I comme i

Mettre les points sur les i, se dit l’Adrienne, de puntjes op de i zetten, mais on n’en met que sur le i minuscule, comment ça se fait?

Tout à fait le genre de questions pour lesquelles Madame pouvait toujours compter sur un élève par classe – l’indispensable élève aux questions qui permettent à tout le monde de respirer un coup.

Et en même temps garantissent 100 % d’attention 😉

– D’où ça vient, cette cédille sous le c? a demandé un jour un de ces précieux élèves questionneurs.

Mais jamais aucun ne s’est inquiété de l’absence de point sur le i majuscule.

Jusqu’à hier soir, que tout à coup l’Adrienne se le demandait.

Alors bien sûr elle a cherché, il n’y a rien de plus ennuyeux que des questions sans réponse 😉

La question a fait l’objet d’une étude de Pierre-Michel Bertrand, Le point du i. Précis d’érudition pointilleuse.

On peut écouter l’interview ici, la réponse y est donnée.

Sinon, bien sûr, il reste wikisaitout.

Source de l’illustration ici.

I comme intime

Agriculture | Pierre Rabhi, le respect de la Terre
source ici

Ni pendant son enfance, ni à l’adolescence, jamais mini-Adrienne n’a tenu de journal intime.

Par contre elle a écrit plusieurs romans (LOL).

Et pendant les vacances en famille, elle tenait un journal fort complet sur le séjour: l’itinéraire détaillé avec les kilométriques et l’horaire, les visites culturelles, les repas avec tout le menu, les occupations des journées, que ce soit la baignade en rivière ou les courses au super U, et quelques considérations propres à l’âge de la chroniqueuse.

Chaque été, un cahier.

Une écriture qu’elle croyait appartenir au domaine de l’intime jusqu’au jour où elle a découvert son cahier entre les mains paternelles: le choc!

Par bonheur, elle ne disait jamais que du bien de lui, aucun mal de sa mère, aucune plainte concernant le petit frère.

Ce n’était donc pas non plus un journal intime 😉

***

Mais elle y parle chaque année du monsieur de la photo ci-dessus que le père a parfois fait poser, au marché, derrière l’étal de fromages de chèvres.

Tellement la famille était fan 🙂

Malheureusement c’est dans les albums de la mère, à 850 km d’ici.

Sans quoi vous auriez pu voir qu’à l’époque, il portait des chemises blanches 🙂

Adrienne s’amuse avec François Bon

DSCI6925

proposition 1, des images mentales (à partir de Henri Michaux, en rêvant à partir de peintures énigmatiques – écrire trois paragraphes https://youtu.be/fCcC1WQRqag

Couchée sur le plancher, elle regarde le plafond. Tout blanc, avec des ombres ici et là, dues aux inégalités de la couche de plâtre et aux petites aspérités.

Elle fixe toujours le point central, où il y a un trou de forme irrégulière, véritable cheminée vers le grenier, par où s’échappe la chaleur du radiateur ouvert au maximum.

Dans la salle de bains, on ne risque pas l’étouffement. En plus de ce trou dans le plafond, où pendouille un fil électrique avec une ampoule à 40 watts, il y a presque deux centimètres d’espace sous la porte, qui tremble à grands bruits dans ses gonds à chaque passage de camions. Et il en passe beaucoup.

proposition 2, écriture avec écrivain (à partir des Rêves de rêves d’Antonio Tabucchi) – écrire un paragraphe https://youtu.be/iMoSkiH3XzI

Couchée sur le dos, elle se demande chaque fois si les nuages dans la peinture blanche sont dus à son manque de talent de peintre, à une mauvaise préparation du support, comme disent les fiches de bricolage vantant un primer plus coûteux que la plus luxueuse des peintures, ou aux jeux de lumière à travers les motifs des rideaux. Et comme il lui est impossible de ne faire qu’une chose à la fois, tout en examinant le trou, l’ampoule, la peinture blanche, les ombres et la lumière, elle compte seize fois jusqu’à vingt en se brossant consciencieusement les dents sous toutes les faces et donne de grands coups de pédales en l’air parce que la kiné le lui a conseillé pour muscler le ventre et le dos.

proposition 3, quand Kafka s’amuse (renversements et variations sur un thème, dans le Prométhée de Kafka) – énumérer quatre possibilités https://youtu.be/EUIAOzgLC9A

Couchée sur le plancher de la salle de bains, elle se dit qu’elle pourrait faire venir un homme de l’art, il arrangerait ce trou, placerait une jolie lampe, par exemple celle qu’elle a achetée dans ce but, voilà plus de cinq ans déjà. Elle pourrait demander à un menuisier de réparer le parquet et les faux plafonds, là où l’électricien a fait des dégâts. Elle pourrait rappeler à Monsieur l’Entrepreneur qu’il lui a promis une armoire encastrée à côté du lave-vaisselle, encore un trou à combler, c’est fou le nombre de trous qui ont été faits dans cette maison sous prétexte de la mettre aux normes et d’isoler ce qui pouvait l’être. Un trou dans une des plaques de faux marbre, un coin brisé et perdu dans la plinthe en céramique bleue, le trou des cheminées qui ne servent plus et tant de petits trous dans le carrelage. Elle pourrait mais ne fera rien, elle est la reine de l’inertie.

T comme tarif

L’Adrienne a failli tomber à la renverse en lisant qu’Eric-Emmanuel Schmitt monnayait ses « conseils d’écrivain » dans des master class en vidéo à 120 € – si on désire une rencontre avec l’écrivain, c’est évidemment plus cher: 500 €.

Avant de lui retirer mon estime, j’ai fait un petit tour des « master class d’écrivain » et constaté que le mal était fort répandu. Certains s’y adonnent à titre privé et font leur pub sur leur site personnel, comme Alexandre Jardin, 200 € pour « découvrir ses secrets d’écrivain ». D’autres y sont engagés par leur maison d’édition, comme Gallimard: 1500 € pour plusieurs séances en présence de l’écrivain. Ou par la BNF, une séance avec un écrivain comme notre Amélie Nothomb et là l’entrée est gratuite.

Voilà, me suis-je dit, Eric-Emmanuel et Alexandre doivent sans doute manquer de beurre dans leurs épinards.

Premier pressé

Tu es pressé d’écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie
S’il en est ainsi fais cortège à tes sources
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
Effectivement tu es en retard sur la vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir
Celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci
Hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
En t’inclinant
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes
Tu as été créé pour des moments peu communs
Modifie-toi disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption
Sans égarement

 

Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.

 

René Char

Le marteau sans maître, 1934 – Moulin premier, 1936
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Poesie-Gallimard/Le-Marteau-sans-maitre-suivi-de-Moulin-premier

Pour le premier de l’an, ce beau poème de René Char, qui m’a beaucoup touchée.

Oui je suis toujours « pressée d’écrire » et je « me hâte » de le faire…

Cool

Bonne année 2015 à tous!

poesie,litterature

 je retrouve ma connexion demain soir

Cool

I comme inventaire

Inventaire de tous les vieux habits qui m’envahissent
– les miens et d’autres –

avec les souvenirs qui s’y rattachent

Hubert Haddad, Le nouveau magasin d’écriture, Zulma, 2006, page 94

***

Quatre ou cinq tenues de jogging (veste et pantalon), bleues pour la plupart, héritées de mon frère quand il avait entre 14 et 16 ans et qu’il en a voulu de plus seyantes.

Une demi-douzaine de T-shirts rouges hérités du même et au même âge, soi-disant devenus trop petits pour sa carrure de footballeur.

Les tabliers de ma mère et de ma grand-mère. Lors du déménagement, j’en ai rempli une boîte.

Deux manteaux de ma mère. Selon elle, indémodables. C’est sans doute pourquoi elle s’en est acheté des neufs.

Une écharpe de laine blanc cassé, tricotée et portée par ma grand-mère, il y a environ soixante-cinq ans. Portée par moi pendant plus de trente ans. Aujourd’hui trouée, à la grande joie de ma mère qui n’a jamais cessé de me dire que cette écharpe était une horreur et que je devais cesser de la mettre.

Des chapeaux. Un chapeau noir et plat de ma grand-mère. Des chapeaux melons de mon grand-père. Un beau feutre noir de mon père. Un « chapeau boule » de mon arrière-grand-père.

Une jupe, une blouse et un pull de belle-sœur aînée, morte dans un accident de voiture à 43 ans.

Des mouchoirs de mon père. Je conserve même ceux qui sont troués.

Ma robe de mariée. No comment. Ainsi que les sandales blanches portées à la même occasion et que je n’ai pas usées, vu qu’elles me faisaient horriblement mal aux pieds.

Ma robe de fiançailles. Une petite robe en coton fleuri qui ne m’avait pas coûté 300 francs belges de l’époque et que ma future belle-mère avait trouvée franchement minable. Ce qu’elle était, d’ailleurs Langue tirée. Elle en blâmait ma mère. Ses trois filles à elle avaient eu droit à une jolie robe en soie pour leurs fiançailles, me disait-elle.

Une robe-tunique en gros coton, cousue par Rosemund, l’épouse de Muanza-qui-ne-s’appelle-pas-Muanza, à rayures verticales bleues, blanches et noires et à motif brodé à la machine autour de l’encolure.

vive la famille,souvenir d'enfance

 photo de la marque Derby Sport

G comme Georges

Le café était installé dans une maison ancienne aux murs épais.
Derrière le bar, le garçon frottait distraitement des verres avec une serviette déjà fort défraîchie. Trois marches de pierre bleue descendaient du trottoir vers la salle pavée à l’ancienne. Les banquettes avaient connu la richesse du velours pourpre, aujourd’hui usé, taché, décoloré. 

Il n’y avait presque personne. J’ai refermé la porte sur les bruits de la rue et j’ai hésité un moment, devant le nombre de tables libres, avant de décider où m’asseoir. Le garçon a jeté sa serviette sale sur l’épaule, d’un geste d’une nonchalante familiarité et est venu vers moi. Les miroirs se faisant face tout le long reflétaient à l’infini sa silhouette et la lueur jaunâtre de quelques ampoules allumées le long des murs. Mon siège était bancal, j’en ai pris un autre.

J’ai commandé un café, croyant que le risque était moins grand que la tasse ait été en contact avec ce chiffon qui lui servait à essuyer les verres.
Les vitres étaient embuées, renfermant le café sur lui-même, le coupant de l’extérieur, cachant les façades agressives des commerces d’en face. En revenant avec mon café, le garçon a donné un coup de coude dans la porte, que j’avais mal fermée.

– Si c’est pour monsieur Georges que vous êtes là, il m’a chargé de vous dire qu’il ne viendra pas, aujourd’hui.
– …
– C’est bien pour lui que vous êtes là ? Vous êtes assis à sa table.

Ce n’est qu’alors que j’ai remarqué que cette table-là, contrairement aux autres, avait une nappe et un gros cendrier en verre taillé.

***

voilà le genre de texte qu’on se met spontanément à écrire après la lecture de Simenon
Cool

fiction,jeu

photo prise à Bruxelles en juillet 2013

U comme urgence

J’écris dans l’urgence, la frénésie. Sans délai, en toute hâte.

J’écris dans le bonheur, le plaisir, la joie.

J’écris dans le doute. J’hésite sur un mot, sur un sujet. Je m’autocensure.

J’écris sur du papier et j’écris à l’écran. Je tapote à deux doigts, j’use les touches avec mes ongles. On ne voit plus le E. Le S et le T sont déjà endommagés aussi. J’écris au crayon, au stylo : le noir, le bleu, le rouge, le vert. J’écris tout le temps dans ma tête. A toute heure du jour. J’écris. Sur des feuillets, des carnets, des blocs-notes.

J’en ai perdu un dernièrement à Bruxelles. C’est la première fois que ça m’arrive. Je me demande ce qu’en fera celui qui le trouve.

***

– Il voudrait devenir écrivain, me dit l’ami G*** à propos de son plus jeune fils, celui qui est docteur en physique.
– Ecrivain, dis-je sans réfléchir, on ne le devient pas. On l’est.

Ce cri du coeur ne voulait rien dire d’autre que ceci : s’il a envie de devenir écrivain, c’est simple. Qu’il n’attende pas. Qu’il écrive.

Dans l’urgence, la frénésie. Le bonheur, le plaisir, la joie. Sur du papier ou à l’écran.

Mais pas sur des blocs-notes qu’il risquerait de perdre en chemin.

Langue tirée

 en réponse à la question du mardi chez Olivia
« Comment écrivez-vous? »
http://oliviabillingtonofficial.wordpress.com/2014/02/18/cest-mardi-comment-ecrivez-vous-5/

G comme Graag Gedaan!

A la demande d’Euterpe, une traduction d’un poème de Maria Tesselschade Roemers (17e siècle)
Elle y exprime le pouvoir consolateur de l’écriture de soi.

Aan mijnheer Hooft, op het overlijden van Mevrouw van Sulecom

A monsieur Hooft, à l’occasion du décès de madame van Sulecom

Die als een Baak in zee van droefheid wordt gehouwen,
geknot van stam en tak, en echter leven moet,
zendt u dit zwak behulp voor ’t troosteloos gemoed,
gedompeld in een meer van Baerelijke rouwen.

Celle qui a été tranchée comme une balise dans une mer de douleur,
Tronc et branches abattus, et qui pourtant doit vivre,
Vous envoie ce faible soutien pour l’âme inconsolable,
Immergée dans une véritable mer de deuil.

Zegt Vastaard dat hij mocht pampieren raad vertrouwen
zo d’innerlijke smart zich schriftlijk uiten kon.
Hij staroog’ in liefs glans als aadlaar in de zon
en stell’ zijn leed te boek, zo heeft hij ’t niet t’ onthouwen.

Dites à Vastaard qu’il peut se fier aux conseils du papier
S’il réussit à exprimer sa douleur par écrit.
Qu’il contemple le rayonnement de son amour comme un aigle le soleil
Et qu’il mette sa douleur par écrit, ainsi il ne doit pas l’avoir en tête.

Pampier was ’t wapentuig waarmee ik heb geweerd
te willen sterven, eer ’t de Hemel had begeerd,
daar overwon ik mee, en deed mijn vijand wijken.

Le papier est l’arme avec laquelle je me suis défendue
Contre l’envie de mourir avant l’heure,
Grâce à lui je vainquis et fis reculer mon ennemi.

Zijn eigen lesse leer’ hem matigen zijn pijn,
want kwelling op de maat en kan zo fel niet zijn.
Bezweer hem dat hij zing’ op maatzang droevelijken.

Que ses propres leçons lui apprennent à tempérer son mal,
Car le tourment rythmé (par la poésie) ne peut être si vif.
Conjurez-le de composer sur des mesures tristes.

***

Le mot ‘pampier‘ pour ‘papier‘ m’a d’abord étonnée
puis je me suis souvenue avec émotion
que mon arrière-grand-père (°1878)
disait lui aussi ‘pompeer

Merci Euterpe
Sourire

E comme escrivaillerie

Lire Montaigne, c’est s’exposer à s’écrier au moins trois fois par page:

Mais c’est de moi qu’il parle!

Tout en sachant que plus de 400 ans se sont écoulés entre son vécu et le vôtre Langue tirée

Mais vous tous qui tenez un blog, que pensez-vous de ceci:

« L’escrivaillerie semble estre quelque simptome d’un siecle desbordé. Quand escrivismes nous tant que depuis que nous sommes en trouble? »

Michel de Montaigne, Essais, livre III, chapitre IX, pages 159-160 (éd. GF 212)

N’y voyez-vous pas tout comme moi une réponse à la question qui fleurit tôt ou tard sur nos blogs: pourquoi est-ce que j’écris? pourquoi est-ce que je tiens un blog?

Parce que je suis en trouble Cool

Puis, quelques phrases plus loin, une autre réponse. Voyons si comme moi, vous jouissez de chaque mot Bisou:

« Outre ce, (…) cet embesoingnement oisif naist de ce que chacun se prent lachement à l’office de sa vacation et s’en desbauche. »

Michel de Montaigne, Essais, livre III, chapitre IX, page 160 (éd. GF 212)

lecture,littérature,blog,montaigne

Pour lui, je pourrais monopoliser la lettre M de tous les mois à venir et ne plus m’embesoingner oisivement qu’à des débauches de M comme Montaigne et moi Clin d'œil mais alors que faire des débauches de M comme mer, M comme Malaga, M comme musique,… qui attendent sagement dans ma boite à idées?