen âge!
Qu’est-ce qu’ils ont, les gens, à vouloir vous demander de choisir, de sélectionner, de faire un top dix ou un podium?
Est-ce qu’on lui demande, à lui, de choisir son physicien préféré?
C’était un matin d’été, un jour de grande chaleur. Je devais prendre un taxi pour traverser Paris. Le chauffeur, un Asiatique souriant, Mercedes climatisée noire, me dit: « La musique ne vous dérange pas? » – En principe, non. Qu’est-ce que vous avez? » Il me cite deux chanteurs de variété, une chanteuse, et puis, surprise, Bach et Mozart. « Quoi de Mozart? – Le Requiem. – Vraiment? – ça ne vous plaît pas? – Si, si. Quelle interprétation? – L’Orchestre philharmonique de Vienne. Vous connaissez? – Un peu. Allez-y, merci. »
[…] Je descends dans l’air étouffant, je marche vers mon rendez-vous, j’appelle sur mon portable pour prévenir d’un léger retard, je tombe sur un allégro de Mozart en boucle, un concerto pour violon. A New York, je m’en souviens, dans l’ascenseur de l’hôtel, c’était la 40e symphonie en sol mineur. Pour réserver un taxi, la Petite Musique de nuit. Et ainsi de suite. Mozart est partout, c’est une industrie permanente […]
Mozart, le vrai Mozart, quelle serait aujourd’hui sa fortune s’il touchait à chaque instant des droits d’auteur? J’ai fini par poser la question à un spécialiste qui m’a répondu en riant: « De quoi s’acheter l’Autriche tout entière. »
Philippe Sollers, Mystérieux Mozart, éd. Folio 2006, incipit p.13, p.17 et p.20.
Zut! se dit l’Adrienne en entendant le flot de muzak envahir la maison. Il est temps d’intervenir.
On ne peut empêcher ses voisins d’avoir certains goûts musicaux mais on peut essayer de leur faire baisser le son.
Elle prend donc sa plume la plus diplomatique pour écrire sur un ton guilleret « vous aurez sans doute déjà remarqué vous aussi à quel point le mur entre nous est fin ». Mais non, la voisine ne l’avait pas encore remarqué, et pour cause, l’Adrienne mène une vie de souris – et même moins bruyante encore.
« Moi j’entends tout ce que vous dites, répond l’Adrienne, je comprends juste un peu moins bien quand c’est Monsieur qui parle, à cause de son dialecte gantois. » Ce dernier détail devant servir à convaincre tout à fait la voisine que oui, zut et flûte, l’Adrienne entend tout!
« Même, ajoute-t-elle, que je me sentais fort mal à cause de ça, comme un voyeur. »
Parce que c’est régulièrement reality TV chez les nouveaux voisins.
Bref, la voisine remercie de l’avoir prévenue et conclut par un « On en tiendra compte à l’avenir! »
Quant à savoir quand c’est, « l’avenir », la question reste ouverte: ils continuent à crier dans leur téléphone et à parler si haut et si fort, alors qu’ils ne sont que deux dans la maison, que l’Adrienne – zut et flûte – continue de tout entendre.
Mais au moins elle n’a plus l’impression de faire du voyeurisme 🙂
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et douze minutes de Mozart pour se remettre les oreilles à l’endroit 🙂